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Pressurage

Au pressoir, c’est la naissance du vin, un peu comme son accouchement.
Au pressoir la vie du vin commence...
Monique Charpentier Chef de caves

Un lieu

Sitôt cueillies, les grappes de raisin sont acheminées vers le "vendangeoir" où se trouvent les pressoirs. Le raisin y est pressuré, cru par cru, cépage par cépage, et n’attend jamais plus de six à huit heures, de jour comme de nuit.

C’est à ce moment-là que la plus grande partie de la vendange est prise en charge par les Maisons de Champagne. L’acheteur (ou son représentant sur place) vérifie, selon les termes consacrés par l’usage, que le raisin est "sain, loyal et marchand".

Appendice : la détermination du prix de vente du raisin

Le prix réel de cession du raisin résulte d’un accord librement négocié entre chaque Maison de Champagne et ses livreurs de raisin.

Le prix, négocié de gré à gré, dans le cadre d’un partenariat pluri-annuel, varie selon la qualité des raisins. Il est fonction des relations entretenues entre chaque Maison et ses livreurs mais aussi du cépage, de la région, et même du terroir voire du cru. "L’échelle des crus", qui était autrefois un barème officiel, reste encore souvent un utile document de référence.

Les raisins de Champagne sont "les plus chers du monde" car chaque parcelle est cultivée comme un petit jardin avec un minimum de 8 000 pieds de vigne par hectare ! L’équivalent de tous les fruits d’un cep de vigne sera nécessaire pour élaborer une bouteille de ce vin.

L’élaboration du vin : Le pressurage

Un savoir-faire

Maisons et vignerons recherchant toujours la meilleure qualité, la technique du pressurage est encadrée par une réglementation stricte souvent actualisée.

Les grappes de raisins doivent être déposées dans un état totalement intact sur le pressoir, ce qui exclut pour le moment toute mécanisation des vendanges.
Le rendement est limité à 102 litres de moût pour 160 kg de raisins pressurés.
Le fractionnement des jus à la sortie du pressoir doit permettre d’extraire 20,50 hl de "cuvée" et 5 hl de "taille".

Les installations de pressurage doivent respecter un cahier des charges précis, et ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront obtenir leur agrément.

L’établissement de ces règles vise au respect maximal du raisin, afin que la couleur contenue dans la pellicule des raisins noirs (pinot noir et Meunier) ne colore pas le moût. De même, ces prescriptions permettent de préserver des caractéristiques analytiques et organoleptiques, déterminantes dans le processus d’élaboration d’un vin blanc mousseux, lors de l’extraction des jus.

Les pressoirs utilisés doivent également répondre à des normes strictes :

  • Le chargement doit être facile, rapide et avec une faible hauteur de chute de raisins ;
  • La surface de pressurage doit être large ;
  • L’extraction des jus doit se faire à 90 degrés de l’axe de pression, de sorte à favoriser l’autofiltration des moûts, et à des pressions faibles (moins de 1 kg/cm²) éviter ainsi toute coloration des jus ;
  • L’établissement d’un cahier des charges appliqué par les constructeurs au niveau des consoles de pilotage.

Le centre de pressurage est un lieu déterminant pour l’obtention de l’appellation "Champagne". Il doit se conformer à un cahier des charges très précis défini par les professionnels champenois et l’Institut National des Appellations d’Origine. Les locaux, le pressoir, la cuverie de débourbage ainsi que tout ce qui constitue ce lieu doit obtenir l’agrément défini par l’Interprofession Champenoise dans le cadre d’une Charte de qualité, qui fut adoptée dès 1987.

Des pressoirs spécifiques

Le matériel utilisé pour le pressurage présente une très grande diversité et n’a cessé d’évoluer au fil du temps. Ainsi, il améliore sans cesse la qualité du vin de Champagne. Là encore, cette technique répond à un savoir-faire strict :

  • ne charger et ne pressurer que des grappes entières ;
  • assurer l’extraction progressive des jus avec une montée lente en pression ;
  • manipuler chaque grappe avec délicatesse et sans la meurtrir ;
  • assurer une bonne autofiltration des jus à travers le gâteau de marc ;
  • éviter l’oxydation des moûts.

A ces exigences techniques s’associent des impératifs d’un ordre humain : rechercher une continuité optimale dans la succession des opérations, en particulier par la réduction des temps morts, ceci pour éviter tout stockage des raisins cueillis. Il s’agit également de réduire l’aspect pénible des opérations grâce à un automatisme plus poussé.
On utilise en Champagne cinq sortes de pressoirs qui fonctionnent différemment :

Le pressoir traditionnel vertical à maie fixe

Ces pressoirs représentent encore presque la moitié du parc et pressurent le tiers des raisins champenois. Les principaux constructeurs sont Coquard, Darc, Dol-lat et Marmonier.

Un plateau à poussée verticale écrase les raisins disposés dans une cage ronde ou carrée. La maie est fixe et les jus s’écoulent par les côtés et par la base à travers le "gâteau de marc". Les "retrousses" ou opération qui consiste à ramener vers la partie centrale du pressoir, les bords du gâteau (ou masse des raisins moins écrasés) se font manuellement à la fourche. Ces pressoirs ont une capacité de charge de 2 000 ou 4 000 kg de raisins par grappes entières.

Le pressoir horizontal mécanique à plateaux

L’extraction des jus est provoquée par le serrage des raisins entre deux plateaux verticaux montés sur une vis centrale. La rotation de cette vis en sens inverse de celle de la cage, fait gagner du temps et limite l’intervention manuelle. La cage horizontale est ajourée pour permettre l’écoulement des jus. Les modèles récents appelés "Champagne" régulent l’augmentation des pressions par palier, et ce, en fonction de l’écoulement des jus.

Introduit en Champagne au milieu des années 50, ce pressoir "Vaslin" fut le premier pressoir automatique. Il a une capacité de chargement de 2 000, 4 000, 8 000 ou 12 000 kg de grappes entières. Ils constituent le tiers des pressoirs champenois et pressurent le quart des raisins.

Le pressoir horizontal pneumatique à vessie centrale

Construit par Mabille, il peut recevoir une charge de 6 000 kg de raisins entiers. Ce fut le premier pressoir à utiliser une source d’air comprimé : une chambre à air gonflable, située le long de l’axe central de l’appareil exerce une pression directe sur le marc. En dépit de son incontestable génie précurseur, il reste toutefois peu utilisé en raison de risques de crevaison de la vessie et d’une médiocre autofiltration des moûts.

Le pressoir horizontal pneumatique à membrane latérale

Ce type de pressoir existe en quatre versions pouvant accepter une charge de 2 000, 4 000, 8 000 ou 12 000 kg de raisins entiers. Les constructeurs sont nombreux : Bücher, Diemme, Jouglet, Mazancourt, Péra, Siprem et Willmes.

La pression n’est plus exercée par l’intermédiaire d’une vessie axiale, mais par une membrane synthétique fixée diamétralement à la cage. La cuve est fermée, mais munie de drains assurant l’écoulement des jus jusqu’à un collecteur. La pression peut être exercée par de l’air comprimé ou par de l’eau. Le programme de pressurage se présente sous une forme relativement automatisée.

Le pressoir horizontal hydraulique à poussée latérale et à maie tournante

Il représente la plus récente innovation technique dans le domaine. Il fut introduit en 1985 et il est construit par Coquard. Il existe en trois versions permettant de recevoir 2 000, 4 000 ou 8 000 kg de grappes entières.

Son principe de fonctionnement repose sur une poussée latérale, grâce à deux plateaux dotés de vérins hydrauliques. Le remaniement de la vendange est obtenu par un simple recul des plateaux, suivie d’une rotation de 90° de la maie. L’écoulement se fait par le bas, à travers la maie perforée et par les côtés de la cage ajourée. Le déchargement est assuré automatiquement et une mise au point des paliers de pression est à la base du programme.

Ces deux derniers types de pressoirs horizontaux représentent le quart du parc champenois et pressurent le tiers de la récolte. Leur usage va croissant.

La conduite du pressoir

La conduite du pressoir doit intégrer des montées régulières, progressives et lentes en pression. Il faut en effet limiter les remaniements des retrousses. La conduite manuelle est la plus adaptée à ce travail délicat, mais elle demande une vigilance de tous les instants, difficilement compatible avec le rythme élevé imposé durant les vendanges.

Pour résoudre cette difficulté tout en continuant à répondre aux normes d’extraction lente et progressive, imposées en Champagne, les services techniques de l’A.V.C., en accord avec les professionnels champenois et les constructeurs de pressoirs ont établi un cahier des charges définissant les limites de durée et de pression à exercer sur le raisin. Ils ont ainsi permis la création de consoles automatiques présentant l’avantage de garder en mémoire plusieurs programmes que le pressureur peut appliquer en fonction du cépage et de la maturité des raisins. Il existe aujourd’hui trois types de consoles répondant à ce cahier des charges :

-  les consoles de 1re génération, avec programmes préétablis (constructeurs : Bücher, Coquard, Diemme, Jouglet, Magnum, Mazancourt, Péra, Siprem, Willmes).
Tout y est prédéfini : choix des paliers de pression, choix des paliers facultatifs, durée de maintien et intensité des retrousses. On choisit au départ un programme qui peut, en fonction des particularités du raisin, être modifié manuellement à tout moment au cours du pressurage.
-  les consoles de 2e génération, avec programmes pour l’écoulement du jus et temporisation (constructeurs : Diemme, Jouglet, Péra, Siprem, Willmes).
La durée de chaque serre est automatiquement reliée aux fréquences de rattrapage de la pression à un palier de consigne donné, sans intervention manuelle. Deux temps sont prédéfinis par programme : le temps de rattrapage et la durée maximum de maintien à un palier donné. L’intensité des retrousses est prédéterminée.
-  les consoles de 3e génération, avec programme de mesure du débit réel du jus (constructeur : Bücher et Péra).

Testée aux vendanges 1994, par l’A.V.C., une console de ce type (et ce, grâce à un débitmètre installé en aval du pressoir) permet de mesurer le débit réel du jus et d’en déduire le volume écoulé. Un logiciel détermine seul les durées de maintien à chaque palier de pression, le passage par paliers facultatifs en fin de serre et l’intensité des retrousses. Cette console assure une grande sécurité.

Le fractionnement des jus

L’objectif du pressurage est d’extraire le jus du raisin. Les grappes, très fragiles, doivent être manipulées avec beaucoup de délicatesse.

Le principe de base est simple : il faut commencer par disposer dans la maie (ou aire de chargement du pressoir) un "marc" de raisins soit environ 4 000 kg de grappes entières. Enfin les plateaux, bloqués par des étais ou des équerres métalliques, reçoivent une pression progressive et discontinue, qui les fait descendre sur les grappes. Le jus coule alors entre les claies du pressoir.

  • Le tout premier jus (ou "autopressurage") résulte du pressurage naturel des raisins entre eux, lors du chargement. Il peut représenter 100 à 150 litres. Il est souvent éliminé lorsqu’il entraîne avec lui des impuretés ou du jus oxydé au contact des manipulations du raisin depuis sa cueillette.
  • Le premier jus (ou "cuvée") est obtenu par trois presses (ou "serrages" ou "serres") successives et discontinues. La première presse permet généralement de recueillir près de 10,25 hl dans le "belon" (cuve de réception en ciment, acier émaillé ou inox). Pour obtenir les 20,50 hl autorisés, on procède à la "retrousse", opération qui consiste à casser les bords du "gâteau" (ou masse des raisins moins écrasés), situés à la périphérie et qui ont donc été soumis à une pression plus faible.

Deux nouvelles presses (ou "retrousses") permettent d’obtenir la quantité complémentaire de jus (6,15 hl et 4,10 hl) qui constitue la cuvée.

  • Après ces trois presses, on effectue une troisième retrousse et l’on extrait alors un troisième jus (ou "taille") de 5 hl. Ce cycle peut conprendre 2 ou 3 presses suivant les raisins.

La qualité d’un vin résulte de sa teneur en sucre, en acide tartrique et malique, ainsi qu’en potassium. Ces éléments se trouvent rassemblés dans la pulpe dont le gradient de sensibilité à l’éclatement se répartit en trois zones :

  • la zone intermédiaire (1) riche en sucre et en acide,
  • la zone centrale (2) riche en tanin et acide malique,
  • la zone périphérique (3) riche en potassium.

Le pressurage fractionné a pour objectif d’extraire les composés tels que présents dans la pulpe. La zone 1 éclatant en premier, la cuvée a une constitution chimique différente de celle de la taille. Elle est plus riche en sucre et en acide, plus équilibrée et présente davantage de bouquet. Une cuvée ne peut-être ni tâchée, ni oxydée. Si la taille est plus fruitée, moins acide et légèrement tâchée, c’est parce que le moût s’est chargé de matières minérales et colorantes, de colloïdes et de matières albuminoïdes.

La cuvée et la taille seront donc vinifiées séparément. Ce souci de la qualité s’exerçant au détriment de la quantité est présent à tous les niveaux qui conduisent au vin effervescent de Champagne : de la culture de la vigne à l’élaboration des cuvées.

Cuvée et taille pressées, le reste des jus constituent les "rebêches" qui sont directement envoyées en distillerie et permettront la fourniture d’alcool à laquelle les producteurs de vin sont assujettis par la loi.

Enfin, le résidu du pressurage, les pellicules, rafles et pépins, appelés "aignes", sont distillés, après fermentation, pour obtenir le marc de Champagne.

Le sulfitage

Les jus (ou moûts) recueillis, cuvée et taille, dans leur belon respectif ont été filtrés par un tamis en inox qui retient les résidus solides : pellicules, rafles, pepins ou impuretés.

Pour limiter l’oxydation du moût au contact de l’air, le vinificateur procède au "sulfitage" en ajoutant une très faible quantité de produit œnologique indispensable pour l’obtention d’un moût de qualité qui préserve le fruité et la finesse des moûts.

Le sulfitage facilite aussi la décantation du jus en assurant l’insolubilité, la coagulation et par conséquent la sédimentation naturelle des bourbes. Les enzymes pectinolytiques naturels du raisin encouragent également ces réactions.

Le débourbage

Après son passage dans les belons, le moût est dirigé vers d’autres cuves dites de "débourbage". Là, il repose entre 12 et 24 heures, afin que toutes les matières étrangères en suspension se déposent. Cette décantation se déroule en deux temps :

  • une phase de coagulation, où les matières cellulosiques (ou mucilagineuses) coagulent et prennent du poids.
  • une phase de sédimentation, durant laquelle ces matières, de plus en plus concentrées, vont se déposer naturellement en un dépôt boueux (les bourbes) à la base des cuves. C’est ce dépôt qui va être éliminé par "soutirage".
    Les cuves de débourbage sont équipées de vannes d’écoulement munies de coudes décanteurs, réglés pour dépasser le niveau des bourbes déposées au fond. Ces cuves permettent d’emporter un jus débarrassé de la majorité des matières solides, dans des citernes compartimentées transportant les moûts jusqu’à la cuverie de fermentation.
    A son arrivée dans la cuverie, chaque compartiment de la citerne fait l’objet d’un prélèvement pour un premier contrôle analytique. Les moûts sont ensuite placés dans des cuves de fermentation de différentes natures : acier émaillé, inox, ciment verré ou foudres en bois ("ou pièces"). A chacune de ces étapes, on respecte scrupuleusement pour chaque moût, le type de fractionnement, le cépage et le groupement des arrivages en fonction de leur cru d’origine.
    Dès le pressoir chaque opération est enregistrée et la traçabilité des moûts parfaite.