UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

La Femme & le Champagne

Complicité

Les femmes sont particulièrement réceptives aux effets bienfaisants du champagne car elles sont généralement plus émotives que les hommes et moins habituées qu’eux aux boissons alcooliques. Elles sont presque toutes attirées par le vin tentateur, certaines même un peu trop. Rares sont celles qui ne l’aiment pas, ou qui croient ne pas l’aimer comme cette jeune fille qui, interrogée à son sujet, a répondu : « Je n’en bois pas seule car il m’irrite la gorge et il est trop froid », ajoutant cependant après une pause : « Mais si c’est un copain qui me l’offre ! C’est différent ! » La plupart des femmes, néanmoins, sont enchantées de leur premier verre de champagne. C’est ce que démontre Charles Aznavour dans sa chanson « Premier verre de champagne » dont voici deux couplets fort bien venus :

C’est mon premier verre de champagne ;
Ca me picote le nez,
Une douce ambiance me gagne
Et je suis toute émoustillée.
C’est mon premier verre de champagne
Et je découvre enfin la vie,
Un jeune homm’blond me dit des choses
Qui tournent en rond dans mon esprit.

Et comme ceci est vrai dans tous les milieux, pourquoi ne pas citer la femme de chambre de « Boy » de Christine de Rivoyre : « Monsieur Boy, dit-elle, a voulu trinquer avec tout le monde, même avec le personnel. Ça m’a piqué le nez et les yeux mais après j’étais bien, toute chaude à l’intérieur, toute gaie, j’avais envie de danser en passant les plats ».
De toute façon, quels que soient leurs goûts, toutes les femmes sont réceptives aux effets du champagne et il est, de toutes les boissons alcooliques, celle qui a leur préférence. Il est pour chacune un ami, un complice, bienfaisant moralement et physiquement. Comme l’a fort bien dit dans « Amours 1900 » Armand Lanoux : « Ce vin diable est partout où paraît la femme, grande dame ou lorette, car il a un pacte avec elle ».

Le champagne est très généralement l’élu de la femme mais il ne faut pas en déduire, comme l’ont écrit certains auteurs, qu’il est un « vin féminin ». C’est une aimable plaisanterie. Le vin, depuis l’Antiquité, est essentiellement une affaire d’hommes, et c’est d’autant plus le cas pour le champagne qu’il est un très grand vin. En outre, la puissance d’expansion de son gaz carbonique et la solidité de ses bouteilles lui donnent un caractère résolument masculin. On a vu dans la chapitre précédent que lorsque la femme boit du champagne, c’est la plupart du temps parce qu’il lui a été offert par un homme.

La gent masculine compte d’ailleurs des buveurs de champagne célèbres. Sans remonter au Régent et aux roués du XIXe siècle, on peut citer Sacha Guitry, qui en avait toujours dans le petit frigidaire qu’il avait fait installer dans sa voiture, ou Maurice Chevalier qui dans « Môme à cheveux blancs » a écrit : « Je me suis un peu laissé aller du côté du champagne. C’est si bon quand ça passe ! » Scott Fitzgerald en buvait à son petit déjeuner et Winston Churchill en faisait autant. Quant à Hemingway, il écrivait dans une lettre à Berenson : « Le seul vin cher que je boive est un bon champagne brut ». Et que penser d’un certain Welby Jourdan dont Héron de Villefosse raconte, dans « Le Vin de Paris », qu’il est mort à 94 ans après avoir bu quarante mille bouteilles de champagne ! ou encore de ce fêtard qui a fait apporter dans un cercueil un jéroboam chez Maxim’s pour y enterrer sa vie de garçon !

Il y a cependant des analogies entre la femme et le champagne, même pourrait-on dire sur le plan physique, comme le suggère dans « L’Union libre » André Breton par ce joli vers : « Ma femme aux épaules de champagne ». Tout un vocabulaire peut d’ailleurs s’appliquer à la femme comme au champagne, dont on dit parfois qu’il a « de la distinction », une « belle robe », « de belles jambes », du « corps », de la « souplesse », une « finesse de dentelle », mais aussi, évocation d’une femme disgraciée, qu’il est plat », « sec », « maigre », « frêle ». Et l’homme de goût regarde et admire aussi bien la femme que le champagne.

Dans le domaine psychologique, les associations sont évidentes. En Pologne, par exemple, quand une jeune personne a les qualités que l’on attribue au champagne on dit que c’est une « fille-champagne ». Ce vin, que Tristan Bernard appelait la « liqueur symbolique », est riche de symboles féminins, ce qu’exprimait comme suit Taine dans « Notes sur Paris », à propos de celle qu’il appelait « la jeune première » : « Adorables et correctes révérences, mutineries et espiègleries enfouies sous la décence de l’attitude irréprochable, curiosités et volonté qui s’alarment d’être et bientôt ne s’alarmeront plus même de paraître ; c’est du vin de Champagne en bouteille ». La comparaison champagne-femme est fréquente dans la littérature mais elle l’est aussi dans la conversation, au théâtre, dans les films. En réalité elle est universelle et elle s’applique à toutes les représentantes de beau sexe. La parabole évangélique les classe en Vierges sages et Vierges folles. Les sages, équilibrés, répondent au sérieux de l’élaboration et des contrôles du champagne, dont au contraire la pétulance s’accorde avec celles qui sont moins sages, le dynamisme de ces dernières correspondant à l’effervescence du vin d’or. Elles ont souvent la vivacité et la gaieté qui sont le propre du champagne et leur constant besoin de mouvement évoque à merveille le jaillissement de la mousse et l’éternelle ascension des bulles du divin nectar. Quand on ouvre son flacon, il explose puis se calme, mais son pétillement se poursuit longtemps dans le verre, témoignage d’une ardeur sous-jacente qui est aussi celle de ces femmes dont l’enthousiasme, bref et fugitif, est toujours prêt à renaître ; les Goncourt ont écrit dans leur « Journal » qu’à Trouville, en 1864, les femmes étaient « des poupées nerveuses, un verre de champagne dans une robe ».

La femme est généralement éprise de liberté. Il en est de même du champagne. Quand on le délivre de la prison où il est resté si longtemps, il fait entendre un soupir de satisfaction. Et une fois dans le verre, les bulles montent calmement, sereines, heureuses, l’image même de la liberté.

Le champagne a le don de plaire. La femme cherche à plaire et à se plaire. Elle veut connaître et partager le bonheur. Par son pouvoir euphorique, dû à l’alliance de l’alcool et du gaz carbonique, le champagne la rend heureuse, développe chez elle une spontanéité joyeuse dont elle lui est reconnaissante et qui peut émoustiller la plus sage. Après le joyeux jaillissement de la mousse, le feu d’artifice des bulles éclate comme une promesse de félicité qui répond à son attente.

Les femmes se parent et sacrifient à la mode. Dans leur garde-robe se trouve parfois un tailleur couleur champagne, hommage à la teinte admirable du roi des vins. Elles s’habillent différemment selon les circonstances et dans les réunions elles font assaut d’élégance. Il en est de même du champagne.

Avec une allure et un chic qui s’apparentent à ceux des vêtements féminins ses bouteilles portent une ornementation artistique, étiquettes, collerettes, capsules, long manchon d’or ou d’argent, avec souvent des motifs, des couleurs, qui les personnalisent ; la croix de Saint André rouge de Castellane, les attributs jaunes de Veuve Clicquot, le cordon rouge de Mumm en sont des exemples. Il y a même des flacons qui sont décorés dans la masse par des artistes, ou par les grands couturiers, entre autres Balmain, Givenchy, Paco Rabanne, Castelbajac. Jean-Paul Gaultier a même habillé une bouteille d’un corset rouge lacé qui, comme pour la gaine portée par une femme, demande beaucoup de patience pour être enlevée mais vous réserve ensuite la plus attrayante récompense. De toute façon, orné du turban coloré de son bouchon et avec sa résille, la bouteille de champagne est une grande dame. Et la flûte qui l’accompagne, avec sa forme gracieuse, son panache de mousse perlée et l’or moiré de son contenu peut être comparée à une Parisienne élégante portant la robe d’un grand couturier. Le flacon le plus féminin est à cet égard le magnum que la maison Taittinger a sorti pour l’an 2000, reproduisant par un procédé d’émaillage le dessin de « L’instant Taittinger », une jolie femme en robe du soir vue a travers le cristal d’une haute flûte rivalisant d’élégance avec elle ; la similitude de l’image du champagne et de celle de la femme est flagrante.

Les types de bouteilles de champagne et leurs contenus, enfin, sont suffisamment variés pour que la femme puisse choisir dans sa cave ce qui convient le mieux à chaque occasion comme elle le fait pour ses vêtements. Et elle peut même aller jusqu’à en porter qui sont aux couleurs des attributs de la marque de champagne qu’elle préfère.

On peut considérer comme une alliance entre la femme et le champagne le fait que depuis longtemps elle a souvent pris place sur ses étiquettes. Très décoratives au XIXe siècle, on y trouvait ainsi des bacchantes ou des rosières habillées de couleurs vives ou d’or et d’argent, encadrant le nom de la marque, ou encore une femme célèbre comme Jeanne d’Arc ou l’impératrice Eugénie. D’autres étiquettes représentaient des réceptions mondaines où l’on comptait quatre femmes pour un homme, ou des tableaux à la gloire de la femme, « Le Printemps » de Boticelli ou « La Liberté guidant la peuple » de Delacroix.

Aujourd’hui ces scènes et tableaux ont disparu des étiquettes mais on y trouve souvent un nom ou un prénom féminin, par exemple Catherine de Médicis, Marie Stuart, Madame de Staël, la Grande Dame, la Reine, Princesse, Tsarine, femme, Egérie, Amazone, Sommelière, Demoiselle, Élégante, Divine, et pour les prénoms, Angélique Victoria, Alexandra, Elisabeth, Juline, Liesse, Louise, Joséphine, Nadège...
Des images de femme figurent aussi sur des collerettes et même sur des plaques de muselet dont l’exiguïté se prête seulement à un buste décolleté, une main tenant une coupe ou une flûte.

Les femmes portent des colliers, des bracelets, des bijoux. Les bouteilles de champagne, on vient de le noter, sont chamarrées d’or et d’argent. Il y en a même qui sont taillées à facettes comme les diamants. Dans les verres on voit des perles et des reflets d’ambre et de topaze. Voilà donc encore des similitudes. Byron l’a évoqué dans son « Don Juan » en écrivant que dans un dîner en tête-à-tête de Don Juan et Lady Amundeville « on versa le champagne mousseux dont les bulles pétillantes étaient aussi blanches que les perles fondues de Cléopâtre ». La Marguerite du « Faust » de Gounod pourrait fort bien chanter l’air des bijoux avec dans une main une flûte pétillante et dans l’autre le « sésame » du joaillier Pascal Morabito, cette plaque de muselet plaquée or et ornée d’un brillant qui coiffe les bouchons d’une cuvée du champagne Le Royal Coteau.

Les femmes sont naturellement odorantes. L’hormonologie et la biologie moléculaire démontrent qu’elles diffusent à leur insu leurs propres effluves. Mais elles y ajoutent celles des parfums de leur choix, Chanel N° 5 et autres, et elles y trouvent un plaisir certain. Le champagne a ses arômes et son bouquet, qui sont le résultat d’assemblages savants dont les techniques ne sont pas sans rappeler celles qui aboutissent à la création des parfums destinés aux femmes. Mais ici l’analogie peut être une antinomie car si leur senteur est trop envahissante elle les empêchera d’apprécier comme il convient le bouquet du champagne. Les femmes choisissent leur parfum et en changent en fonction de ceux à qui elles veulent plaire. De même certains producteurs de champagne n’hésitent pas à tenir compte du goût de leur clientèle pour déterminer les caractéristiques organoleptiques d’une cuvée.

De toute façon, analogies ou pas, le champagne a pour la femme des attentions particulières. Il est son bienfaiteur car il répond à ses aspirations. Il la réconforte, la soutient. Il lui donne la santé morale et physique, au point d’être parfois pour elle un besoin qu’elle satisfait à toute occasion, seule ou en compagnie, renouvelant ainsi constamment son plaisir. Il est à ses côtés dans les mauvais moments mais, vin de la fête et de la célébration, aussi dans les bons. Dans un article de revue (« Votre Cave ») paru en 1978, Claire Gallois a écrit ceci : « Le champagne est pour moi le compagnon de tous les évènements d’importance qui viennent bouleverser de façon heureuse ma vie, la naissance d’un enfant, la sortie d’un nouveau livre, l’arrivée inattendue d’un ami que l’on n’a pas vu depuis longtemps ».
L’image du champagne s’accorde admirablement avec celle des femmes qui veulent bien être féminines et non féministes. Dans « Le Vin de France » Charles Mayet raconte qu’il a demandé un jour à une voisine de table :« Pourquoi le vin de Champagne est-il le préféré des dames ? » Elle lui a répondu : « Mon Dieu, monsieur, je pense que les femmes l’aiment parce qu’il est un vin aimable et gai ». Davantage que les hommes en effet, car elles sont plus sensibles, les femmes sont attirées par ce qui est beau et bon. Elles souscrivent donc aux termes de ce passage du livre « Origine et développement du vin de Champagne » écrit en 1848 par Armand Maizière :

« Les causes de la préférence accordée au vin effervescent »

« L’apparition en un festin et la simple annonce de la bouteille de champagne produisent sur les esprits un effet magique, et réveillent aussitôt une foule de sensations agréables. On voit bientôt se succéder et se confondre le plaisir de la vue, le plaisir de l’ouïe, le charme de l’odorat et celui du goût. Le saut du bouchon, la détonation bruyante, la fumée du gaz, le jaillissement des couches supérieures en gerbes écumeuses, les flots amoncelés dans le verre d’une mousse argentée, pétillante, sa disparition subite, comme un rideau tiré, les bulles gazeuses qui viennent crever à la surface, une liqueur limpide, parfumée, l’ascension accélérée d’une colonne centrale de perles brillantes, qui naissent au fond du verre, et se succèdent rapidement, la gaieté communicative que ne manque jamais d’inspirer ce vin. Cet ensemble merveilleux forme tout un spectacle, vif, délicieux, féerique, qui s’empare de nos sens et de notre imagination, et qui laisse loin derrière lui les qualités des autres nectars les plus vantés ».

Le champagne a des effets psychiques dont bénéficie particulièrement la femme, être charmant mais souvent faible et timoré. Comme l’écrit Hugh Johnson dans « Le Guide mondial du connaisseur de vin », « son gaz carbonique pénètre instantanément la paroi de l’estomac et se répand dans le flux sanguin dont il accélère la circulation ainsi que le mouvement de l’alcool vers le cerveau ». Ce faisant, le champagne donne confiance et assurance à celle qui doute d’elle-même. C’est pourquoi Chateaubriand a été fondé à écrire dans « Les Mémoires d’outre-tombe » que « malgré la timidité de la comtesse Lucile, on parvint à l’aide d’un peu de vin de Champagne à la faire jouer un rôle dans une petite pièce à l’occasion de la fête de M. de Malesherbes ». Et en 1980, la presse internationale a rapporté que Madame Vigdis Finnbogondottir, présidente de la République d’Islande, a déclaré n’avoir accepté de présenter sa candidature à cette haute fonction qu’après avoir passé une partie de la nuit à boire du champagne.

Il est d’ailleurs scientifiquement établi que la couleur du champagne, son bouquet et le dégagement de ses bulles produisent une conjugaison des stimulations sensorielles qui influe sur le cortex cérébral et agit favorablement sur les centres affectifs de l’encéphale. Il en résulte que l’esprit de la femme devient aussi pétillant que le divin breuvage. Son jugement se clarifie, la confiance revient, la langue se délie. Dans « Le Tourniquet des innocents », Roger Ikor illustre fort bien ce phénomène. Voici ce qu’il écrit à propos d’une femme timorée que le champagne avait transformée : « Emerveillée d’elle-même, elle se sentait briller dans la conversation ; [...] Elle aperçut dans une glace une grande femme très sûre d’elle qui pérorait en souriant, une coupe de champagne à la main ; durant une fraction de seconde, elle ne s’était pas reconnue ».
Il est vrai qu’en buvant du champagne, toute femme ressent davantage que les représentants du sexe fort les effets de l’alcool, qui l’envahit comme une flamme d’or, et du gaz carbonique qui l’accompagne. Elle est sujette, de ce fait, à une excitation qui lui permet de surmonter les obstacles que lui crée son imagination et de prendre confiance en elle. En même temps, elle se détend et, la tête légère, elle est heureuse de la sérénité qu’elle doit au pétillement joyeux des bulles. Le courage qui lui manquait revient brusquement et elle ressent un sentiment de bien-être : la vie lui devient facile.

Pour les mêmes raisons, le champagne dissipe les humeurs noires de la femme, noie ses peines de cœur et ses chagrins. Il la porte à l’indulgence envers elle-même. Le champagne lui changera les idées beaucoup plus agréablement que des séances de thérapie et aussi efficacement. Elle deviendra de bonne humeur et insouciante, aussi longtemps que durera l’action du vin pétillant, effet que rien ne l’empêchera de recommencer quand le besoin s’en fera sentir. Dans ses « Carnets secrets », Anaïs Nin, toujours attentive à la vie intérieure de la femme, fait part d’une réflexion de June, l’épouse d’Henry Miller. Alors qu’elles buvaient ensemble du champagne elle lui avait dit : « Si mal que puissent aller les choses pour moi, je trouverai toujours quelqu’un pour m’offrir du champagne ». Et dans un article de presse de 1978 Joëlle Goron écrivait : « Quand la passion n’est plus de la fête, on s’ouvre toute seule une demi-bouteille de champagne pour chasser le cafard et mettre des bulles dans la déprime ».

Le champagne n’est pas seulement le plus sûr des remèdes contre les idées noires de la femme, il fait naître chez elle les plus beaux rêves. Dans « Le Magnétiseur » Hoffmann, comparant le rêve à l’écume, précise bien à Maria que « puisqu’il s’agit de rêves, c’est-à-dire de l’une des manifestations les plus extraordinaires de la vie humaine, cette comparaison avec l’écume ne peut s’entendre que si l’on pense à l’écume la plus noble de toutes. Or, c’est évidemment celle de l’effervescent, pétillant et impétueux champagne. [...] Vois ces milliers de petites bulles qui montent le long du verre comme autant de perles et bouillonnent à la surface, ce sont les esprits volatils qui se dégagent impatiemment de leur prison matérielle. Ainsi vit et se meurt, pareille à cette mousse, notre essence spirituelle affranchie de ses liens terrestres. [...] Il se peut que ces rêves nous fassent pénétrer dans une vie d’intensité supérieure, qui nous permet non seulement de pressentir, mais aussi de comprendre toutes les manifestations de ce monde mystérieux des esprits, de sorte que notre âme s’élève au-delà des limites de l’espace et du temps ».

Ayant par tempérament le sentiment de la beauté, les femmes sont enchantées par ce qui brille, ce qui s’élève. La flûte dans laquelle montent les bulles magiques les conduit à l’extase. Mais le rêve que suscite chez elles le champagne ne vient pas seulement de son pétillement. Il est le plus grand des vins et le vin, fils du soleil, a une essence spirituelle, comme l’écrit si bien Beaudelaire dans « L’âme du vin ». Voilà donc encore un effet heureux dont le champagne fait bénéficier la femme. Le rêve peut être fou, et d’autant plus agréable. Dans « Champagne blues », de Nan et Ivan Lyons, on parle d’une femme qui, ayant découvert l’attrait du champagne que lui offre son mari, s’exclame : « Je voudrais que nous buvions du champagne ensemble sur une terrasse surplombant le Bosphore. Je veux boire du champagne tandis que nous regarderons le soleil se lever sur le Taj Mahal ». Une autre femme s’imaginerait en boire avec son amant sur une plage des Seychelles ou des Maldives !

Elixir de vie aux vertus hédonistes, le champagne contribue ainsi à rendre la femme heureuse. Avec lui elle est plus gaie, plus épanouie. Celle qui est froide et fermée devient aimable et communicative. L’apparition du champagne, le mot même, donne à la femme des idées d’allégresse et des possibilités de réussite et ceci par une intervention douce, agréable et lui laissant toute sa liberté, contrairement aux effets des drogues, qui sont dangereuses pour la santé et créent une dépendance physique et psychologique. Il lui suffit de ne pas en abuser, risque peu fondé car les femmes boivent généralement le champagne en quantité raisonnable. Il n’est jamais associé à l’alcoolisme et, de plus, ses effets sont progressifs et non pas brusques et dévastateurs comme ceux de la vodka ou de certains apéritifs au degré d’alcool plus élevé. Le champagne est donc pour la femme le breuvage idéal, sain, agréable et bienfaisant.

Une des raisons pour laquelle la femme est fidèle au champagne est qu’il la rend belle et désirable. Dans « Celle qui venait du rêve », Luc Estang en témoigne comme suit : « Elle boit son champagne. On croirait qu’aussitôt le pétillement lui monte aux yeux, comme si le mauve de ses prunelles explosait en paillettes. Je contemple cette beauté sur le visage de qui s’opère une subtile alchimie ».

On a prétendu que Madame de Parabère a dit que « le champagne donne de l’éclat aux yeux sans mettre de rouge aux joues » et que la marquise de Pompadour a affirmé que « le champagne est le seul vin qui laisse la femme belle après boire ». Rien de tel ne figure dans les textes de l’époque et il s’agit selon toute vraisemblance de messages promotionnels dûs à d’habiles producteurs ou vendeurs du XIXe siècle ou du début du XXe. Quoi qu’il en soit, il est incontestable que ces deux grandes dames buvaient beaucoup de champagne et étaient très belles ; elles auraient donc pu prononcer les phrases qu’on leur prête.

En effet, toutes les femmes souhaitent être jolies et le rester. Le champagne, nous avons vu pourquoi, a l’immense avantage de ne pas congestionner leur visage et même de l’embellir. Il lui donne des couleurs délicates et fait étinceler les yeux. Dans « La Fin de la nuit », François Mauriac dit d’une jeune femme que « bien qu’elle se fut à peine fardée elle s’étonne de voir dans la glace son visage délicatement coloré. Elle avait bu un peu de champagne : c’était cela sans doute ». Le champagne peut aussi provoquer une animation qui influe favorablement sur la beauté. Une femme manquant de charme et que l’on regarde assez peu devient vivante, gaie et attirante après avoir bu deux flûtes.

Que la femme soit donc assurée que si le champagne est à son image, et réciproquement, il est aussi son bienfaiteur dans toutes les circonstances de la vie. Paraphrasant Grimod de la Reyniere, elle peut dire qu’il est son ami le plus cher, l’instigateur et le confident de ses plaisirs, le consolateur de ses chagrins, l’ornement de sa prospérité.