UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Avenue de Champagne - Epernay

Caves de champagne : labyrinthe

Grâce à un plan de 1813, la maison Moët et Chandon a pu déterminer que ses premières caves, qui furent creusées durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, sont les « caves anciennes » situées sous le jardin anglais de l’hôtel Moët jusqu’à la rue de Bernon et les « caves Grimbert » qui se trouvent sous les hôtels particuliers Chandon et Trianon et l’avenue de Champagne.

Une description de ces caves, dont l’étendue était de deux kilomètres environ, est donnée dans une lettre écrite en 1806 par un officier silésien, cave taillée dans le rocher, double, profonde, proche de la route, ...un embranchement même va sous la route vers un espace libre appartenant au même propriétaire, situé de l’autre côté...

A partir de 1820, la société Moët va acheter des caves voisines (« caves Museux », « caves Cousin », « caves Bergasse », « caves Gobin ») ... dont l’ensemble figure sur un plan paru dans le Journal Universel d’Août 1862 et que commente deux ans plus tard Fiévet : ... les caves de la maison Moët se divisent en 7 immenses souterrains contenant un ensemble de cinq galeries, 10 bas celliers et 127 caveaux, pour une superficie totale de 30 000 mètres carrés... dédale inextricable de galeries tantôt hautes et maçonnées, tantôt creusées dans le roc, ces dernières sont les plus anciennes caves...

En 1880, Turgan reproduit également un plan des caves et fait état d’une superficie de 56.469 mètres carrés, soit une longueur totale de 11 km 515 avec 7.322 mètres de caves basses et 4.193 mètres de caves hautes. Ces chiffres, dont l’extrême précision peut étonner au regard de la difficulté que l’on a à définir avec exactitude la grandeur des caves des maisons de l’avenue de Champagne, prouvent qu’à cette date la surface des caves de la maison Moët s’était encore développée.

En effet, des travaux furent entrepris entre 1868 et 1872 pour le creusement des « caves tirage basses », « caves tirage hautes » et « caves augrette », travaux qui sont relatés par un voyageur dans le récit qu’il fit de sa visite des caves de la maison Moët et Chandon en 1894 : ... nous arrivons aux caves neuves, vaste quadrilatère de 150 mètres de long sur près de 100 mètres de large. Composé de 9 galeries à chaque étage ce qui fait 18 caveaux pouvant contenir chacun 160.000 bouteilles entreillées... Sur le plan de Turgan apparaissent également les caves qui appartiennent aujourd’hui à la maison Vranken mais qui se trouvent sous l’ancienne propriété de Maigret, siège de la maison Besserat de Bellefon.

Les derniers creusements de caves furent effectuées en 1902 par un entrepreneur d’Ay et les dernières acquisitions eurent lieu en 1920, « caves Trésor », « caves Salmon » ; à cette date la maison Moët & Chandon possédait la totalité de ses caves d’une longueur de 28 kilomètres.

Il faut noter également que lors de la vente en 1919 de l’hôtel particulier de Victor Auban-Moët, les caves situées sous cette propriété, devenue depuis l’Hôtel de ville d’Epernay, furent exclues de la vente afin d’être données à bail à la société Moët & Chandon pour une durée de 99 ans.
Creusement et percement

Bien qu’il ne subsiste que peu de documents relatifs au creusement des caves, certaines maisons ont en leur possession quelques notes explicatives et devis. La maison de Champagne Boizel, créée en 1834 par Louis Gabriel Auguste Boizel et son épouse Julie Martin, ne s’installa à proximité de l’avenue de Champagne sur un terrain situé à l’angle des rues de Bernon et Croix de Bussy, acheté en 1853 à Jean-Louis Chanoine Jeune, propriétaire et négociant, qu’en 1871 suite à la constitution d’une société en nom collectif entre Louis Gabriel Auguste Boizel et ses fils Louis Edouard et Auguste. C’est pour cette société, qui avait pour objet l’exploitation du commerce des vins de Champagne sous la raison sociale « Boizel Père et fils » que l’entrepreneur Monsieur Coulaud s’engagea à creuser entre 1872 et 1874 des caves pour un montant total de 17.708 francs. Il fut prévu, sur un acte signé en novembre 1871, que l’ensemble de ces caves serait composé de 5 caveaux parallèles ayant environ 200 mètres de longueur, établis parallèlement entre eux avec un espace de 1 mètre 50 entre chacun d’eux. La largeur et la hauteur à la clef furent fixées à 4 mètres avec des piedroits ayant 2 mètres de hauteur.

Il fut également convenu un prix de 65 francs ... par mètre courant de cave parée dressée et les aires en planchers parfaitement battus, unis et grevés y compris le transport des craies gui est en entier à la charge de Monsieur Coulaud, qui en fera l’enlèvement où bon lui semblera... et une somme de 4F25 du mètre cube pour ...faire un essor dans le terrain devant servir à descendre ses ouvriers et à enlever les craies provenant des caveaux...

L’outillage et le matériel devaient être fournis par l’entrepreneur et les chutes involontaires de craies, enlevées par lui sans indemnité de la part des sieurs Boizel ; il était de même responsable ... en cas d’accident par suites d’échafaudage ou autres, de tous frais, dépenses ou indemnités... Les réserves prises par les négociants notamment au sujet de l’enlèvement des craies sont expliquées dans une lettre adressée par Eugène Mercier en 1876 au secrétaire du comice agricole de l’arrondissement d’Epernay : ... jusqu’à présent, l’enlèvement de ces déblais aux décharges publiques constituaient une dépense très lourde pour les négociants en doublant presque le prix de la fouille des caves... Il réussit quant à lui à résoudre ce problème en vendant la craie ... aux sucreries du rayon de Paris, du Nord et de la Lorraine, ainsi que dans diverses fabriques de ciment, de blanc, de faïence, de verreries, de porcelaine, de produits chimiques de Paris, de Province et en Allemagne...

Dans ce même courrier Eugène Mercier note que, suivant le modèle de négociants en vins de Châlons, il a adopté le premier à Epernay, à partir de 1871, le système d’établissement de caves de plain-pied avec le sol extérieur afin : ... de pouvoir y pénétrer directement en wagons et en voitures pour le chargement et le déchargement des marchandises...

En 1876, 6 kilomètres de caves étaient percés, ce qui représentait 125.000 mètres cube de craie extraite et tirée de terre. En 1889, le percement des 15 kilomètres de caves que l’on peut visiter aujourd’hui était effectué soit ... un enlèvement de plus de 450.000 mètres cube de craie et une dépense totale de 2.500.000 francs, de main d’oeuvre, exécutée principalement pendant la morte saison par les ouvriers de la contrée... Ces caves d’un seul niveau sont composées de 47 galeries parallèles à angle droit dont 37 débouchent directement côté voie ferrée et sont reliées à un plus petit réseau de caves constitué à la suite d’achats échelonnés de 1872 à 1880 environ. Leur largeur est telle que les usines Renault y organisèrent une course de voitures à l’occasion de la création de la 4 CV en 1950.

Autre innovation, Eugène Mercier fit décorer ses caves par un artiste né à Châlons, Gustave André Navlet, élève de Bonassieux, qui sculpta dans la craie une vingtaine de bas-reliefs.

Les caves des maisons de Champagne sont d’une solidité remarquable, elles servirent d’ailleurs d’abri pendant les guerres successives. Le seul incident notoire fut l’éboulement d’une partie des caves de la maison Pol-Roger, survenu dans la nuit du 22 au 23 février 1900, ensevelissant 1.500.000 bouteilles et 500 pièces de vin.

Jusqu’à cette date, la maison Pol-Roger, créée en 1849, était installée Rue Henri le Large, probablement afin de pallier à la perte de ses caves ; elle se porta acquéreur en juillet 1900 du grand cellier et des caves d’une propriété située aux n° 34 et n° 36 avenue de Champagne. Elle était déjà locataire depuis 1897 de divers berceaux de caves appartenant à cette même propriété pour un loyer annuel de 1 400 francs.

Peu à peu, elle acheta d’autres bâtiments sur la même avenue : le n° 44/46 tout d’abord, en 1912, comprenant des caves d’une superficie de 3.325 mètres soit 6 berceaux de caves dans le sens de la profondeur de l’immeuble et 5 berceaux transversaux, caves creusées dans la craie, non maçonnées et d’une profondeur variant de 9 mètres à 20 mètres.

La profondeur moyenne des caves de l’avenue de Champagne est d’une vingtaine de mètres, seules les caves de la maison de Castellane peuvent atteindre jusqu’à 40 mètres.

Le n° 42, en 1919, sous lequel se trouvent douze berceaux de caves d’une longueur chacun d’environ 30 mètres sur 4 mètres de largeur desservis par un berceau formant galerie. La faible largeur des caveaux permettaient d’éviter le cintrage de maçonnerie. Le n° 38/40 enfin, en 1920, composé de 1.200 mètres carrés de caves hautes et 1.665 mètres carrés de caves basses creusées vers 1840.

Les bâtiments d’exploitation

Quelques exemples de construction

Avenue de Champagne et dans un rayon proche, c’est surtout au XIXe siècle que la surface bâtie va s’accroître. En effet, les maisons déjà existantes vont se développer pour faire face au succès grandissant de leur produit parallèlement à la création de sociétés nouvelles. Les négociants firent appel, le plus souvent, à des architectes locaux, bénéficiant d’une certaine notoriété de par leurs travaux antérieurs, qui utilisèrent les récentes innovations techniques mises à leur disposition telles que l’emploi comme matériaux de construction de fer et de l’acier doux, dont le rôle fut longtemps secondaire en architecture ou encore de nouveaux systèmes de charpentes. Vinrent ensuite une nouvelle vague de constructions après les dommages occasionnés par la première guerre mondiale puis les travaux entrepris au cours de ces dix dernières années.

Ne disposant pas de terrains disponibles près de ses bâtiments de la rue du Commerce, la maison Moët et Chandon fit édifier ses nouveaux locaux dans des rues adjacentes. C’est ainsi que furent construits le cellier des Museux (1864) et le cellier Augrette (1876), rue de Bernon, de même que, rue Croix de Bussy, la salle des machines, avec son armature en fer et divers ateliers qui appartiennent actuellement au lycée Godart-Roger.

La réalisation du cellier à destination de rincerie fut confiée à l’ingénieur Lebeque et à l’architecte Henri-Arthur Piquait, né à Epernay en 1860, ancien élève de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris et à l’origine de nombreux édifices publics du département de la Marne. Ce bâtiment dont la description figure dans un dictionnaire biographique de la Marne fut construit en béton armé suivant le système Hennebique : ... construction en béton armé avec rempassage des baies extérieures en briques : tous les planchers lesquels ont 13 mètres de portée sans point d’appui, ont été établis pour une surcharge de 3.000 kilos par mètres carrés et essayés sous cette surcharge... Le principe d’englober des barres, lames ou treillis de métal, dans une masse de béton de ciment pour donner plus de résistance à cette maçonnerie, était déjà connu depuis 1820 mais, c’est vers 1890 que l’emploi du béton armé est entré dans la pratique courante grâce à de nombreux constructeurs dont les plus connus sont Edmond Coignet et François Hennebique. Le siège social de l’entreprise Hennebique était à Paris, mais il possédait une succursale à Châlons d’où sa participation à de nombreux travaux en Champagne , comme le cirque de Châlons, les planchers terrasses de la maison Mumm à Reims et surtout les planchers et le campanile de l’Union Champenoise, actuelle maison de Castellane, à Epernay.

A partir du premier quart du XXe siècle, le système Hennebique était utilisé dans la plupart des constructions en béton armé, au détriment d’autres systèmes, mais dont les créateurs n’avaient pas le sens commercial développé de François Hennebique.

On retrouve la signature de Henri Piquart sur d’autres bâtiments de l’avenue de Champagne comme le collège de garçons inauguré en 1924 ou encore, en association avec Bruno de Maigret, le nouveau bâtiment de commerce en briques de la maison Moët et Chandon, dont la pose de la première pierre eut lieu le 23 septembre 1929 et qui remplaça les immeubles détruits par les bombardements de juillet 1918.

Ce bâtiment est construit en brique et en béton, selon un type d’architecture très utilisé dans les années 1920-1930, dans la période de la Reconstruction. On retrouve de nombreux édifices de ce genre partout en France, en particulier, à Paris sur les boulevards maréchaux du sud (14e arrondissement) à la fois dans des bâtiments de logement ou des bâtiments administratifs. Les briques utilisées dans ces bâtiments, comme pour les bâtiments Pol-Roger datant de la même époque et le lycée Léon Bourgeois, sont des briques fabriquées industriellement et forment un contraste avec les nombreuses constructions en brique plus anciennes de l’avenue.

Les bâtiments furent construits entre 1928 et 1934. Ils étaient prévus pour contenir les services de l’habillage, de l’emballage et de l’expédition des vins, ainsi que les ateliers et magasins de marchandises en rapport avec ces activités (bouchons, muselets, caisses, etc.). L’édifice ne donne pas directement sur la rue ; il est précédé d’une cour d’honneur sur l’avenue de Champagne et d’une cour de service sur la rue Jean Chandon-Moët. Une autre cour de service, plus vaste, est située au centre du bâtiment comporte deux rez-de-chaussée (l’un sur la cour d’honneur avenue de Champagne, l’autre sur la cour de service rue de Bernon) et deux étages. Il est construit sur deux niveaux de caves anciennes, ce qui rendait compliqué la fondation du bâtiment. La structure porteuse est faite de poteaux de béton reposant sur la craie, en contrebas des caves, les murs extérieurs ne sont pas porteurs. Ils sont en brique sur un soubassement de pierre. Le bâtiment commencé par les deux architectes fut achevé sous la seule direction de M. de Maigret, M. Piquart ayant perdu la vie avant la fin des travaux.

Les travaux entrepris par la maison Perrier-Jouët furent plus modestes et eurent lieu de ce fait à l’arrière des bâtiments de la rue du Commerce édifiés en 1811 dont la description a pu être donnée grâce à une aquarelle de 1813 ... deux celliers s’organisent autour d’une placette, plus loin la tonnellerie puis, au bout du terrain donnant sur les vignes, un pressoir...

Parmi ces nouvelles réalisations, on peut citer une halle à marchandises édifiée en 1877 par Eugène Cordier, également architecte du château de Charles Perrier en 1854.

Dans un compte-rendu contenu dans la revue mensuelle « L’encyclopédie d’Architecte », Eugène Cordier déclare avoir réalisé, après avoir fait de nombreux calculs de recherches d’équilibre, une couverture d’un faible poids et une simple charpente en sapin taillée par les charpentiers du pays afin de satisfaire aux exigences du programme qui lui était imposé, à savoir : en raison de sa destination et de son intérêt industriel ainsi que de son emplacement situé un peu à l’écart, cette halle devait être construite très simplement et aussi très économiquement en ne faisant appel qu’aux ressources ordinaires de la localité ; les aisances du service exigeaient qu’aucun point d’appui ne pût faire obstacle à la libre circulation dans toute l’étendue du sol de la halle.

Les bâtiments latéraux qui devaient supporter la toiture de la halle étaient d’une faible résistance et l’écartement à franchir par la charpente nouvelle était de 27 mètres.

Lors de la construction de l’établissement de manutention de la maison de Champagne Piper, une vingtaine d’années auparavant, on utilisa un autre système de charpente. Cet ensemble qui appartient à la maison de Venoge a subi peu de modifications extérieures ; il fut construit selon les progrès du jour et comprenait : ... deux ailes s’appuyant sur la rue du Commerce et perpendiculaires à trois autres, formant d’immenses celliers de 60 mètres de long sur 12 mètres de large avec, au centre, un immense hall de 60 mètres sur 40 mètres de large et 12 mètres de haut...

Les charpentes en lamelle verrouillé furent édifiées selon la méthode du colonel Emy, inventeur de la charpente en bois lamelle en 1822 et auteur d’un traité de l’art de la charpenterie édité en 1837. Ce système de charpente, composé d’éléments faits de planches serrées les unes contre les autres par des liernes clavetées, fut mis au point dès le XVIe siècle par le lyonnais Philibert Delorme mais connut un regain de faveur au XIXe siècle, principalement grâce aux officiers du génie qui l’employèrent pour couvrir des manèges ; il est l’ancêtre des premières réalisations en bois lamelle collé vers 1913, d’après le brevet de Hetzer.

Parmi les réalisations exécutées par le colonel Emy, on trouve le chai du château de Pomerol ainsi que les manèges de Saumur et de Libourne. La description qui est donnée dans l’Encyclopédie des métiers de la charpente du manège de Libourne est très semblable à la charpente de la « salle des princes » utilisée actuellement par la maison de Venoge à l’occasion de réceptions : ... Emy imagine une solution qui consiste à réaliser un arc en planches pliées destiné à raidir une ferme droite sur poteaux. L’arc est obtenu au moyen de 5 à 7 planches pliées sur un gabarit, après leur mise en forme. Les planches sont réunies entre elles par des boulons qui les traversent perpendiculairement à leur axe médian et par des étriers en fer plat distincts à presser les planches les unes contre les autres et à s’opposer à leur glissement pour que l’on conserve sa forme...

C’est un auteur anglais qui, en 1882, décrit ... le vaste cellier de la maison Pol-Roger considéré comme étant la plus grande construction de cette sorte dans la région... Il est entièrement construit en fer, pierre et brique. Sa charpente est une parfaite merveille de légèreté et sa toiture, composée de rangées d’arcs en brique, est recouverte d’une couche de ciment afin de le protéger contre le froid et de le conserver frais en été.

Le choix d’implantation de l’Union Champenoise, un peu à l’écart de l’avenue de Champagne, fut dicté durant la dernière décennie du XIXe siècle par la proximité de la ligne de chemin de fer. Comme pour les bâtiments Mercier, un embranchement de voie ferrée dessert directement les bâtiments de Castellane. Le génie de Fernand Mérand, l’un des premiers propriétaire de la firme, est d’avoir su utiliser cette position, pratique pour l’expédition des bouteilles, à ces fins publicitaires. La construction de la tour correspond à cette volonté de faire remarquer la marque par les voyageurs de la ligne. Par sa position, son style entre le campanile florentin et la tour de gare, elle est un support idéal pour le nom de la maison et frappe immédiatement tout voyageur. Mais les architectes ne se sont pas limités à la tour. Les toits en tuiles vernissées reprennent eux aussi le nom de la firme. Sur les murs, toujours le long de la voie ferrée, les plaques vernissées, où sont inscrits les noms de ville du monde entier, laissent entendre que la marque de Castellane expédie des bouteilles aux quatre coins du monde et que l’on peut ainsi retrouver son Champagne favori où que l’on soit.

Une face de cet établissement, où se trouvent des logements et l’entrée des bureaux, à laquelle on accède par une « cour d’honneur », donne de plain-pied avec la rue de Verdun et domine la face nord où la « cour de service » est en effet reliée à la voie ferrée. Autour de cette cour de service s’organisait la répartition sur deux étages de divers celliers : salle de dégorgeage, cellier d’assemblage, salle de tirage, salle des assemblages, magasins à emballage et magasins à futailles.

Ce premier bâtiment, construit en 1889, donne, sur la rue de Verdun, l’image d’une maison particulière avec au centre le logement patronal, flanqué de chaque côté de logements pour les employés. Sur la voie ferrée, les ailes en retour encadrent la cour servant aux activités industrielles. Cette façade a un aspect plus imposant et plus massif que la façade sur la rue.

Une partie des bâtiments de l’Union Champenoise, dont la conception est attribuée à l’architecte Marius Toudoire, né à Toulon en 1852, est inscrite depuis 1990 à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques : façades et toitures, cheminée extérieure avec les victoires ailées, cage d’escalier du pavillon d’entrée et la fameuse tour, haute de 63 mètres, qui fut construite en 1904 pour servir de château d’eau. Cette tour, coiffée d’un lanternon rappelle celle de la gare de Lyon, inaugurée en 1901, dont Toudoire fut aussi l’architecte, référence à l’architecture ferroviaire qui se retrouve également au travers des plaques en carreaux vernissés où sont inscrits, au centre d’un décor de raisins, les noms des capitales où était expédié le Champagne.

L’ensemble est très éclectique dans le décor et par les matériaux. Le décor moderne que forme les inscriptions publicitaires est associé à un décor plus traditionnel : victoires ailées sur la cheminée, lions sur la tour et sur le tympan du bâtiment principal sur la cour de service. Les matériaux sont très nombreux et utilisés de façons diverses. La tour est malgré les apparences construite en béton armé. L’ossature des bâtiments de 1889 est en fonte et en fer, mais ils n’en laissent rien paraître. En apparence on retrouve les soubassements en pierre meulière, façades de briques à assises alternées blanches et rouges, encadrements de certaines baies en pierre de taille, d’autres sont couronnées par un simple arc en brique, l’entrée de la tour est à bossage, la toiture à auvent de tradition locale du pavillon central est associée à la ballustrade de style classique sur la terrasse, côté voie ferrée.

De part et d’autre de cet ensemble industriel, propriété de la maison de Champagne de Castellane, se trouvent le pavillon Mercier, érigé en 1904, et un bâtiment qui correspond à l’entrée des caves de Castellane pour les visiteurs, dont on peut penser qu’il fut construit par Eugène Mercier en raison du contenu des dix médaillons sculptés qu’il porte sur sa façade donnant sur la voie ferrée.

La représentation du buste du roi des Belges, celui de la reine d’Espagne ou encore les inscriptions "Barcelona 1882" et "Société Nationale des Sciences et des Industries Mercier et Cie" se retrouvent en effet sur une lettre à en-tête de la maison Mercier, en date du 16 août 1889, où il est stipulé qu’elle était fournisseur de ces têtes couronnées et possédait parmi les nombreuses médailles obtenues aux expositions universelles, celle de l’exposition de Barcelone en 1888.

Textes C. Durepaire, S. Limoges et F. Leroy publiés par l’ORCCA et présentés avec leur aimable autorisation