UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Crayères gallo-romaines de Reims

Une particularité régionale unique : la craie

La craie, creta en latin est une roche sédimentaire d’origine marine formée d’une accumulation de coquilles et de micro-organismes calcaires dans une mer de faible profondeur (50 à 100 m), où vivaient des oursins, des huîtres et des bélemnites (céphalopodes fossiles voisins du calmar). La mer s’est ensuite retirée et cette boue calcaire s’est solidifiée pour constituer la craie. Elle a donné son nom à une période géologique, le Crétacé (60 à 80 millions d’années).

Situation géologique et géographique des crayères
Les réseaux recensés dans le quartier Saint-Rémi se développent dans un faciès géologique compose principalement par de la craie blanche très pure dénommée craie de Reims à bélemnitelles. Cette craie tendre exempte de silex, sauf à la base, atteint une épaisseur moyenne de 30 m à 50 m sous le quartier Saint-Rémi. Les crayères sont creusées dans la zone inférieure du Campanien1 particulièrement favorable par sa texture fine et homogène, à l’extraction de blocs de craie. La profondeur moyenne des réseaux sous ce quartier se situe à - 12 m par rapport au niveau actuel du sol supérieur de la ville. Contrairement à la situation du centre ville, l’épaisseur de la couche archéologique accumulée au cours des siècles dans le quartier Saint-Rémi et Saint-Timothée est faible variant de 0,50 m à 2,00 m. Cette constatation résulte d’observations effectuées par les exploitants, au cours de la réalisation des essorts ou puits d’extraction.

La situation en profondeur des réseaux exploités semble toujours suivre l’aspect général de la topographie de ce quartier de la ville, soulignant ainsi une sorte de pendage stratigraphique de la craie ou « bancs de carrières2 ». L’épaisseur de ces « bancs » va toujours en décroissant vers l’extérieur d’une épaisseur de quelques centimètres près de la surface pour ensuite augmenter progressivement de 0,50 m - 1,00 m à - 12 m. Ces bancs sont séparés par des joints ou fissures horizontales (1 mm à 5 mm) qui conditionnent l’exploitation de la craie et son utilisation par les carriers.

D’autre part, des fissures verticales (diaclases3), d’épaisseur égale ou supérieure à celle des joints des bancs, fracturent la craie de façon plus irrégulière. Fréquemment orientées, elles jouent également un rôle prépondérant dans l’organisation d’une exploitation.

Parmi les cavités recensées à ce jour 60 % se trouvent à mi-pente. S’il est admis que le quartier Saint-Rémi est un des endroits les plus denses en édifices souterrains, il ne faut pas exclure les autres zones de la ville qui rassemblent les mêmes conditions géologiques. La surface d’implantation des crayères suit la limite géologique de la craie ainsi que celle de l’urbanisation de la zone est de la ville au XIIe siècle. Situées au sud-est de la ville à proximité du lieu-dit Moulin de la Housse, ces carrières, en majeure partie à ciel ouvert, sont dénommées cavités des anciennes crayères, pour les exploitations se trouvant à proximité des remparts du XIVe siècle, et nouvelles crayères pour celles placées plus en amont vers le Moulin de la Housse.Cet emplacement géographique éloigné du milieu urbain a permis, dès le XIXe siècle, l’installation à des conditions avantageuses des maisons de Champagne qui les ont utilisées comme lieu de conservation pour les vins.

Une des caractéristiques principales de ce quartier réside dans le surcreusement du sous-sol d’une façon tentaculaire : en 1925 E.Kalas4 recense environ 2 000 carrières souterraines situées de la place Suzanne au Chemin Vert, au Moulin de la Housse, à la verrerie de Cormontreuil, à l’abside de Saint-Rémi, sur une surface de cent hectares.

Devant l’importance du phénomène, il est difficile de croire exclusivement à un surcreusement anarchique du sous-sol. Ce surcreusement pouvait être motivé par un besoin impératif et urgent d’une grande quantité de matériaux de construction doublé éventuellement d’une utilisation stratégique secondaire et discrète des exploitations.

Afin de mieux comprendre l’origine de la situation géographique actuelle des crayères, il est nécessaire de se rappeler l’aspect du plan de la ville de Reims du XIIe au XVe siècle (fig. 1). Au XIIe siècle la ville était écartelée entre le centre d’origine antique, entouré par son enceinte ovale établie au début du Moyen Âge sur le tracé approximatif du fossé gallo-romain, et le quartel Saint-Rémi - Saint-Nicaise en plein essor d’autonomie propre avec ses fortifications indépendantes. Or à cette époque le seul espace d’extension possible, et ceci depuis le Xe siècle, pour les gens pauvres, les artisans et les ordres religieux non établis, demeure compris entre ces deux pôles, nord-sud, d’influence épiscopale.

Les collectivités qui désirent s’implanter dès le Xe siècle en dehors des fortifications initiales doivent assurer elles-mêmes leur défense et la protection ou dissimulation de leurs biens et ce, en plus d’une progression économique rapide. « L’urbanisation était cependant encore plus poussée dans tout le secteur méridional qui bénéficiait d’une situation privilégiée entre la Cité et le bourg Saint-Rémi. L’antique Via Caesarea qui reliait les deux centres était trop fréquentée pour ne pas être jalonnée d’habitations dès la fin de la période d’insécurité. Son peuplement systématique fut entrepris dans le dernier tiers du XIe siècle. » (Desportes, 1979, p. 65, Reims et les Rémois au XIIIe siècle picard.)

Ces communautés principalement religieuses et artisanales liées aux métiers du textile et du bâtiment peuvent envisager d’utiliser les carrières déjà creusées comme moyen de cache ou de défense passive...