UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Sourire de Reims, sourire de France : champagne

CHAMPAGNE

Champagne

Vouloir dire l’essentiel au sujet du vin de Champagne entraînerait à écrire une "défense et illustration" du plus célèbre et néanmoins du plus méconnu de nos vins.

En effet, malgré toutes les louanges et toutes les monographies, on ne connaît pas encore, même en France, la nature et la qualité du Champagne. Le plus glorieux de nos vins rencontre, en ces temps de gastronomie puérile, des détracteurs ignorants et des partisans mal renseignés.

Il suffirait, pour défendre le vin de Champagne, de verser à boire d’un grand "vintage" et d’attendre le résultat. Mais pour préciser en une substantielle étude, les origines, les qualités, l’histoire, le commerce et l’industrie de ce noble vin, la place et le génie nous font défaut. Nous nous contenterons d’écrire, en honnête homme et non en technicien, des mérites que tout gosier délicat peut méditer à son aise, devant un flacon champenois convenablement rafraîchi.

Nos lecteurs nous feront grâce d’évoquer deux siècles et demi d’histoire où, depuis Dom Pérignon, cellérier de l’abbaye d’Hautvillers et bénédictin très précieux, le Champagne, commensal des rois, des princes, des maréchaux, des poètes, des philosophes, des jolies femmes et des gens d’esprit, mousse spirituellement sur le monde.

Le vin de Champagne, grâce à la terre bénie qui le vit naître, a deux mille ans de gloire et la mousse qui le couronne, deux cent cinquante ans d’éclat.

Il est certain que, depuis le premier cep, les vertus profondes du vin de Champagne étaient encloses dans les vignes des coteaux crayeux : Sillery, Hautvillers, Aÿ, Verzy, Verzenay, Saint-Thierry, qui portaient déjà la promesse de mélanges illustres. A l’appel de leurs noms surgit un cortège de nobles ombres, tant il est vrai que le Champagne prend place dès sa naissance en plein armorial de France.

Si Louis XIV le mit à la mode, ce fut sur le conseil de son médecin, le grand Fagon, qui estimait le vin de Champagne digestif et "stomachique ". La longévité du Roi-Soleil et l’extraordinaire endurance avec laquelle il supporta de cruelles infirmités, ne semblent pas démentir cette ordonnance accordant au vin de Champagne des lettres patentes que, deux siècles après, devait ratifier Pasteur.

Pour honorer la mémoire du grand Dom Pérignon, le Régent donne au Chevalier d’Orléans l’abbaye d’Hautvillers, berceau du Champagne ; ses belles amies et lui-même se contentent d’en boire. Car le Champagne " fait briller le regard sans porter le feu au visage ", ainsi que le constate la Parabère, avec la haute approbation de Mmes de Sabran et de Phalaris qui gardaient, en tout lieu, le souci de leur teint. Sous Louis XV, Mme de Pompadour ne supportait, pour les mêmes raisons, que le Champagne, qui " vous garde belle après boire ", comme le devaient répéter, sous le second Empire, les lionnes intrépides et les gracieuses compagnes de l’Impératrice. Ainsi le vin des rois est-il aussi, glorieusement : Vin des Dames.

Toute la philosophie du XVIIIe siècle s’élabora, dans l’Europe entière, autour des flacons de Champagne, lesquels traitaient assez bien leurs fidèles, si l’on en juge par l’âge vénérable auquel parvinrent les plus illustres d’entre eux : le Grand Frédéric, Richelieu, Voltaire, Diderot, Crébillon, Rameaux et cet étonnant abbé de Chaulieu qui, condamné vers la cinquantaine, par la faculté, à ne boire que de l’eau, se mit résolument au Champagne et trépassa dans la 85e année de son âge.

Époque brillante, pétillante comme le Champagne même, reflet de l’esprit dans le vin spirituel par excellence, le XVIIIe siècle marque l’éblouissante étape de la plus haute civilisation, sous l’égide du grand vin de France. La révolution y met fin avec l’eau pure devant le brouet spartiate.

Et le romantisme apparaît pour qui le Champagne est un apanage du génie.

Avec le second Empire, le goût des vins de Champagne doux fut à son apogée. De sirupeuses imitations cherchèrent alors à concurrencer le vrai Champagne, jusqu’au jour où la loi de 1911 sur la délimitation des vins, mit les mousseux d’un côté et le Champagne de l’autre.

L’Allemagne, dès avant 1870, avait témoigné d’un goût fervent pour ce vin dont, disait Bismark, il manquait quelques bulles dans chaque cervelle allemande.

En même temps, le Champagne qui avait déjà conquis pacifiquement l’Europe et une partie de l’Asie, affirmait son prestige en gagnant à sa cause les deux Amériques. L’Angleterre, centre de vieille civilisation et de goût raffiné en fait de boire, commandait directement son Champagne qu’elle estimait sous sa forme "extra-dry", - élégante traduction du mot "brut".

D’un seul coup le Champagne régna sur le monde. Les peuples les plus lointains y retrouvaient l’âme légendaire d’une France brillante ; les exilés puisaient au vert profond des bouteilles capsulées d’or une espérance définitive ; nos amis goûtaient dans une coupe de Champagne notre amitié ; nos ennemis y trouvaient un motif nouveau de nous envier.