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Jean-Baptiste François

Il invente le « gleucoœnomètre » permettant le calcul exact de la liqueur de 1ère fermentation à utiliser.
S’il est un nom qui devrait être cher aux Champenois, c’est bien celui de Jean-Baptiste François, pharmacien à Châlons-sur-Marne qui, dans la première moitié du 19e siècle a joué un rôle capital dans l’évolution des techniques de l’élaboration du champagne. Or, qui le connaît, en dehors de quelques historiens ou praticiens ?

La vie de François nous est connue car elle a fait l’objet, sous la plume de son petit-fils, M. Damourette, d’une notice biographique. Il naît en 1792 en Lorraine. Elève en pharmacie d’un hôpital militaire, il participe aux campagnes napoléoniennes de 1813. Porté disparu, il est en réalité captif en Russie. La paix signée, il entre à son retour, en 1815, comme élève chez un pharmacien de Châlons, M. Tisset, dont il épouse la nièce. Peu de temps après, il reprend la pharmacie de son oncle et fait immédiatement preuve de ses dispositions pour la recherche scientifique.

Il analyse les eaux de la Marne et reçoit des félicitations de la Société d’Agriculture de la Marne, dont il est membre, pour des observations météorologiques faites avec autant de soin et d’exactitude que de clarté et de méthode.

Ce sont ces qualités qu’il va mettre maintenant à profit dans ses travaux sur le vin de Champagne, facilitées par l’aisance que lui a donné, à la suite de son veuvage précoce, son remariage avec la nièce du général Charles Lochet.
A l’époque, le champagne était encore élaboré de façon empirique. J’y ai fait allusion dans mon avant dernière chronique, évoquant également la maladie de la graisse. Ce fléau avait pour effet de former dans la bouteille des filandres grasses et de rendre le vin visqueux. Herpin écrivait en 1819, après en avoir fait une description cauchemardesque, qu’en Champagne, toute la récolte mise dans le verre contracte souvent cette funeste altération. François s’y attaque avec détermination. Il découvre que le vin de Champagne contient une substance azotée, identifiée depuis une dizaine d’années par un chimiste italien sous le nom de "gliadine", et dont on s’apercevra avec Pasteur qu’elle est une matière protéique sécrétée par des bactéries lactiques. Il cherche ensuite un produit susceptible de précipiter la gliadine. M. Jacquesson, l’entreprenant Chef de Maison de Champagne à Châlons, s’ étant aperçu que les champagnes rosés qu’il colorait avec la teinte de Fismes ne contractaient pas la maladie, François, après études, en conclut que le tannin des baies de sureau, base de la teinte de Fismes, sont responsables de la précipitation de la gliadine et il a l’idée d’utiliser pour obtenir le même effet un extrait alcoolique de noix de galle, très tannique, et incolore. En 1829, la maladie de la graisse est définitivement vaincue.

En 1831, François abandonne sa profession de pharmacien pour se consacrer entièrement à ses recherches. Il rédige plusieurs mémoires sur les propriétés physiques et chimiques du tannin et son usage dans l’élaboration du champagne. Il s’efforce simultanément de résoudre le problème de la "casse", caractérisé par l’explosion de nombreuses bouteilles lors de la prise de mousse. Elle est encore à l’époque de 20 % en moyenne, mais il arrive qu’elle atteigne 80 %. On lit dans un manuel qu’il n’est pas prudent de traverser une cave sans être garanti par un masque de fil de fer. François a l’immense mérite d’être le premier à mettre en lumière la relation qui existe entre le poids du sucre contenu dans le vin et la production du gaz carbonique. Il écrit : j’attribue la casse extraordinaire éprouvée en 1835 de la trop grande quantité de matière sucrée qu’on a ajoutée dans la généralité des cuvées. Et il invente un procédé pour déterminer la quantité de sucre contenue dans le vin immédiatement avant le tirage, il invente le gleucoœnomètre (flotteur de verre imaginé par Cadet de Vaux), en faisant évaporer la partie alcoolique d’un volume donné de vin. Cette méthode de dosage du sucre aussitôt baptisée « Réduction François » est imparfaite mais sera encore utilisée en 1920 par nombre d’élaborateurs de champagne.

En outre, François perçoit le rôle joué par les levures dans les fermentations, idée toute nouvelle. Il publie le résultat de ses travaux dans un Traité sur le travail du vin blanc mousseux où l’on peut lire que les conditions principales du succès complet de la prise de mousse sont du ferment et du sucre dans des proportions voulues et fixes et une chaleur déterminée. Ce n’est pas encore la solution totale du problème puisque l’on ignore toujours comment isoler et utiliser les levures d’une part, quelle quantité totale de sucre on doit ajouter au vin de tirage d’autre part. Mais François est sur la bonne voie et l’on peut penser qu’il aurait levé ces dernières inconnues s’il n’avait prématurément disparu en 1838. Il n’avait pu remplir entièrement la mission qu’il s’était impartie, mais en 1899, soixante ans après sa mort, on pouvait tout de même lire ce qui suit dans la notice rédigée par le Syndicat de Grandes Marques de Champagne (devenu ensuite Union des Maisons de Champagne UMC) à l’usage des visiteurs de l’Exposition universelle de Paris de 1900 : « Depuis la découverte importante de M. François, le commerce des vins mousseux a pris une extension considérable. François n’a tiré aucun profit pécuniaire de ses travaux dont tous les élaborateurs de Champagne ont profité ». Eugène Perrier avait déclaré dans un discours en 1868 que « les recherches patientes, et assurément fort désintéressées, de ce modeste et infatigable savant ont sauvé de pertes d’industrie des vins de Champagne se compte par millions ». Aujourd’hui, on pourrait parler de milliards !
Texte de François Bonal 1988

Voila donc un homme de bien qui s’est acquit plus que tout autre la reconnaissance des Vignerons et Maisons de champagne et de sa province, manifestée par l’attribution en 1869, d’une plaque à l’une des rues de Châlons-en-Champagne. Ne laissons pas tomber dans l’oubli notre bienfaiteur. Ayons pour lui, une pieuse pensée en lui exprimant du fond du cœur notre gratitude.
UMC 12-2009