UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Vendanges de millésimes exceptionnels

1961 - La récolte abondante que l’on espérait est devenue une réalité

La chaleur du mois d’Août a bien fait mûrir les raisins et la pluie du mois de Septembre les a fait grossir.
Grâce à cet été idéal où le soleil et l’eau ont alterné avec beaucoup d’à propos, la vendange 1961 satisfait à peu près tout le monde par sa qualité comme par sa quantité.

La chaleur du mois d’Août a bien fait mûrir les raisins et la pluie du mois de Septembre les a fait grossir.
Grâce à cet été idéal où le soleil et l’eau ont alterné avec beaucoup d’à propos, la vendange 1961 satisfait à peu près tout le monde par sa qualité comme par sa quantité.
Les négociants ont rentré dans leurs celliers les 2/3 de la récolte. Les expéditions du Commerce pour l’année sont ainsi couvertes et même au-delà.
Les récoltants ont touché, pour les raisins qu’ils ont vendus, le prix de l’année dernière qui a même été légèrement amélioré pour les petits crus.
A beaucoup de points de vue cette excellente vendange marque le retour à un meilleur équilibre.
A la fin de chaque année le bulletin du C.I.V.C. présente un rapport complet sur ce que furent les vendanges. Un peu d’abord pour la petite histoire. Mais surtout pour fixer les idées de tous ceux qui ont vécu ces vendanges et qui n’ont vu les choses, forcément, que sous leur aspect local ou de leur point de vue individuel.
On fera d’abord le tour des grandes questions générales : qualité et quantité, prix, répartition, comportement du marché des raisins. Ensuite seront présentées les statistiques d’approvisionnement par région et par cru.

LA QUALITE

Les raisins de cette année étaient de beaux raisins. Presque tous. Ils étaient sains et de belle apparence.
Parmi les raisins moins beaux - l’exception - il y avait des grappes "millerandées" (atrophie des grains) dans certains secteurs parce que la floraison ne s’est pas toujours si bien passée qu’on le croyait (il a fait trop beau et trop chaud pendant cette période critique du début de Juin alors qu’un peu de vent et d’humidité aurait mieux fait l’affaire).
Les accidents sont venus aussi d’un excès d’eau en fin de vendanges ici et là, particulièrement dans la Montagne de Reims, humidité qui a amené un peu de pourriture grise. Mais comme la cueillette, a été rapide le mal n’a jamais été alarmant ni en tout cas incurable.
Il faut noter d’autre part, comme un trait caractéristique de cette vendange, d’assez grandes différences de maturité non seulement dans la même vigne, ce qui a obligé souvent à une seconde cueillette, mais quelquefois sur la même grappe où il arrivait que l’on trouve des grains foncés à côté de grains rouges ou encore verts.
Tout cela a fait quand même, dans l’ensemble, de beaux paniers. Le jus a été facile à extraire de la charge des pressoirs. On a obtenu des moûts bien constitués.
Les Services Techniques du C.I.V.C. ont analysé plus de 500 échantillons qu’ils ont été chercher, au cours de la vendange, dans des pressoirs de toutes les régions du vignoble.
Les résultats de ces analyses ont été classés par région. Ils sont publiés et commentés dans « Le Vigneron Champenois » du mois de Novembre.
La moyenne, pour toute la Champagne, ressort à 10 degrés pour l’alcool et 6 grammes 55 au litre pour l’acidité.
Dans l’ordre de mérite, pour les degrés, il faut classer en tête cette année les marcs de Chardonnays, suivis des marcs de pinot noir et enfin de meuniers. Mais les écarts ne sont pas tellement grands. Tous les échantillons s’étagent entre 9°5 et 10°5.
Même classement, mais à rebours, pour l’acidité qui va de 6,3 dans les Chardonnays à 6,7 dans les Meuniers.
Ces chiffres sont satisfaisants parce que le vin de Champagne est traditionnellement un vin léger qui ne s’accommode ni d’un excès de puissance ni d’un excès de « fraîcheur ».
De l’avis général les moûts de 1961 ont donc un bon équilibre.
Les vins produits deviendront-ils de grands vins et feront-ils un jour un millésime ? Il est trop tôt pour s’en rendre compte. Les conditions favorables réunies au départ permettent cependant de penser que les vinificateurs feront demain, avec le 61, de bonnes cuvées qui deviendront de bonnes bouteilles.

LA QUANTITE

D’abord la statistique des déclarations de récolte.
Les quantités produites en plus du rendement limite de 7.500 kgs à l’hectare pouvaient être déclarées cette année directement en appellation Champagne et non comme Vin Nature de la Champagne. Elles ont donc été reclassées par anticipation (comme en 1959).
Ainsi la Champagne vient-elle de réaliser une récolte abondante pour la troisième fois de suite.
Sait-on qu’une pareille série de trois années favorables est un fait exceptionnel ? Tellement exceptionnel qu’il ne s’est jamais produit encore d’après les statistiques que l’on possède et qui remontent jusqu’à un siècle et demi en arrière.
En produisant successivement 254.000 pièces en 1959, 370.000 en 1960, 280.000 cette année nos coteaux ont fourni un effort dont on ne croyait pas qu’il pourrait être poursuivi avec une telle continuité. Le total de ces trois belles récoltes représente en effet 900.000 pièces, soit une moyenne de 300.000 pièces par an.
Les pluies du dernier mois de Septembre ont été providentielles. Grâce à elles les prévisions faites au mois d’août ont été largement dépassées.
Ce « cuidage » a bénéficié à peu près à tout le monde, mais ce sont incontestablement les grands crus de la Montagne de Reims qui ont le mieux récolté. Les rendements ont été très élevés dans le secteur allant d’Ay au sud à Chigny au Nord : 8 à 10.000 kilogs à l’hectare.
La Côte des blancs a bien produit elle aussi (6.500 à 8.000 kgs de moyenne) mais un peu moins que certaines années précédentes.
Les moyens crus de la Marne se sont honorablement comportés, sans plus. Par contre certains petits crus et surtout l’Aube où il avait gelé au printemps, ont obtenu des résultats beaucoup moins brillants.
Outre ces inégalités entre régions il y a eu aussi des inégalités entre crus à l’intérieur de la même région. Ces différences sont fréquentes et, pourrait-on dire, normales.
Constatons aussi encore une fois, bien que cela n’étonne plus personne aujourd’hui, qu’une récolte abondante peut être en même temps une récolte de qualité. Et à propos de cette abondance il faut répondre à deux questions fréquemment posées ces derniers temps : à partir de quel volume une récolte est-elle une grosse récolte ? Le vignoble champenois ne s’oriente-t-il pas vers des rendements plus élevés et surtout plus réguliers ?

1° - Au point de vue technique, on peut estimer que la grosse récolte commence à partir de 250.000 pièces. Au point de vue économique il en est autrement. On a vu dans le passé de plus petits volumes créer la surproduction. A l’inverse les besoins récents étaient tels qu’aucune des fortes récoltes qui se sont succédées à partir de 1959 n’a paru vraiment encombrante ou démesurée. Simple effet de relativité car ces récoltes restent, en elles-mêmes, importantes.

2° - Les rendements peuvent en effet devenir meilleurs et plus réguliers grâce à des facteurs qui s’appellent : apports de terre et d’engrais, appareils de traitement et de pulvérisation rapides et plus efficaces, vignes plus jeunes et plus résistantes, etc... Les beaux résultats qui viennent d’être enregistrés ne sont donc pas tout à fait accidentels. C’est la mauvaise récolte, demain, qui sera peut-être au contraire l’accident. En dehors de la gelée catastrophique (1 année sur 10 d’après les statistiques) les vignerons modernes n’ont plus les mêmes craintes qu’autrefois. L’irrégularité des récoltes va sans doute tendre à s’atténuer, remarque qui paraît d’ailleurs également vraie pour toutes les productions agricoles. (« Aide-toi et le ciel t’aidera »).

La Champagne ne peut que garder un bon souvenir de ses vendanges de 1961.
Les ombres au tableau ont été rares, la satisfaction a été à peu près générale chez les vignerons, comme chez les négociants.

L’équilibre ou presque l’équilibre, tel est le mot qui semble le dénominateur commun de ces vendanges, dans tous les domaines.

Cette chronique l’avait annoncé en commençant, elle s’est efforcée de justifier le jugement.
La prospérité se trouve relancée pour un an.

Bulletin CIVC 4ème trimestre 1961 n° 59
Analyses réalisées par les Ingénieurs & Œnologues des services techniques de l’AVC - CIVC