UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Vendanges, de 2001 à nos jours

2006 - Une année plutôt chaude et sèche

L’hiver a été très froid et l’été très chaud.

Derrière cette lapalissade se cachent quelques singularités ayant marqué l’année. La température moyenne hivernale est plus basse que celle de la décennie, mais sans conséquence pour les vignes. Le printemps est ponctué de gels qui provoquent quelques dégâts heureusement limités. L’été se déroule en trois actes. En juillet, après un épisode de grêle qui touche en début de mois le nord-ouest du vignoble, le temps devient caniculaire. Août est frais et abondamment arrosé. Heureusement septembre voit d’abord le retour d’une période chaude et sèche pour l’ouverture des vendanges suivie d’une période grise et pluvieuse.Les dates moyennes de pleine floraison sont le 15 juin pour le chardonnay, le 17 pour le pinot noir et le 18 pour le meunier. Les dates d’ouverture de la vendange 2006 s’étalent entre le 7 et le 25 septembre selon les secteurs, c’est-à-dire quasiment aux mêmes dates qu’en 2005.

La cueillette

L’hétérogénéité de la maturation a surpris les opérateurs. Le pic d’activité se situe vers le 19 septembre pour les blancs, le 21 septembre pour les pinots noirs de l’Aube et le 26 pour ceux de la Marne. Si le temps est souvent gris, les températures sont élevées. Il pleut du 20 au 26 septembre. Le poids moyen des grappes se situe entre 140 et 160 g. Des foyers de pourriture grise sont observés notamment dans les secteurs les plus tardifs. L’abondance de la récolte a permis aux plus consciencieux de faire réaliser un tri sélectif par leurs vendangeurs, mais il reste encore des progrès à faire dans ce domaine dans beaucoup d’exploitations.

L’extraction des jus

L’appellation était, en moyenne, obtenue en 2 h 51 mn et 3,7 retrousses pour les noirs (53 suivis) et 3 h 04 mn et 4,0 retrousses pour les chardonnays (32 suivis) (données provenant du bilan pressurage de l’année 2006). Ces chiffres sont similaires à ceux observés pendant les vendanges de 2005 et de 2004 et traduisent un pressurage relativement facile. Beaucoup d’opérateurs ont dégusté les moûts afin d’écarter ceux leur semblant présenter un risque potentiel vis-à-vis des arômes de champignon frais.

Les résultats analytiques

Ces chiffres proviennent d’une cartographie réalisée par le CIVC à partir d’environ 250 moûts représentatifs de l’aire d’Appellation d’Origine Contrôlée Champagne. Ces estimations sont confortées par les données provenant de différents opérateurs qui représentent cette année près de 35 000 marcs.

Le degré potentiel

Les moûts de cuvée de la vendange 2006 ont un degré potentiel de 10,2 vol. Ils se situent au-dessus de la moyenne décennale. Pour cette période, leur richesse en sucre les place en troisième position après 2003 et 2002, à la même hauteur que 1997. Dans la cartographie, l’alcool probable (A.P.) minimal relevé est de 9,0 vol. et le maximal de 11,6 vol. L’écart entre les trois cépages champenois est en moyenne, relativement faible (10,3 vol. A.P. pour le chardonnay, 10,2 vol. A.P. pour le pinot noir et 10,0 vol. A.P. pour le meunier).

Au niveau régional les chiffres traduisent bien la climatologie particulière observée dans l’Aube. L’alcool en puissance des cuvées de l’Aube culmine à 10,5 vol.A.P. contre 10,1 vol. A.P. pour l’Aisne et la Marne. Le contraste le plus spectaculaire se situe entre les pinots noirs de l’Aube (10,5 vol. A.P.) et ceux de la Marne (9,9 vol. A.P.). Les cuvées des chardonnays de l’Aube ont un alcool probable de 10,5 vol, ceux de la Marne 10,3 et ceux de l’Aisne 10,2 A.P.

Estimation de la teneur en sucre

L’estimation indiquée par les densimètres était cette année très proche (écart moyen inférieur à 1 g/l de sucre) de la teneur réelle en sucre des moûts mesurée par pH-métrie différentielle qui constitue à présent notre méthode de référence. Les réfractomètres de terrain (SOPELEM, FABRE et ATAGO) surestimaient par contre cette même richesse en sucre, en moyenne de 3,4 à 4,3 g/l (0,2 à 0,3 vol. A.P.). Les conclusions des articles sur l’estimation de la richesse en sucre des moûts publiées dans le Vigneron Champenois en 1994 et 1995 sont toujours d’actualité. Cette année encore, rien ne justifiait une mise en garde des opérateurs sur des corrections éventuelles à effectuer lors des opérations d’enrichissement. Nous persistons dans notre conseil de privilégier l’aréomètre pour l’estimation de la teneur en sucre des moûts. Des "décalages" pouvant aller de - 5,0 à + 5,0 g/L de sucre (soit - 0,3 à +0,3 A.P) ont cependant pu être ponctuellement observés pour certains moûts. L’extrait sec non sucre moyen est cette année de 22,1 g/l. Il influence notablement l’estimation de la richesse en sucre des moûts par voie physique.

L’acidité totale

L’acidité totale de la vendange 2006, avec 7,0 g H2SO4/l, se situe un peu au dessous de la moyenne décennale (7,3 g H2SO4/l). Cette valeur est identique à celle de la campagne précédente et proche de 2002 et 2004. Dans notre enquête, le minimum relevé est de 4,8 et le maximum de 8,1 g H2S04/l. Cet écart mini/maxi constaté est très élevé, comme ces deux dernières années. Il n’est pas dû à la présence dans la cartographie de quelques moûts extrêmes, il est conforté par un écart type de 0,5 g H2S04/l voisin de ceux calculés lors des précédentes campagnes.
Les trois cépages se retrouvent en moyenne à des niveaux proches (entre 6,9 et 7,2 g H2S04/L). Les moûts de l’Aube (6,6 g H2S04/l) et ceux de l’Aisne (6,7 g H2SO4/l) sont en moyenne moins acides que ceux de la Marne (7,1 g H2S04/l). Une analyse plus fine montre qu’au niveau régional, les chiffres traduisent bien les différences de maturation déjà citées pour la richesse en sucre.

Le rapport sucre/acide

L’indice de maturité de cette vendange (24,7) est plus élevé que la moyenne décennale (23,4). Dans la cartographie il fluctue de 19,5 à 37,5. Les déductions entendues sur la qualité des futurs vins à partir de ce rapport sont très souvent trompeuses. Il suffît, pour s’en convaincre, de remarquer que le rapport S/A des pinots noirs (25,3) est quasiment identique à celui des chardonnays (25,2) alors que leur maturité est différente.

Conclusion

Après un été atypique qui pouvait faire craindre le pire aux professionnels, la nature s’est montrée généreuse en nous offrant en abondance une vendange de qualité. La faible évolution des foyers de pourriture grise sur la fin du cycle et la quantité de raisins qui a permis un tri sélectif ont limité l’impact toujours négatif du botrytis sur les moûts et les vins produits. Les principales caractéristiques analytiques des moûts de la vendange 2006 sont une teneur en potassium très élevée, une richesse en sucre et un pH élevés, une acidité totale moyenne, des teneurs en acides tartrique et malique faibles. Cette composition alimentera sans doute le débat sur l’impact supposé de la qualité des vins en fonction de leur acidité. Réponse dans quelques années.

Le Vigneron Champenois - N° 4 - Avril 2007