UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Vendanges, de 2001 à nos jours

2007 - Une climatologie chaotique

Après un hiver doux, la végétation démarre exceptionnellement tôt ; le soleil et la chaleur inhabituelle d’avril accélèrent encore la précocité de la vigne et l’on pronostique déjà des vendanges pour la mi-août. Le mauvais temps qui s’installe à partir de mai perturbe la floraison dont la date est variable d’une région à l’autre et même d’une parcelle à l’autre.
La floraison est très hétérogène, toutefois le 24 mai pour le chardonnay, le 28 pour le pinot noir et le 1er juin pour le meunier peuvent être retenus comme dates moyennes de pleine floraison.
Après des températures plutôt douces jusque fin juillet, le temps maussade fait place en août à la pluie et le froid qui ralentissent la maturation des raisins.

La cueillette

Les dates d’ouverture des vendanges étaient cette année étalées entre le 20 août et le 7 septembre selon les secteurs. Ces dates comptent parmi les plus précoces depuis 2003 (du 21 au 25 août), 1947 (le 5 septembre) et au-delà 1893 (le 27 août). Certains y verront une preuve supplémentaire du réchauffement climatique.
L’hétérogénéité de la fleur se trouve dans la maturation, extrêmement diversifiée d’une vigne à l’autre, ce qui rend la décision des dates de début de vendanges particulièrement acrobatique. Si la cueillette est possible officiellement dès le 20 août dans les crus les plus hâtifs, les vignerons retardent voire arrêtent quelques jours la récolte (en fonction de l’état sanitaire et de la potentialité de maturation) pour laisser la vigne profiter du soleil qui s’installe providentiellement à partir du 24 août.

Il est bien difficile a posteriori d’assurer qu’il fallait attendre. La climatologie qui règne en ce début de vendanges (chaleur et humidité) fait craindre le développement des foyers de pourriture déjà observés et qui pourraient gâcher la récolte en quelques jours. Heureusement Saint Vincent a été entendu et le vent froid et sec qui s’est installé les derniers jours d’août éloigne les craintes.

L’extraction des jus

Les chardonnays n’ont pas posé de problème particulier. Le temps moyen, pour obtenir l’appellation, observé sur le réseau de référence du CIVC est de 3h18 min et 4,3 retrousses (43 suivis) comparables aux résultats de 2005 et 2006. Dans le même temps, les cépages noirs ont opposé plus de résistance. Le temps moyen d’extraction de 3h09 min et 4,1 retrousses (43 suivis) pour l’appellation. C’est une valeur élevée, preuve de conditions d’extraction relativement difficiles pour le pinot noir et le meunier (données provenant du bilan pressurage 2007). De plus en plus d’opérateurs dégustent les moûts afin d’écarter ceux leur semblant présenter un risque organoleptique potentiel.

Les résultats analytiques

Ces chiffres proviennent d’une cartographie réalisée par le CIVC à partir d’environ 270 moûts représentatifs de l’aire d’Appellation d’Origine Contrôlée Champagne. Ces estimations sont confortées par les données provenant de différents opérateurs qui représentent cette année 34 % de la surface du vignoble.

Le degré potentiel

Conséquence de l’été maussade et, bien que la récolte ait souvent été retardée, les moûts de cuvée de la vendange 2007 ont un degré potentiel de 9,4 % vol. Ils se situent au-dessous de la moyenne décennale (9,9 % vol.). Hormis 2001, c’est la valeur la plus base depuis 1995. Dans la cartographie, l’alcool probable (A.P.) minimal relevé est de 9,0 % vol. et le maximal de 11,9 % vol. Les meuniers et les pinots noirs vendangés plus tardivement contiennent en moyenne plus de sucre (9,5 % A.P.) que les chardonnays (9,3 % A.P.).
L’alcool en puissance des cuvées de l’Aisne (qui proviennent des raisins vendangés pendant la seconde moitié de la campagne) est en moyenne de 9,7 % vol. A.P., celui de la Marne 9,5 % vol. A.P. et celui de l’Aube (vendangés pendant la première moitié) de 9,2 % vol. A.P. Les chardonnays de l’Aube affichent une moyenne de 9,0 % A.P. contre 9,4 pour ceux de l’Aisne et de la Marne ; les pinots de l’Aube sont à 9,3 % A.P. et ceux de la Marne à 9,6 % A.P. Paradoxalement les valeurs les plus élevées sont celles des meuniers de l’Aisne, vendangées plus tardivement, avec une moyenne de 9,9 % A.P. contre 9,5 % A.P. pour ceux de la Marne. Beaucoup de tailles analysées dans la cartographie ont une teneur en sucre proche ou identique à celle de la cuvée correspondante.

Estimation de la teneur en sucre

L’estimation indiquée par les aréomètres est cette année très proche (écart moyen inférieur à 1g/l de sucre) de la teneur réelle en sucre des moûts mesurée par pH-métrie différentielle qui constitue notre méthode de référence. Les réfractomètres de terrain (SOPELEM, FABRE et ATAGO) surestiment par contre cette même richesse en sucre, en moyenne de 0,9 à 2,5 g/l (0,1 à 0,2 % vol. A.P.). Les conclusions des articles sur l’estimation de la richesse en sucre des moûts publiés dans le Vigneron Champenois en 1994 et 1995 sont toujours d’actualité. Cette année encore, rien ne justifiait une mise en garde des opérateurs sur des corrections éventuelles à effectuer lors des opérations d’enrichissement. Nous persistons dans notre conseil de privilégier l’aréomètre pour l’estimation de la teneur en sucre de moûts. Des "décalages" pouvant aller de -5,0 à + 4,0 g/l de sucre (soit - 0,3 à + 0,2 % A.P.) ont cependant pu être ponctuellement observés pour certains moûts.
Cette année, l’extrait sec non sucre est en moyenne de 21,8 g/l. Il influence notablement l’estimation de la richesse en sucre des moûts par voie physique.

L’acidité totale

L’acidité totale de la vendange 2007, avec 8,6 g H2SO4/l, se situe nettement au-dessus de la moyenne décennale (7,4 g H2SO4/l,). Cette valeur est identique à celle de la campagne 2001. Au-delà, il faut remonter à 1995 et 1996 pour trouver des moûts de cuvée aussi acides. Dans notre enquête, le minimum relevé est de 6,9 g H2SO4/l et le maximum de 9,8 g H2SO4/l. Cet écart est faible, contrairement aux dernières récoltes. Il est conforté par un écart type de 0,5 H2SO4/l ce qui tiendrait à prouver une certaine homogénéité des marcs en ce qui concerne ce paramètre.

En moyenne, les trois cépages sont à des niveaux proches (entre 8,4 et 8,8 g H2SO4/l). Sans surprise, un gradient inverse à celui de la richesse en sucre se retrouve : les moûts de l’Aube sont à 8,9 g H2SO4/l, ceux de la Marne à 8,5 g H2SO4/l et ceux de l’Aisne à 8,0 g H2SO4/l. Une analyse plus fine montre qu’au niveau régional, les chiffres traduisent bien les différences de maturation déjà citées au niveau des cépages pour la richesse en sucre.

Le rapport sucre/acide

Les trois cépages quelque soit leur provenance montrent de façon concomitante une nette croissance de la richesse en sucre et une décroissance de l’acidité totale. Courbes typiques d’une maturation continuant d’évoluer au cours de la vendange.

Conclusion

Après une météorologie atypique qui a laissé espérer le meilleur puis fait craindre le pire aux professionnels, la nature s’est montrée clémente en nous offrant en abondance une vendange de relative bonne qualité mais très inégale vis-à-vis de la richesse en sucre selon les secteurs. Les principales caractéristiques analytiques des moûts de la vendange 2007 sont une teneur moyenne en acide malique (avec des valeurs individuelles très variables) et une acidité totale élevées, une teneur en potassium et un pH bas homogènes entre les marcs.
Cette composition nous ramène à des caractéristiques de vendanges plus fréquentes dans les décennies précédentes et dont nous nous étions écartés ces dernières années. Après avoir craint le pire, certains évoquent à présent la possibilité de millésimer certaines cuvées.

Le Vigneron Champenois - N° 9 - Octobre 2007