UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Vendanges, de 2001 à nos jours

2015 - Une campagne exceptionnelle

Une campagne 2015 exceptionnelle par le concours simultané de températures élevées et d’une pluviosité très faible pendant une bonne partie de la phase végétative de la vigne... un cas d’école, mais pas tout à fait une réplique de de 2003...

Météo 2015

Un "remake" de 2003 ?

Sécheresse, fortes chaleurs, autant d’ingrédients qui placent d’emblée la campagne 2015 dans la catégorie "années chaudes, type 2003". Mais, qu’en est-il vraiment ?

Un automne extrêmement doux et pluvieux

L’automne 2014 figure parmi les plus doux de ces vingt dernières années (9,1 °c) et se rapproche fortement du record de 2006 (9,3 °C). Il gèle très peu et les cumuls de pluie sont très importants : + 25 % en moyenne et + 50 % dans le Barséquanais et sur Epernay.

Un hiver dans la normale, sans forte gelée

Les conditions thermiques restent standard pratiquement tout au long de l’hiver, excepté un petit coup de froid au début février. On n’observe pas de fortes gelées et, parallèlement, la pluviosité reste excédentaire et assez régulièrement répartie sur le vignoble.

Une période de sécheresse exceptionnelle

Après un mois d’avril chaotique, une certaine sécheresse s’installe à partir de la mi-mai et va perdurer jusqu’au milieu du mois d’août, soient dis semaines avec très peu d’eau... du jamais vu !

On relève sur la période, 79 mm en moyenne, dans le vignoble contre 210 normalement, soit, tout juste 39 % de la normale.

Ces conditions exceptionnelles se doublent d’un ensoleillement important et de températures particulièrement élevées à la fin de cette période, c’est-à-dire au cours des mois de juillet et août (sauf fin juillet).

Un ensoleillement considérable

Sur la période mars-août l’insolation est exceptionnelle, supérieure à celle de 2014 et équivalente de 2003. Un point de similitude supplémentaire par rapport à cette année restée dans les mémoires.

Une maturation en deux "temps"

La maturation des raisins débute aux premiers jours du mois d’août. Jusqu’au 12, les conditions sont particulièrement favorables : grand beau temps, températures élevées et à peine 10 mm d’eau sur le vignoble, excepté le secteur des Riceys qui subit de fortes pluies orageuses (plus de 35 mm). La sécheresse se durcit néanmoins encore un peu plus.,.

La seconde partie du mois est beaucoup plus fraîche et, surtout, très arrosée avec des cumuls impressionnants : plus de 100 mm sur toute une frange ouest du vignoble, et de 60 à 90 mm sur le reste du vignoble, la Côte des Bar bénéficiant, pour une fois, de conditions moins défavorables.

Des condition "inespérées" pour le début des vendanges

Après ces abondantes pluies, les craintes d’une forte dégradation sanitaire sont là, d’autant que la campagne a été vraiment peu arrosée. Heureusement, la première décade de septembre tombe à point pour atténuer les effets des pluies : temps sec,
très frais qui semble préserver la récolte de cette dégradation... !
Cependant, un nouveau déluge de pluies s’abat en seconde décade de septembre, conditions finalement plus défavorables aux vendangeurs qu’aux raisins...

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Comportement hydrique des sols

Une sécheresse inédite

Hiver normal avec quelques gelées et des pluies excédentaires, printemps humide... le millésime 2015 commençait parfaitement avec une recharge hydrique optimale des sols pour le début de campagne, et heureusement... En effet, comme le précise le chapitre précédent, les pluies se sont arrêtées à la mi-mai, et il n’a quasiment pas plu pendant trois mois. Les sols se sont asséchés très fortement au cours de cet été très ensoleillé. .../...

Maladies et ravageurs

Incidences sur la vendange 2015

Fait exceptionnel cette année, maladies et ravageurs sont restés discrets sans jamais réellement s’imposer et impacter notablement la récolte. Le temps sec et chaud persistant de mi-mai à mi-août n’est sans doute pas étranger à cette situation. Même le haut du feuillage est resté vert jusqu’au bout, sans mildiou de fin de saison. L’oïdium a retenu l’attention des techniciens et des vignerons jusqu’à la mi-juillet. Cette vigilance de tous les instants a permis une bonne maîtrise de la situation. Fin août, le retour de pluies régulières laisse craindre le développement de la pourriture grise, notamment dans certaines parcelles de noirs où des grappes "gonflées" par les pluies présentent quelques baies fissurées. Au final, la qualité sanitaire reste au rendez-vous et les besoins de tri à la parcelle faibles.

Peu de pourriture grise

Les premiers foyers de pourriture grise se sont manifestés à partir de fin août, plutôt sur les cépages noirs, et même plutôt sur meunier, dans certaines parcelles. Des régions entières telles que la Côte des Bar sont restées indemnes. Le chardonnay, encore cette année, est épargné.

Le scénario tant redouté de "pourriture de sécheresse", tel qu’en 2010, n’a pas eu lieu.
Quelques rares surinfections ont été observées sur des parcelles dégradées à partir de la deuxième décade de septembre.

Quelques prélèvements de baies botrytisées ont pu être effectués,
afin de maintenir la surveillance de la sensibilité aux fongicides. L’empreinte de la pourriture en fin de campagne 2015 est faible.

Pourriture acide, retour à la normale

Quelques dégâts de pourriture acide ont été signalés, sur les cépages noirs, dans les parcelles habituellement sensibles. L’ampleur des dégâts est sans commune mesure avec la campagne précédente.

Peu de drosophiles ont été observées, notamment la drosophile suzukii, sous l’effet conjugué du bon état sanitaire au vignoble et des conditions climatiques estivales peu favorables.

Oïdium, une forte pression bien maîtrisée !

Côté oïdium, fin avril-début mai, une première note d’ambiance en sortie d’hiver est donnée par le modèle Oïdium Champagne (modèle bio-climatique, société Modeline). L’indice de risque global en sortie d’hiver classe le potentiel épidémique oïdium de 2015 bien au-dessus de celui de 2014, même s’il semble à ce stade un cran en dessous de 2012. On s’attend à une année compliquée, l’information est relayée via les différents réseaux. Par la suite, ce potentiel épidémique est confirmé par les observations des symptômes sur feuilles réalisées sur les parcelles de Chardonnay du réseau Magister à partir du stade 8-9 feuilles étalées.

Les messages de vigilance sont renouvelés à l’approche de la floraison. L’oïdium est la priorité pour piloter les renouvellements de la couverture fongique, des stades préfloraison à grains de pois. Un renforcement de la protection est conseillé dans les parcelles à historique sur grappes et les parcelles où la maladie couve déjà à la face inférieure des feuilles. Le soin apporté à la pulvérisation est également le cheval de bataille des techniciens. Ces messages sont accompagnés de recommandations de mesures prophylactiques permettant l’aération de la zone des grappes et favorisant la pénétration des UV et des fongicides (relevage et palissage soignés, effeuillage précoce face soleil levant).

L’oïdium reste sous haute surveillance jusqu’à mi-juillet. Arrivé vers le 20 juillet, le stade fermeture de la grappe est bien avancé. Sur le réseau SBT, même la fréquence de parcelles avec l’oïdium sur grappes est élevé (1 parcelle sur 3), les fréquences de grappes touchées ainsi que intensités d’attaque sont faibles dans la majorité des cas. La forte pression oïdium de cette campagne 2015 est bien contenue La maladie est bien maîtrisée. A la vendange, très peu de parcelles ont nécessité un tri. L’impact de l’oïdium sur la vendange est l’ordre de 1 % à l’échelle du vignoble.

Mildiou, le calme plat

Un début d’année très classique. La maturité des œufs est observée au laboratoire le 5 mai et premières pluies potentiellement contaminatrices surviennent dans la foulée. Les premiers symptômes sur les feuilles sont d’ailleurs observés au vignoble le 12 mai. En ce début de campagne, le potentiel épidémique est moyen d’après les données du modèle Potentiel Système (Sesma) avec une tendance à la hausse dans les secteurs fortement arrosés depuis la fin avril (Côte des Bar, Vitryat et Sézannais) ../...

Pour conclure, l’oïdium est le seul problème sanitaire qui a marqué les esprits en 2015. Malgré une forte pression en cours de campagne, la maladie a été bien maîtrisée, laissant au vignoble le sentiment d’avoir pu contenir son développement sur les grappes.

Paramètres analytiques des raisins

A saison exceptionnelle, maturité hors norme

1976, 2003, 2007 et 2011 ont été les seules années à voir les vendanges débuter avant le 5 septembre... Après 2014, classé dans la moyenne décennale en matière de démarrage, 2015 sera, lui, le millésime des extrêmes.
Pourtant, au début de la saison végétative, nul ne table sur un tel profil d’année tant 2015 semble s’ancrer dans un très léger retard phénologique. L’été spectaculaire et particulièrement sec aura insufflé au millésime une toute autre tendance. Les discussions autour des dates de vendanges et des ambitions face à ce millésime exceptionnel en sont la preuve et les circuits de cueillette auront souvent été modifiés. Retour sur les caractéristiques analytiques des raisins.

Démarrage du réseau et cinétique de maturation

Mi-juin, lors de l’organisation des réunions des préleveurs, la date du premier prélèvement est fixée au 13 août ce qui semble cohérent, voire presque précoce. La contrainte hydro-azotée commençant à se manifester, nous ne présageons pas qu’elle sera aussi marquée par la suite.

Le résultat s’est donc vu dès le premier prélèvement au retour des vacances, où un tiers des parcelles furent prélevées : des degrés potentiels plus élevés que supposé et une forte hétérogénéité entre les secteurs, annonçant dores et déjà des vendanges précoces localement... et longues à l’échelle de l’aire d’appellation.

Ces premiers résultats montrent en effet une concentration en sucres élevée et une acidité totale inférieure à la moyenne.

Le poids moyens des grappes se situe encore dans la moyenne, mais cela cache des disparités importantes : dans la Côte des Bar, il est nettement plus faible (93 g contre 103 g dans l’Aisne et la Marne) et cette différence s’accentue avec les précipitations tombées très inégalement sur le vignoble entre le 13 et le 16 août (6 à 12 mm dans la Côte des Bar contre près de 50 mm dans l’Aisne et le Massif de Saint-Thierry).

Constat positif : malgré une forte pression oïdium, le vignoble est particulièrement sain et le botrytis aux abonnés absents. .../...

Des poids de grappes moyen inattendus

Les rendements estimés à fleur, qui s’est déroulée dans d€ conditions très favorables, soi très optimistes. La contrainte hydro-azotée qui s’est installée dès la nouaison et prolongée tout l’été a finalement limité le grandissement cellulaires, donc les grossissements des baies.

Ainsi, dès juillet, il est assez clair que si aucune pluie ne s’annonce entre la mi-juillet et les vendanges, les poids de grappes seront particulièrement faibles.
Finalement, même si le poids de grappe moyen à la vendange est inférieur à la moyenne décennale, il a été l’indicateur le plus probant des différences de pluviométrie entre les secteurs avec, dans les endroits les plus arrosés, des poids record : 200 g par grappe sur certains meuniers. .../...

Les valeurs d’acidité totale ont beaucoup fait parler

C’était, en effet, le principal sujet évoqué lors de nos visites sur les sites de pressurage des échantillons. pour autant, même si elles sont globalement faibles, elles sont surtout cohérentes au regarde l’indice de maturation, la cinétique de chute reste dans la moyenne. En comparaison aux années les moins acides de ces 25 dernières années, 2015 reste moyenne. Ce constat vient corroborer les hétérogénéités en matière de maturité évoqués précédemment. Sur une seule et même parcelle, des grappes mûres côtoient des grappes "en retard", permettant de maintenir une certaine acidité à l’échelle d’une parcelle.

Au 20 août, la concentration moyenne en acide malique, tous cépages confondus, sont de 11,3 g/l, pour un degré potentiel de 7,4 % vol. Au dernier prélèvement de ces parcelles, la concentration est descendue à 5.7 g/l, classant 2015 juste après 2003 sur le podium des années aux plus faibles concentrations d’acide malique.

Rendements 2015

De grands contrastes mais un bilan global positif

"Surprise" restera sans doute l’un des termes utilisé pour qualifier les rendements 2015. Derrière ce mot se cachent, certes, des chiffres inattendus voire inespérés mais aussi quelques déceptions dans les secteurs ayant le plus souffert de la sécheresse, Pour autant, c’est surtout, et fort heureusement , la qualité du millésime qui devrait marquer les mémoires.

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Au final, à l’heure où nous écrivons ces lignes, les chiffres non définitifs annoncent un rendement agronomique moyen de 11 700 kg/ha, avec de fortes disparités par secteur.

Cette valeur n’est pas consolidée, mais elle traduit les écarts importants d’un secteur à l’autre, foncièrement liés aux cumuls d’eau tombés localement.

Le vigneron Champenois novembre 2015