PÉTITION ’
DES
NÉGOCIANTS EN VINS
ET DES
PROPRIÉTAIRES ET PRODUCTEURS VINICOLES
DE
LA CHAMPAGNE
La Chambre de commerce du département de la Marne avait déjà manifesté plusieurs fois les voeux que le Gouvernement voulût bien s’occuper de la contrefaçon et de la fraude qui s’exercent en France mais surtout à l’étranger, contre le produit si renommé de la Champagne, et au préjudice d’une industrie qui fait la richesse d’une partie de cette ancienne province. [...]
La propension à mousser qu’on a trouvée dans certains vins depuis un quart de siècle, et les moyens factices par lesquels on fait mousser tous les liquides, ont été le principe de cette contrefaçon et de cette fraude, non moins préjudiciable aux Consommateurs, qu’à la Champagne, dont on a voulu imiter les produits. [...]
1. Pétition ion adressée au "Président du Conseil des Ministres", éditée en plaquette.
On ne s’est pas contenté d’usurper seulement les noms de "Champagne", ou des crus renommés de notre département, pour les appliquer à tous les vins et à tous les liquides qu’on a fait mousser, on s’est emparé des noms des Négociants les plus connus, pour expédier à l’étranger, sous un passeport honorable et respecté, des vins à qui on a ainsi prostitué la réputation des maisons qui inspiraient jusqu’alors la confiance la plus illimitée. [...]
Les représentants ou les voyageurs de ces trafiquants de vins mousseux des bords du Rhin, de la Suisse, ou de l’Allemagne, se présentent aux marchands de vin, mais surtout aux maîtres d’hôtel, avec une collection d’étiquettes comprenant toutes les marques des maisons françaises en réputation, et souvent, avec le même vin, on approvisionne ainsi un hôtel, à bon marché, de toutes les marques qu’on peut désirer. [...]
Un jour, d’un point de l’Allemagne, le correspondant d’une maison d’Ay lui écrit qu’il vient de lire avec surprise dans le journal de la localité, que trois mille bouteilles de vin de sa maison viennent d’arriver. Informations prises, on trouve que c’était du vin du Rhin, portant l’étiquette de la maison d’Ay, qu’on allait vendre aux enchères, sur la place publique. [...]
L’étiquette d’une maison honorable, apposée sur une espèce d’eau gazeuse qu’on vendait pour du champagne à Stockholm, est encore un fait assez authentique, puisqu’il a donné lieu à un procès qui a parcouru sans succès tous les degrés de la juridiction suédoise. [...]
Enfin, nous possédons dans nos mains des lettres adressées à des graveurs de Francfort, par lesquelles on leur commande des étiquettes contrefaites des principales maisons françaises. [...]
Un tel état de choses est intolérable et ne saurait durer. Les lois, dans chaque pays, n’étant faites que pour les nationaux, nous éprouvons des obstacles invincibles pour obtenir justice contre les contrefacteurs, même en employant la voie de nos consuls à l’étanger. Nous osons donc espérer que le gouvernement du Roi, prenant tout ce qui précède en considération, ouvrira des négociations avec les divers gouvernements pour régler cette manière par des traités.
1844