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Maurice des Ombiaux

Littérature du vin et de la table (1925)

LE GOTHA DES VINS DE FRANCE

La casse 1, malgré tous les soins minutieux des spécialistes, est toujours considérable et se compte toujours à raison de quinze ou vingt pour cent. Mais ce n’est pas la seule cause de perte. Les phénomènes qui déterminent ou détruisent la propriété mousseuse des vins sont mystérieux et n’ont pu être pénétrés ni expliqués.

Dans certains pays, il est toujours aristocratique de mépriser le vin, les grands champagnes exceptés. [...] On peut affirmer que le vin de Champagne est le vin le plus exporté. [...] Il s’installe en grand favori partout où la civilisation a pénétré ; il est partout où se trouvent de jolies femmes ; dans les bagages de l’explorateur, il arrive au milieu des peuplades nègres que cette boisson détonnante et à ressort ahurit prodigieusement.

Le bon champagne est un excellent digestif. Lorsqu’il apparaît, le cercle de famille l’applaudit avec joie : on le boit pour ses bulles, sa mousse, sa gaieté.

Vous voyez dans les restaurants de nuit et autres dancings des êtres à visage blafard qui battent le beau vin doré et mousseux avec de petits bâtons appelés mosers. Ce ne sont pas des amateurs de champagne, ils ne le boivent que par snobisme. [...] Les snobs "dernier cri" tirent de leur étui à cigarettes un petit balai d’or ou de platine avec quoi ils agitent le vin pour en faire disparaître cette mousse qu’on a eu tant de peine à cultiver et à conserver dans la bouteille. Mais comme ces gens-là n’ont rien à voir avec la dégustation et la gastronomie, nous ne nous occuperons pas davantage de leurs pratiques hérésiarques qui sentent la barbarie originelle et l’insondable bêtise des fêtards.

On l’a dit avec raison, le champagne nous rend joyeux, nous illumine, nous enivre. Alors la matière disparaît et l’intelligence s’exalte : nous sommes tout amour, toute imagination, tout plaisir, nous oublions la veille,

le phénomène de la "casse", voir page 754.
nous défions le lendemain, et le présent seul est charmant. Alors l’homme finit et Dieu commence ; la terre, l’univers, l’infini nous appartient et nous voilà, jusqu’au réveil, les maîtres de la création tout entière.
1925
LE VIN’

La flûte à champagne, me disait une maîtresse de maison, donnait à la table un air de fête. Le liquide pétillant y bondissait avec une fougue plaisante à voir, qui faisait monter le diapason de la gaieté. Quand l’amphitryon versait le champagne, on suivait avec émotion l’impétuosité de la mousse, en se demandant si elle allait s’échapper de la gangue de cristal, déborder et se répandre sur la nappe, ce qui arrivait souvent. Puis on prenait plaisir à regarder l’ascension continuelle des bulles qui venaient éclater à la surface en un joyeux murmure.

La forme de la flûte était aussi élégante que plaisante. Elle décorait bien la table et, pour tout dire, elle faisait fête.

1928
1. Un autre extrait de cet ouvrage figure en note 3 de la page 126.