LE FLAMBEAU
Pendant la guerre d Indo-Chine. L’adjudant Thiercelin, chef d’un commando, a été parachuté avec ses hommes sur les arrières des forces vietnamiennes. S’efforçant de rejoindre ensuite les lignes amies, il arrive en pays thaï au poste de Maong Chên tenu par l’adjudant Cayrol et une trentaine de partisans. Afin de permettre le repli d’un bataillon de parachutistes harcelé par une division ennemie, Thiercelin décide de prêter main-forte à Cayrol et de rester au poste, le reste de son commando partant avec le bataillon en retraite pour en renforcer l’arrière-garde. Il garde cependant avec lui son radio Petchikowsky, volontaire pour cette action de sacrifice, et Hoang Dinh Quinh, un médecin de l’armée vietnamienne, ancien interne des hôpitaux de Paris, qu’il a fait prisonnier peu de temps auparavant.
Petchikowsky s’approcha de son chef. Il tenait à la main une bouteille de champagne
- Cadeau de l’adjudant Cayrol. Il vide sa popote en l’honneur de la naissance d’une fille.
- Thiercelin prit la bouteille, la leva, en un toast muet et avala une longue gorgée. Le liquide, frais et pétillant, lui piqua le palais et humecta les yeux.
- Je bois à la fraternité des guerriers...
Il se tourna vers Quinh
- A vous, docteur, quel sera votre souhait ?
Le Viet hésita avant de prendre la bouteille. Il la conserva à bout de bras
et murmura : « La boisson de toutes les grandes occasions. La dernière fois, c’était il y a bien longtemps. A Hanoï, le 19 août 1945. Nous venions de prendre le pouvoir... ». Puis il but, au goulot, et s’essuya les lèvres.
- Je porte un toast à la fraternité des peuples, dit-il gravement.
1983