LA FEMME D’ARNAUD VIENT DE MOURIR
A Saigon, du temps de la présence française. Coralie a prévenu le narrateur qu’elle serait chez lui vers dix heures du soir.
La journée s’écoula, trop lente à mon gré, etje parvins sans peine, jusqu’à l’heure du dîner, à me maintenir dans ces excellentes dispositions. Les boys achevèrent de desservir. [...] Puis j’ouvris la petite porte de l’office pour m’assurer qu’il y avait bien, dans le réfrigérateur, deux bouteilles de champagne - du Perrier-Jouët, Coralie le préférait à tous les autres.
Je regardait ma montre ; il était près de dix heures et quart, elle n’était pas venue ; elle ne viendrait pas.
Je me levai, ouvris la porte de l’office et celle du frigidaire et me saisis d’une bouteille de champagne. J’allais boire, seul, et chercher ainsi à trouver le sommeil. Je me faisais pitié !
- Tu m’avais entendue ?
Elle venait d’entrer. Je posai la bouteille sur une petite table et, sottement, répondis
- Non, absolument pas. - Alors, la bouteille, c’était pour qui ?
[...]
Elle [...] prit la bouteille [...], passa dans l’office et revint un moment plus tard : la bouteille cravatée de blanc se tenait penchée dans un seau à glace.
- Tu n’as pas la manière, dit-elle. Mais c’est bien [...] d’avoir pensé à choisir ma marque. [...] Eteins !
On ne voyait plus guère que la tache blanche de la serviette qui cravatait la bouteille. J’ai pressé Coralie contre moi. [...] Dans la nuit, je l’ai portée dans ma chambre.
1958