UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Geneviève Dormann

Littérature générale (1971)

JE T’APPORTERAI DES ORANGES

Dès cinq heures, tout fut prêt. [...] L’air était doux et des hirondelles rasaient les seaux à glace. [...]

- J’ai soif, dit José. [...] Je voudrais du champagne...

- L’alcoolisme, déjà... murmura la Fantin.

- Comment ? dit José sidérée.

- Rien, dit Fantin. Est-ce que cela ne vous plairait pas de vous recycler ? [...]

José avait bu deux coupes de champagne et, soudain, la vie lui parut très farce.

- Je suis très bien comme ça, dit-elle. Qu’est-ce que je pourrais faire à votre avis ?

- Prendre conscience de votre potentiel, dit l’autre, en rapant une gauloise sur un ongle ras. Assumer votre avenir. Apprendre la sténo, pour commencer...

Le champagne faisait un bon effet. José attrapa une troisième coupe.

- Vous savez ce que j’aimerais faire, dit-elle, mais vraiment. [...] Etre une "intouchable", dit José. Je voudrais laver par terre toute ma vie, en attendant d’être réincarnée en poisson volant. [...]

Elle recula dans un fou rire. Le champagne était épatant ; voilà que le visage sidéré de Rosie Fantin se fondait dans une brume.

José posa son verre vide sur une table et respira longuement. Je suis complètement ivre, se dit-elle, il ne faut pas que cela se voie. Voyons si je marche droit.

Elle se dirigea à l’écart d’une allée et commença à poser un pied l’un devant l’autre sur une ligne imaginaire, les bras écartés comme une funambule.

- A quoi joues-tu’ ?

Marc Santonel la regardait avec curiosité, les mains dans les poches.

- Je suis toute seule, répondit José stupidement. Et j’ai bu du champagne.

- Cela ne te va pas mal, dit Santonel. Tu es la plus jolie personne de cet endroit.

1971