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Katherine Mansfield

Littérature générale (1920)

LA JOURNÉE DE MONSIEUR REGINALD PEACOCK

Reginald somnolait. La sonnerie du téléphone l’éveilla.

« Ici Aenone Fell. Monsieur Peacock, je viens d’apprendre que vous chantez ce soir chez Lord Timbuck. Voulez-vous dîner avec moi, et nous irons ensuite ensemble ? ». Les paroles de la réponse tombèrent comme des fleurs le long du téléphone : « Chère Lady, je ne serai que trop charmé ! »

Quelle soirée triomphale ! Le petit dîner en tête-à-tête avec Aenone Fell, puis dans son auto blanche, le parcours jusque chez Lord Timbuck, tandis qu’elle le remerciait encore de cette joie inoubliable ! Triomphe sur triomphe ! Et le champagne de Lord Timbuck avait coulé à flots.

« Un peu plus de champagne, Peacock », avait dit Lord Timbuck. Vous remarquez bien, Peacock... - non pas « Mr Peacock », mais Peacock, comme s’il était l’un des leurs. [...]

« Rien qu’en levant le doigt, j’aurais qui je veux », songeait Peacock qui titubait positivement en rentrant chez lui. [...]

Sa femme, ramassée sur son côté du lit, dormait. [...] Et elle était là couchée, une ennemie même dans son sommeil... Cela sera-t-il toujours ainsi ? se demanda-t-il, encore sous l’effet du champagne. [...]

Dans son émotion il retira sa bottine et la lança dans un coin. Le bruit réveilla sa femme en un terrible sursaut. Elle se redressa, repoussant ses cheveux. [...] Pour quelque raison diabolique, les seuls mots qu’il put sortir furent : « Chère Lady, je serais si charmé - si charmé ! »

1920 Félicité
Traduit de l’anglais.