LA TRAVERSÉE DE FLORA VALENCOURT
Pendant la guerre d’Algérie, à bord du Ville d’Oran. Il est minuit.
La jeune Mme Vermorel vient d’accoucher d’un garçon à l’infirmerie du bord. [...]
Pascal Vermorel, émergeant des profondeurs lumineuses où son amour et sa fierté de père étincellent, prend alors le bébé, le couche auprès de sa femme, puis s’empare soudain, et avec exhubérance, du médecin comme d’un ami retrouvé après des années de séparation, lui affirme qu’il ne regagnera pas sa cabine avant qu’il n’ait vidé une bouteille de champagne, et l’entraîne vers le bar. [...] Autour du petit visage plissé, elle inscrit tout son avenir, lumineuse couronne, tressée de mille joies, et dont l’éclat, un instant, lui fait fermer les yeux. [...] Mais soudain elle s’aperçoit que sur le fond de la glace, il n’y a pas de décor. On lui a volé le décor de sa vie. Le rêve resserre son étreinte, et elle le serre, elle, un peu plus fort, son enfant. Où vivra-t-il demain, ce petit Simon, dans cette Algérie en sang ? Mais la porte s’ouvre
- Monsieur vous envoie du champagne, il a dit comme ça que ça vous fera du bien ! C’est Mourad. Le miroir disparaît. [...) Et Josy boit une gorgée
de ce champagne pendant que Mourad dit : « Béni soit ton fils ». Mourad pense-t-il vraiment ce qu’il dit... Il faut le croire... Tout va rentrer dans l’ordre, elle le sait, elle le sent. Tout va redevenir comme autrefois, le sourire
de Mourad en est la preuve, et ce petit Simon, né en mer, à bord du Ville d’Oran, ne connaîtra que la belle Algérie d’autrefois.
1961