UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Max Olivier-Lacamp

Littérature générale (1974)

LE KIEF

A New Dehli, Albert, opiomane invétéré, reçoit chez lui à déjeuner Connie, une jeune Anglo-Indienne qui lui a fait des avances.

Elle essayait de m’enchatter, dès la salade. Au poulet, elle ne toucha que très peu, comme au champagne dont je bus, malgré l’opium dont j’étais plein pour tenir le coup, la presque bouteille. C’était du bon. Du Bollinger. Au dessert (neufs à la neige avec du gâteau de Savoie au chocolat), elle dit

u On fait la sieste ?... J’ai vu que vous aviez un lit pour famille nombreuse. » [...] « Soit, ai-je dit, la sieste... » et je lui ai diplomatiquement soupesé les deux seins dans mes mains en coupe, plaquant mon bas-ventre contre ses fesses, qu’elle avait tentantes, [...] surpris d’un désir, lequel, pour une fois, était un vrai désir. Un inconvénient de l’opium, vu sous l’angle érotique vulgaire, c’est qu’il n’empêche pas l’érection, au contraire, mais la rend extérieure au désir... D’où la chasteté des fumeries véritables. [...] Le vrai fumeur, donc, auprès de la plus jolie fille du monde, contemplera son érection sans grande envie de l’utiliser... [...] Pourquoi avais-je l’impression, pour la première fois depuis des mois, de ressentir un vrai désir, un désir neuf ? Etait-ce la fille ? Non pas, et je m’analysais comme je m’analyse des années, des années après, rien qu’en me souvenant.

J’étais simplement, grâce au champagne qui détruit en partie, comme les autres vins et alcools, mais plus intelligemment, les effets de la drogue, de toute drogue, aux confins de l’effet et du non-effet, peut-être la meilleure période de la vie tourmentée du drogué. [...]

Connie avait la chance de me trouver dans cet état rare (seul ou avec mes amis, sans avoir bu de champagne, je n’aurais ni largué les voiles ni cessé de bourrer la chaudière). Je la culbutai sur le bas-flanc.

1974