UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Paul Vialar

Littérature générale (1957)

LE PETIT GARÇON DE L’ASCENSEUR

Charly, le jeune liftier d’un palace, a gagné sous un nom d’emprunt un concours dont le prix est un séjour dans la "suite princière" de 1 hôtel. Il s’y installe et y invite à souper Pierrette, la jeune fleuriste de l’établis

sement.

- Antonio, dit Charly au maître d’hôtel, [...] je veux, pour ce soir, un souper extraordinaire.

- Voici le menu. [...] Vins ?

Le meilleur champagne, d’un bout à l’autre. Est-ce que cela se fait ?

-  Uniquement chez les gens raffinés, distingués...

-  (’.’est bon, qu’il en soit ainsi, dit royalement Charly.

Le souper commence. Ils débutent par.. la pêche Melba et ils onde coeur un peu barbouillé.

- On ne peut pas manger le caviar et le reste tout de suite. Je vais déboucher le champagne et, tout en dégustant un peu, on va jouer, si vous le voulez bien ?

Charly fit sauter la capsule d’or de la bouteille qui refroidissait dans un seau, mollement inclinée. II allait s’attaquer, assez maladroitement il faut le dire, au bouchon, quand Pierrette (arrêta.

- Non !... non !... pas comme ça ! Je sais comment on fait, je l’ai vu aux noces d’or de grand-père. On essuie la bouteille après l’avoir sortie de la glace. On la met entre les genoux. Pour le bouchon on (amène tout doucement vers le haut en évitant de le casser.

Charly obéissait religieusement

- Attention ! cria Pierrette.

C’était trop tard. Il y eut une détonation et une mousse étonnante se mit à bouillonner, à s’échapper, sans retenue, du goulot que le garçon tenait trop droit. Pierrette se précipita, prit un verre, le tendit, recueillit ce qui coulait encore puis, trempant son doigt dans la mousse, elle se le passa derrière (oreille droite

- Fais comme moi, dit-elle, ça conjure le sort.

- Oh ! oui, dit-il éperdu.

Il (imita donc, du mieux qu’il put, admirant qu’elle sût tant de choses. Puis soudain il s’aperçut qu’elle (avait tutoyé.

- Tu m’as dit « tu » ? fit-il.

- Eh ! bien oui, dit Pierrette en s’étouffant avidement avec le liquide pétillant : on se connaît assez maintenant. Bon, dit-elle, fais comme moi.

Il trempa ses lèvres à son tour dans la coupe qu’elle lui tendait et à laquelle il n’aurait jamais osé toucher sans son ordre, car elle y avait déjà bu, s’étrangla aussitôt, si bien qu’il fallut à Pierrette, qui riait à perdre haleine, lui frapper dans le dos à grands coups.

- Fameux ! fit-elle, buvant à nouveau tandis qu’il se calmait, retrouvant son souffle. [...]

Il se leva, s’approcha d’elle. Il prit la bouteille de champagne et se mit à

lui en verser très doucement dans le verre qui se trouvait devant son assiette, penché sur elle, tout chaviré d’être si près d’un être humain, d’une femme...

1957