UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Champagne au fond des mers

Si des générations entières eurent pour lecture les "Vingt mille lieues sous les mers" de Jules Verne, ce n’est pas en vain... Le fond des mers regorge de trésors, et si ce n’est une réalité, du moins notre imaginaire en est-il totalement convaincu !
Imaginaire ? Imaginaire... pas si vite ! De récentes découvertes de cargai­sons de vins de Champagne, attendant calmement leurs dégustateurs depuis le fond sous-marin, nous laissent supposer que les mers et océans n’ont pas encore tout dit de leurs possessions secrètes.

Guidés par le capitaine Nemo et ses compagnons à trois cents pieds sous l’eau, dans la "forêt" sous-marine de l’île Crespo, rendons visite à trois maisons de Champagne qui viennent de vivre des heures dignes d’un roman de Jules Verne.
Du Heidsieck et C° monopole pour l’Armée impériale russe !

"Le capitaine Nemo continua de s’enfoncer dans les obscures profondeurs de la forêt dont les arbrisseaux se raréfiaient de plus en plus. J’observais que la vie végétale disparaissait plus vite que la vie animale".

Cette obscurité aura vite fait de devenir l’habitat ordinaire de quelques bouteilles de vin de Champagne de la maison Heidsieck et C° Monopole. En effet, en novembre 1916, alors que le Jönkö-ping se dirigeait vers la Finlande, en pleine Mer Baltique, une torpille allemande (au milieu de la 1èreguer-re mondiale...), vient contrarier ses projets, et envoie par le fond le cognac, le bourgogne,... et le Champagne ! La table du Tsar Nicolas II et de son Etat-major seront privées de quelque 5.000 bouteilles de Champagne, mais après tout, il leur en arrive 250 000 par an pour contenter leur désir de bulles et de magie...

En 1997, au cours de l’été, une équipe de plongeurs suédois localise l’épave, espérant bien mettre la main sur ce trésor malencontreusement échoué. Songez donc : comme le capitaine Nemo, ces bouteilles auront bénéficié de l’obscurité, d’une température constante et du calme des fonds marins. Ces conditions idéales pour la conservation des vins, comme celles de nos caves et nos crayères sont sur ce point identiques.

Une effervescence intacte !

Autre point de concours avec l’expédition du héros de Jules Verne : la quasi absence de vie végétale. Et cet élément fut bien entendu capital. Car le plancton est vorace, et il n’eut fait qu’une bouchée des précieux bouchons ! Heureusement, la température de la Mer Baltique s’en préoccupa, et les bouteilles sortirent intactes de leur séjour sous-marin. Il est vraisemblable qu’une durée comparable dans une cave leur eut bien moins formidablement profité.
En juillet 1998, les premières bouteilles sont repêchées... et à la plus agréable surprise des experts envoyés sur place, le Champagne est "abondant en bulles et étonnamment jeune". L’effervescence est intacte 90 années plus tard ! Ceci fut sans doute la plus heureuse nouvelle pour la maison Heidsieck et C° Monopole : le millésime 1907 se conserva parfaitement, non seulement par des conditions adaptées, mais surtout par cette qualité de soins que lui avaient prodigués des hommes du terroir, 90 années plus tôt... N’est-il pas émovant, pour l’ensemble du monde champenois, de voir ainsi bonifié le travail de leurs prédé­cesseurs, le soin et la qualité de tra­vail de leurs ancêtres ?

Comme sur le Titanic !

Une question se pose à nous aujourd’hui : n’y a-t-il donc pas de limite à la maturation d’une grande année ? Les vendanges 1907 furent marquées par de très mauvaises conditions climatiques, et un rendement très faible de 3.250 kg/ha. Mais la maison Heidsieck et C° Monopole fit de son mieux, et la preuve nous en est donnée ! Cet événement parle au monde entier de l’histoire d’hommes amoureux d’une région, d’un art et d’un vin qui conserve tout son secret dans ses bulles.
Le point d’orgue de la découverte de ce trésor fut la vente aux enchères du précieux breuvage. Le succès du film "Titanic" (le Jules Verne d’aujourd’hui, en quelque sorte...) n’y fut pas étranger : il semblerait que le "goût américain" millésimé 1907 Heidsieck et C Monopole comptait parmi les vins de Champagne des grands transatlantiques de l’époque. Tant et si bien que les prix vibrèrent lors de la vente d’octobre à Londres : l’on adjugea à 20.000 F la bouteille ! Fallait-il y voir un clin d’oeil aux 20.000 lieues sous les mers... ?

Le "Pégase" découvre Mercier

A ce moment, je vis l’arme du capitaine, vivement épaulée, suivre entre les buissons un objet mobile. Le coup partit, j’entendis un faible sifflement, et un animal retomba foudroyé à quelques pas.

Cet animal, qui menaçait l’équi­pée sous-marine du capitaine Nemo, c’est une enhydre, une grande loutre marine... et s’il est bien un personnage en Champagne qui participait pleinement de ce goût d’audace et d’aventure, c’est Eugène Mercier ! Lui qui voguait en ballon ne saurait désavouer Philéas Fog, et si vous lui aviez narré les découvertes du Pégase, Eugène eut sans doute frémi de plaisir. Quoi donc ! Du Champagne Mercier au fond des mers ???

Pégase est le doux nom d’un chasseur de mines de la Marine Nationale, qui eut la bonne idée, au gré des flots, de repérer précisément l’épave d’un navire alle­mand, coulé lors de la 2ème guerre mondiale. Oh ! une pauvre épave, reposant à trente mètres de fond, au large de Saint-Valéry-en Caux, en Normandie, recelant une somme poétiquement riche d’objets les plus divers : un gant en caoutchouc, une robinetterie de bouteille d’oxygène, un gilet de sauvetage,... et,... il semblerait que... mais,oui... à la 300ème plongée, on découvrit un lot de six bouteilles de Champagne ! Un bouchon sauta, hop ! dans les mains de l’heureux plongeur, et on put y lire cette inscription non-cryptée : "Mercier 1937".
Eugène Mercier aura tant marqué sa maison de l’esprit d’aventure, que son histoire toute entière en sera désormais jalonnée.

Une subtile note de moka

Entre aventuriers, on correspond. Les plongeurs décidèrent dès lors d’envoyer deux des six bouteilles à leur foyer : la maison Mercier à Epernay. La dégustation ne se fit pas attendre : imaginez-vous donc, un vin sortant d’un songe de plus de cinquante années, telle une Belle au bois dormant, comment ne pas l’embrasser, pour y goûter de fins délices ? Et nos deux bouteilles ne déçurent pas les goûteurs chanceux... Si l’une des deux bouteilles ne se révéla pas heureuse, l’autre, en revanche, dans sa robe de coquillages incrustés par les ondes successives, laissa couler un nectar d’un jaune or très soutenu. Un fin cordon de mousse et de bulles fines anima les verres, invitant à la danse un vin un peu troublé par le poids des années. Et puis, les nez se laissaient gagner par une subtile note de moka, avec une teinte d’amandes grillées...

L’impression sucrée en bouche se terminait d’un sentiment acidulé, d’essence d’agrumes.
Se rendait-on compte qu’il s’agissait d’un vin de 1937 ? Sa jeunesse, ses bulles et son nez de café eussent trompé plus d’un connaisseur... La maison envoya six magnums aux plongeurs, en guise de remerciement, non tant pour le travail accompli, que pour l’émotion très grande de ce moment de dégustation. Il n’est, somme toute, rien de plus juste que d’éprouver un fin mélange d’émotions et de fierté à appartenir à une maison dont le savoir-faire, une soixantaine d’années plus tôt, répondait à de très hautes exigences de qualité. Et lorsqu’on hérite d’une telle excellence, il s’agit de ne pas décevoir !

Champagne et grande aventure

Puisque l’esprit était aux recherches, Alain Parenthoën, le chef de cave de la maison Mercier, décida, en bon chercheur, de com­parer la découverte à une autre partie du trésor Mercier... Une bouteille de 1937 fut extraite de l’oenothèque historique, où la Maison conserve avec soin quelques échantillons de ses plus beaux millésimes, et ce, pour y côtoyer du 1923 ou du 1934, entre autres exemples fabuleux...

Laurence Mercier, descendante d’Eugène fut bien sûr invitée. "Je suis émue, le moment est empreint de magie, de mystère également". susurraient les battements de son cœur... La bouteille n’était pas habillée de mollusques, comme sa consœur, mais son contenue s’en rapprocha très près : une note de chocolat-café, une impression acidulée d’agrumes... Stupéfiant ! Le fruité intense qui gagnait les palais contribua à serrer les poitrines émues. Il s’agissait d’un très grand vin, et Alain Parenthoën, le chef de cave de la maison, ne se lassa pas de donner libre cours à son étonnement : "Comment donc, avec les moyens et les connaissances dont on disposait alors, pouvait-on atteindre une telle qualité... ?"

La qualité n’attend pas les années, dit l’adage, cette découverte ne le contredira pas. Et si une conservation aussi spectaculaire a pu se faire, c’est bien que la qualité de la cuvée Mercier 1937 devait être exceptionnelle. Ce ne sont que les bijoux de grande beauté qui gagnent une patine profonde à la langueur du temps qui passe...

Le Champagne Binet du Volturnus
"A dix mètres de profondeur, nous marchions au milieu d’un essaim de petits poissons de toute espèce, plus nombreux que les oiseaux dans l’air, plus agiles aussi...".

Le capitaine Némo évoluait dans un véritable aquarium vivant, parmi les couleurs chaudes et multiples, au milieu de la vie la plus foisonnante... Et c’est précisément dans un tel aquarium que la maison Binet nous propose de contempler aujourd’hui le trésor d’une incroyable épopée : deux bouteilles de Champagne, témoins d’un lot de neuf, datant de 1919, qui furent extraites des fonds marins danois...

Suivons le steamer anglais "Le Volturnus", en ce 11 novembre 1919. Parti de Londres le 27 octobre, il a pour mission d’approvisionner la marine anglaise au Danemark, quand, à quatre heures du matin, il heurte une mine du dernier conflit mondial, au large de Skagen, le petit Saint-Tropez danois à l’extrême nord du pays. Le bateau coule par trente mètres de fond mais heureusement, tout l’équipage est sauvé, sa marchandise (victuailles, bien sûr, mais aussi... du Champagne Binet !) ayant connu moins de chance.

Une plongée au Danemark

A quelques années et bien des événements de distance, fin juin 1997, cinq membres du club de plongée de Skagen partent s’enquérir du sort de l’épave du Volturnus. Elle a déjà livré, par le passé, couverts, verres, porcelaine, et même une paire de bottes, habitants réguliers des fonds marins de la fin du XXème siècle. Mais leur surprise ne fait qu’un bond à la découverte, ce jour-là, de neuf bouteilles de Champagne ! Il fallut déboucher pour y retrouver une mention écrite, les "petits poissons de toute espèce, plus nombreux que les oiseaux de l’air" ayant eut raison des étiquettes d’usage. Le bouchon leur apprit la nouvelle : "Binet Fils &Cie-1911".

Ce plongeon-là restera gravé dans leur mémoire... En effet, le presse locale relata amplement l’événement, le "Skagen Avis" en tête, bien­tôt relayé par une presse nationale, le "Morgenavisen Jyllandsposten", voire internationale... On salut l’exploit des sportifs, mais on parle également de cette exceptionnelle découverte : il fallait que les troupes anglaises fussent drôlement friandes de vins de Champagne, et non des moindres, de Champagne Binet, fondée en 1849 et grande exportatrice vers des destinations lointaines (notamment les Indes...), pour les faire acheminer jusqu’à leurs bases danoises.
Trésor et émotions

Ce précieux trésor, qui aura connu un séjour prolongé dans de belles eaux sombres et fraîches, conditions de conservation idéales pour les champagnes, aura permis au Champagne Binet, par les retombées d’une grande diffusion par voie de presse, de rappeler un passé de grand voyageur. Bien plus encore, il aura fait rêver toute une population d’un vin magique, d’un breuvage convoité et apprécié qu’on se faisait acheminer par voie de mer, quand bien même les conditions fussent délicates et risquées... Car les vins de Champagne ne sont pas des vins fragiles, corsetés dans leur solide bouteille et emmaillotés de leur muselet résistant. Et si l’on déployait jadis de tels efforts, c’est que le jeu en valait la chandelle ! Qu’on se le dise ! Cette aventure finit par gagner la réputation du Champagne en général, de toute une appellation, dont les événements ne rappelleront jamais assez les trésors ingéniés par l’homme pour goûter à quelques instants de la plus enivrante joie !
Michel Hanser-Schaffhauser

Un trésor de Champagne sous la mer

2004 : "la Seine", vingt mille bouteilles de champagne à vingt mille lieux sous la mer...
-  En 2004 : (centenaire de l’entente cordiale franco-britannique), les plongeurs du club de Folkestone découvrent 20000 bouteilles dans l’épave engloutie au fond de la Manche. Une experte suisse de la dégustation, Susie Barrie considère ce vin "Adorable, avec une robe d’ambre et le goût très prisé qui caractérise les vieux champagne".
-  En 1955 : le bateau "La Seine" se dirigeait vers l’Angleterre quand il fut heurté par un cargo soviétique. C’est le bâtiment français qui coula, et avec lui, le vin éclatant des fêtes éblouies. Certes le champagne, comme tous les grands crus, se bonifie en vieillissant. Oui, mais après cinquante ans d’immersion dans l’eau salée ?