UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Plaisir des Sens

Qui mieux qu’un Champagne peut livrer son âme à celui qui prend le temps de lui être attentif ; cette âme qui danse dans la bouteille, disait Baudelaire. Tour à tour corps et esprit, puissance et grâce, c’est un vin de joie ou de mélancolie, d’exubérance ou d’intimité, de célébrations en assemblée ou de rendez-vous amoureux, c’est un vin qui se goûte avec la tête et qui se boit avec le cœur, un vin qui se raconte avec des mots tendres.

LE CHAMPAGNE CHUCHOTTE À L’OREILLE

Le champagne, murmure
dans votre flute comme une vague qui s’allonge sur la plage

Les Champagnes sont les seuls vins qui peuvent faire appel au sens de l’ouïe, ils font participer tous les sens du dégustateur avant de solliciter son esprit. Après le "pop" du bouchon qui saute, le dégagement de gaz carbonique s’écoute en mettant le verre près de l’oreille, en écoutant le murmure des bulles, un léger crépitement, parfois volubile, parfois discret, une première approche de la personnalité du Champagne, avec des mots qui s’offrent au commentaire : retenu, timide, volubile, disert, bavard, la petite musique du Champagne annonce son entrée en scène.

REGARDER, TOUT UN PROGRAMME

Un champagne s’apprécie, tout comme un vin tranquille, d’après son intensité colorante, sa teinte, ses reflets, sa brillance et transparence.

L’intensité se notera d’incolore à intense, en passant par pâle, légère, claire, élevée, soutenue, profonde. La teinte est une notation de couleur, elle s’exprime plutôt par analogie avec des couleurs connues. On distinguera la teinte du corps du vin de et celle de son reflet que l’on observe sur la frange au bord du verre, sur le bord du disque.

Cette teinte peut aller de jaune pâle à vieil or pour un champagne blanc, en passant par jaune vert, citron, paille, doré, bouton d’or, miel. Pour un champagne rosé, la gamme est étendue, elle va de pivoine à orangé en passant par framboise, fraise, vieux rose, gris, saumon, vermillon. La brillance du vin est une notation sur son éclat, la faculté du vin à renvoyer la lumière : le vin sera qualifié de net, lumineux, ballant, éclatant, chatoyant, étincelant. La transparence par contre apprécie la transmission de la lumière par le vin. On le qualifiera alors de transparent, limpide ou cristallin.

La robe d’un champagne Blanc de blancs présente en général une robe paille claire, le champagne où entrent des raisins noirs peut offrir une robe plus soutenue, avec des nuances qui peuvent tirer sur le doré.

S’ajoutent pour le champagne des notations qui concernent la mousse et les bulles. Le dégagement gazeux dépend de plusieurs facteurs. Tout d’abord, la pression du gaz dans le vin, qui dépend de son élaboration mais aussi de la température de service. Plus un vin est froid, plus il peut dissoudre de gaz carbonique, moins il dégagera de pression au-dessus du liquide. De sa constitution ensuite : sa richesse en agents moussants, des protéines par exemple, va favoriser l’abondance et la stabilité de la mousse. L’observation de la mousse serait déjà compliquée si le verre lui-même n’influait sur la qualité du dégagement gazeux. Sa forme (tulipée ou évasée), l’état de surface du verre (lisse ou rayé), sa propreté risquent de perturber toute observation sérieuse. On peut s’en convaincre aisément en regardant plusieurs verres, sur la même table, remplis avec le même vin. Aucun n’indique le même dégagement gazeux.

On parlera toutefois de mousse peu, assez, trop abondante, fugace ou persistante, en fonction de sa bonne tenue dans le temps. Lorsque cette mousse primaire a disparu, il reste un mince "cordon" de bulles autour du vin, au contact du verre. On notera l’importance de ce cordon, la surface qu’il occupe, sa persistance. On notera ensuite les bulles qui s’échappent du sein du liquide et tout d’abord leur nombre et leur taille. La taille des bulles est un des éléments principaux qui permettent de hiérarchiser "de visu" la qualité des champagnes. On pourra ensuite noter les "sites" d’apparition des bulles dans la masse du vin, leur position et leur capacité de renaissance.

LES ARÔMES DU CHAMPAGNE

Les arômes du champagne sont propulsés hors du verre par le gaz carbonique qui peut parfois prendre le dessus. Il faut donc éloigner son verre et laisser monter les flaveurs lentement. On se contentera d’ailleurs du premier coup de nez, l’agitation du verre ne faisant qu’exacerber le dégagement de CO².

La première impression est une notation de force, puis d’harmonie. La puissance aromatique se note de faible à intense, en passant par fade, fermé, discret, aromatique, expressif, bouqueté, développé. L’harmonie va de commun à complexe, en passant par simple, fin, subtil, élégant, raffiné, racé. Les arômes des champagnes peuvent se classer arômes en primaires, fermentaires ou tertiaires d’une manière encore plus nette que pour les autres vins. Les cépages qui entrent dans l’élaboration vont imposer les arômes variétaux. Le chardonnay amènera ses arômes de tilleul, fruits blancs, agrumes. Le pinot noir fera chanter son caractère cerise, violette ou pivoine. Le pinot meunier apporte ses arômes de fraise, parfois exubérants.

Les vins issus de méthode traditionnelle sont marqués par l’autolyse des levures lors de la deuxième fermentation qui vient enrichir la gamme avec toute une palette qui va de levure à pain grillé, en passant par mie de pain, brioche, cake ou beurre frais. La finesse de cette composante indique une prise de mousse lente et de qualité. Enfin, le vieillissement du vin va orienter les arômes vers des notes de miel, de cire, fruits à noyau, pêche jaune ou mirabelle, avec des accents épicés, voire boisés dans les rares cas où le vin est encore élaboré en fûts.
En fonction des assemblages, des âges et des origines, la gamme des arômes est très vaste, chaque champagne possède sa propre palette, avec des senteurs qui appartiennent aux séries minérales, florales, fruitées, épicées, empyreumatiques, végétales, la gamme en est presque infinie. Au dégustateur de débusquer chaque arôme caché, chaque composante tapie au fond du verre, pour le plus grand plaisir de cette chasse aux odeurs.

Un champagne Blanc de blancs offre des senteurs de fleurs blanches d’acacia, de menthe, d’iris, de fruits à chair blanche, agrumes, pamplemousse verveine, tilleul, feuille de thé, iris, herbe fraîche. Plus âgé, il prendra des notes de fruits secs, noisette, amande, pomme mûre, miel ou cire.
Une bouteille riche en pinot va proposer des fruits rouges, de la noisette, de la violette, de la réglisse, mais aussi de la pivoine, des épices, des notes de fruits jaunes à noyau, l’abricot par exemple. Celle qui a vu le bois ajoute vanille, cannelle notes de chêne. Plus âgé, il prendra des notes de café, cacao, pruneau, parfois de cuir.

Blancs de blancs ou blancs de noirs seront tous deux marqués par la brioche, le beurre frais, la pâte à biscuit, le cake ou le pain grillé.
Un assemblage entre raisins noirs et blancs pourra proposer une palette complexe qui reprend la gamme de tous les arômes des uns et des autres, avec une synergie qui peut faire apparaître des épices inconnues ou des fruits surnaturels, de la truffe, du tabac blond...
Le Champagne rosé dévoilera encore plus de fruits rouges et d’épices, il se complexe avec l’âge en prenant des notes de poivre, de pain d’épices, de pruneau.

LE GOÛT DES BULLES

La dégustation : Arômes et goût

Les bulles ont-elles un goût ? Autant discuter sur le sexe des anges ! Mais le champagne, lui, se goûte d’une manière particulière. On évitera par exemple de faire tourner le vin dans la bouche pour ne pas l’agresser avec trop de gaz carbonique qui viendrait anesthésier toute réponse des papilles. La première impression est d’ailleurs celle-là : l’abondance et la finesse du gaz en bouche. On pourra le qualifier d’envahissant ou de discret, de fin ou de grossier, d’agressif ou de crémeux, avec tous les intermédiaires.

La bouche se juge ensuite comme pour un autre vin, sur son équilibre. Équilibre entre les axes acides, moelleux et tanniques (il y a des tanins dans un vin blanc issu de raisins noirs ou dans un vin rosé). L’acidité doit être rafraîchissante mais point trop coupante. Le vin sera qualifié de mou à vert, en passant par souple, rais, vif ou nerveux. On jugera ensuite de son corps et de sa vinosité. Un vin issu de Blanc de blancs aura une structure légère, aérienne, toute en dentelle. Si des raisins noirs entrent dans sa composition, il prendra du corps, du charnu, de la charpente et de la richesse. L’axe des sensations moelleuses est le plus délicat à noter car il dépend du type de champagne. En effet le vinificateur rajoute une solution sucrée avant la fermeture définitive de la bouteille, la "liqueur d’expédition". Suivant la quantité ajoutée nous aurons des "brut zéro" ou "brut de brut" (pas de liqueur), des bruts, des demi-secs ou des doux. Il faut une grande expérience pour juger si un type donné est correctement "dosé". Pour les bruts, le cas le plus courant, la quantité de sucre doit participer à l’équilibre, en particulier elle doit balancer une acidité qui, sans elle, serait par trop agressive, mais elle ne doit pas se deviner en tant que telle. On parlera alors de vin bien dosé, équilibré, harmonieux, ou trop dosé, douciné, pommadé.

Les arômes de bouche seront notés sur leur intensité, leur finesse et leur nature, avant de se pencher sur leur persistance en bouche, cette notion d’évanescence qui habite la bouche alors que le vin est déjà avalé (on ne crache que très rarement un champagne !). Cette longueur aromatique sera qualifiée de courte à queue de paon, en passant par fugace, développée, rémanente, longue, épanouie. L’âge du vin, enfin, pourra posséder son propre vocabulaire. Le vin sera qualifié de jeune à fini, en passant par nouveau, doit attendre, fait, à point, en pleine forme, à son apogée, usé, desséché, madérisé.

Un champagne Blanc de blancs aura une structure légère, toute en finesse, avec un équilibre entre une acidité d’agrume et un moelleux léger, le style est toujours rafraîchissant, avec du nerf et de la fringance. Il prend en vieillissant une texture crémeuse et veloutée. Le champagne d’assemblage avec des pinots donne une sensation de plus grande densité, avec une structure sous-jacente, de la vinosité, du charnu, une charpente évidente. Il prend avec l’âge un équilibre entre force tannique, vinosité et fraîcheur où chaque ingrédient se fond dans le corps du vin. Le champagne rosé aura encore plus de corps, une matière charnue, des tanins apparents qui tiennent le vin bien encadré. Plus âgé ces tanins vont se fondre mais en gardant toujours de la structure.
Pierre CASAMAYOR