Extrait du livre : L’Exposition de Paris (1889) publiée avec la collaboration d’écrivains spéciaux. Edition enrichie de vues, de scènes, de reproductions d’objets d’art, de machines, de dessins et gravures par les meilleurs artistes.
logo | Maisons | Communes | logo | Maisons | Communes |
Aubert-Royer et Fils | Avize | Charles Heidsieck | Reims | ||
Ayala et Cie | Aÿ | Henriot et Cie, successeurs d’Auger-Godinot | Reims | ||
Barnett et Fils | Reims | Ernest Irroy | Reims | ||
Billecart-Salmon (Billecart Père et Fils, successeurs) | Mareuil | Koch Fils | Avize | ||
Vve Binet Fils et Cie | Reims | Krug et C° | Reims | ||
J. Bollinger | Aÿ | Lanson Père et Fils | Reims | ||
Bouché Fils et Cie | Mareuil | Lecureux et Cie | Avize | ||
J. Camuset (C. Brauenlich, successeurs) | Aÿ | Vve Ch. Loche, successeurs de Berton | Reims | ||
Ch. de Cazanove | Avize | G. Loche, successeurs de Dinet-Peuvrel | Avize | ||
Albert Chausson | Epernay | de Saint-Marceaux et Cie (Ch. Arnould et Heidelberger, successeurs | Reims | ||
Veuve Clicquot-Ponsardin (Werlé et Cie, successeurs) | Reims | Moët & Chandon (Chandon et Cie, successeurs) | Epernay | ||
Eugène Clicquot (Eugène Clicquot Fils et Cie, successeurs) | Reims | Alfred de Montebello et Cie | Mareuil | ||
Dagonet et Fils | Châlons | A. Morizet (E. Bourgeois, successeurs) | Reims | ||
Delbeck et Cie (Burchard-Delbeck, successeurs) | Reims | G.H. Mumm et C° | REims | ||
Xavier Desbordes et Fils | Avize | Julles Mumm et C° | Reims | ||
Deutz et Geldermann | Aÿ | Perrier-Jouët et Cie (Gallice et Cie, successeurs) | Epernay | ||
Duminy et Cie | Avize | Joseph Perrieret Cie (P. et R. Pithois, successeurs) | Châlons | ||
Ch. Farre | Reims | H. Piper et C° (Kunkelmann et Cie, successeurs) | Reims | ||
Freminet et Fils | Châlons | Vve Pommery et Fils, successeurs de Pommery et Greno | Reims | ||
Gustave Gibert | Reims | Louis Roederer | Reims | ||
Giesler et C° | Avize | Pol Roger et Cie | Epernay | ||
Gondele et Cie | Reims | Ruinart Père et Fils | Reims | ||
Georges Goulet | Reims | Wachter et Cie | Epernay | ||
Heidsieck et Cie (Vve Heidsieck et C°, successeurs | Reims |
A l’étage inférieur du Palais de l’Alimentation, dans l’aile la plus rapprochée du panorama de la Compagnie Transatlantique, se trouvait modestement dissimulée une exposition importante sur laquelle nous allons arrêter l’attention du lecteur.
Dans cet emplacement peu favorable accepté patriotiquement sur les instances du commissaire général, avait été reléguée l’Exposition du Syndicat du commerce des vins de Champagne ; de dispendieux efforts avaient transformé cette salle basse et l’escalier qui y menait en un vaste musée d’environ 350 mètres de surface où le public pouvait en courant trouver les renseignements les plus précis et les plus authentiques sur ce produit fameux, incontestablement très célèbre, mais encore fort peu connu, qu’on appelle le vin de Champagne.
pour des motifs divers, les négociants producteurs de la Champagne s’étaient généralement abstenus de prendre par au Expositions universelles, internationales ou autres. A de rares exceptions près, des individualités plus ou moins inconnues avaient seules essayé de profiter de ces grandes réunions pour mettre leur nom devant le public et ces précédents étaient bien faits pour confirmer les maisons de premier ordre dans leur primitive manière d’agir.
En 1882 cependant, pour lutter, hélas ! peu efficacement contre la situation que faisaient à cette branche d’industrie les tarifs quasi prohibitifs établis de toute part, toutes les maisons importantes de la Champagne avaient formé un Syndicat professionnel sous le titre qu’on a vu plu haut, et dès lors, tout ce qui pouvait aider au développement général et à la défense des intérêts champenois avait toujours été l’objectif des efforts de ce syndicat.
Il est évident à première vue qu’une exposition collective et hors concours devenait alors tout indiqué et que les inconvénients redoutés pour les expositions individuelles disparaissaient complètement.
Frappée de cette idées, la Chambre syndicale du commerce des vins de Champagne n’a pas hésité à inviter les maisons qui font partie du Syndicat à participer dans ces conditions à l’Exposition Universelle et internationale provoquée par le gouvernement de la République.
Sur 53 maisons syndiquées, 47 représentant dans leur ensemble les cinq sixièmes de l’expédition champenoise ont répondu à son appel, acceptant de faire partie d’un collectivité constituée sous le patronage du Syndicat.
Investie du mandat d’organiser cette participation et de la mener à bonne fin, la Chambre Syndicale s’est mise à l’oeuvre en délégant spécialement deux de ses membres, le Comte de Werlé chef de la maison Werlé et Cie, successeurs de Veuve Clicquot-Ponsardin et M. Alexandre Henriot, chef de la maison Henriot et Cie, toutes deux de Reims, pour veiller à l’organisation et à l’exécution de l’installation matérielle à laquelle il y aurait lieu de procéder.
Lourde était la tâche entreprise. Remarquable a été l’exécution, et son succès s’est confirmé pendant toute la durée de l’Exposition.
Le programme était avant tout un programme de vulgarisation. On ignore ce qu’est le vin de Champagne. Il fallait le faire connaître. Qu’était-il ? D’où venait-il ? C’est à ces multiples questions que voulaient répondre les négociants de la Champagne, et si l’on veut bien penser à la composition des visiteurs d’une Exposition, on conviendra que ce n’était pas chose facile que d’arrêter leur attention sur tous ces détails, dont beaucoup étaient très techniques et quelque peu abstraits. Grâce à la méthode employée, celle de l’enseignement par les yeux, autrement dit celle des leçons de choses, méthode aujourd’hui si justement en faveur, le public s’est laissé faire, et ceux qui ont passé par ce sous-sol luxueusement et artistiquement aménagé ont tous emporté des idées vraies et justes sur ce produit de notre sol. Le but était atteint.
Passons maintenant en revue les différents détails de cette installation complexe.
La Champagne, pays viticole, est une ancienne province de France, aujourd’hui circonscrite dans les limites du département de la Marne.
On nous en montre une carte au dix millième mesurant 5m de haut et 7m50 de large ; carte avec reliefs topographiques, minutieusement exécutée à Epernay, d’après le documents de l’Etat-Major et des cadastres locaux. Ce vignoble occupe une surface de près de 15 000 hectares, répartis en trois parties principales : La montagne de Reims où sont situés les grands crus deBouzy, D’Ambonnay, de Verzenay, de Verzy, de Sillery, de Mailly et Rilly pour ne citer que les principaux ; la côte d’Avize ou montagne blanche, ainsi nommée parce qu’elle produit un raisin blanc particulièrement fin et délicat et dont les crus les plus importants sont Cramant, Avize, Le Mesnil, Oger, Grauves, Cuis, etc. ; enfin la vallée de la Marne où l’on remarque les noms des crus célèbres d’Ay, Mareuil, Champillon, Hautvillers, Dizy, Pierry et Cumières.
Cette vaste étendue de vignes qui, sauf sur la côte d’Avize, est presque exlusivement plantée en raisins noirs ne produit pas moins de 455,000 hectolitres de vin, en moyenne, par an. Cette importante production n’est pas entièrement absorbée par le commerce des vins mousseux dont elle excéderait d’ailleurs les besoins, si considérables qu’ils soient.
L’excédent du rendement des vignes de la Champagne fourni principalement par les crus inférieurs est traité en vins rouges, propres à la boisson, qui sont absorbés par la consommation locale.
Arrondissement du département de la Marne | Etendue des vignobles en 1881 | Production moyenne rendement par hectare | Moyenne de la récolte |
Hectares | Hectolitres | Hectolitres | |
Châlons-sur-Marne | 555 83 | 23 " | 12.724 " |
Epernay | 5.855 63 | 30 80 | |
Reims | 6.785 16 | 30 80 | |
Sainte-Menehould | 128 97 | 20 " | |
Vitry-le-François | 1.602 71 | 26 " | |
14.928 30 |
Ces premières notions générales sont résumées dans le tableau récapitulatif ci-après, tableau dont les éléments ont été fournis par le Bureau de la statistique du département.
un peu plus loin, pour les visiteurs curieux des sources, le Syndicat montrait au public le tableau graphique qui avait donné ces chiffres et mettait e regard celui où était inscrit le mouvement de l’expédition.
Nous les donnons tous deux ici, bien qu’ils aient fait leur chemin dans le monde et aient été publiés par tous les journaux spéciaux. Le lecteur aura à s’y reporter plusieurs fois dans le courant de notre étude.
Au-dessous de cette carte monumentale, une ingénieuse reproduction au vingtième de grandeur naturelle nous faisait suivre la culture de la vigne en Champagne, mois par mois, pendant l’évolution annuelle. Nous ne mentionnerons en passant que les points par lesquels cette culture se distingue des similaires.
Les ceps sont plantés à 0m,60 d’écartement et donnent une pousse de deux ou trois brins s’élevant jusqu’à 0m,80 de hauteur ; c’est sur ces trois brins, et généralement près du sol, que poussent les cinq ou six grappes qui formeront le produit de chaque cep. Ces quelques brins sont maintenus verticaux par un échalas d’un mètre auquel ils sont liés. De nombreuses bêcheries entretiennent le sol parfaitement meuble et dégarni de mauvaises herbes ; d’aussi nombreux pincements des extrémités des branches conservent au fruit la sève qui a tendance à donner du bois ou de la feuille. La vendange se fait au commencement d(octobre ; pour la cueillette, les ceps sont détachés de l’échalas. A la fin de la récolte, les échalas sont rangé en tas au milieu de la vigne pour laisser place aux travaux d’hiver. Ceux-ci sont de trois sortes : la taille, le provignage et le fumage. La taille se fait en rabattant le cep à deux yeux de la taille antérieure soit environ 0m,25 et en recouchant ensuite en terre une partie de la souche, de façon qu’il n’émerge qu’un collet et le bois nouveau, le provignage est une opération de repeuplement pour les places vides ; il consiste à écarter peu à peu d’un cep une des branches en laissant une taille plus longue, de façon que, deux ou trois années plus tard, elle forme un nouveau cep.
Le fumage, qui consiste à mettre à la hotte au pied de chaque cep un mélange de fumier et de sable plus ou moins sulfureux, se fait à la même époque ; enfin le vigneron, lors des premières feuilles, après le second bêchage, repique à nouveau ses échalas et attend après ce travail la récolte future. Cette main-d’oeuvre est considérable, son prix de revient varie de 1,000 à 3,000 francs l’hectare suivant les districts, ce que l’on comprendra facilement si l’on veut bien penser que chaque hectare contient en moyenne 40,000 ceps.
C’est à ces particularités de culture combinées avec les espèces spéciales de cépages employés par les viticulteurs champenois et surtout avec la nature du sol qui les nourrit qu’est dû le cachet particulier de finesse, de fraîcheur et d’élégance qui distingue les vins mousseux de la Champagne, qualités qui ne sauraient se rencontrer dans les vins mousseux d’autres contrées.
Les reproductions miniatures ont mené le visiteur jusqu’à l’époque de la cueillette ou, si l’on veut nous permettre, jusqu’à la production de la matière première qui, après avoir subi sous nos yeux les multiples et délicates manutentions, sera propre à être livrée à la consommation sous le nom de vin de Champagne, avec la garantie des négociants dont les noms sont aujourd’hui célèbres dans le monde entier.
Dans un vendangeoir au dixième de grandeur naturelle, nous voyons arriver ces raisins que le vigneron livre au négociant à un prix fixé à tant de la caque ou des 60 kilogrammes. Ses ouvriers tonneliers en dirigent le pressurage par virée de 3 à 4,000 kilogrammes suivant la dimension du pressoir. Ils recueillent le produit des trois premières pressées, qui constituent ce qu’on appelle le vin de cuvée, celui que sera transformé en vins mousseux, l’enferment dans des fûts soigneusement rincés et le font transporter soit par chemin de fer, soit par voituriers, jusqu’aux celliers des négociants à Reims, Epernay, Ay ou Avize.
Au bout de quelques jours, le moût, liquide sucré obtenu au pressoir, se met à fermenter et se transforme en ce liquide alcoolique et acidulé qu’on appelle vin. Ce vin passe l’hiver dans les celliers du négociant et sous l’action du froid se clarifie et est définitivement séparé de la lie par deux ou trois soutirages successifs. Ces opérations se passent fréquemment aux vendangeoirs mêmes possédés dans le vignoble par les négociants, et ce n’est qu’à l’état de vin clair que le vin rentre à leurs établissements des grands centres d’expédition pour subir les manutentions ultérieures.
Ces manutentions, nous pouvions les suivre dans la reproduction miniature au dixième de grandeur naturelle, que le délégué du Syndicat avait fait exécuter sous ces yeux, d’une cave de négociant. L’établissement reproduit en coupe aurait 50 mètres de long sur deux étages de caves et un cellier ; le travail nécessaire à 100,000 bouteilles d’expédition s’y ferait facilement.
En quoi consistent ces opérations que beaucoup croient mystérieuses ? Le Syndicat nous le disait, et, de plus, afin que nous nous en souvenions, il nous laissait une brochure explicative embellie de nombreux dessins des meilleurs artistes. Nous les résumons ici en courant, persuadé que le lecteur y trouvera intérêt.
A l’approche du printemps, lorsque la clarification du vin est complète, le négociant procède à l’opération la plus délicate de sa profession, celle qui, sous le nom d’assemblage ou de formation de cuvée, constitue la pierre de touche de sa science et de sa marque. Pour la conduite à bonne fin, tout négociant doit, par la dégustation, se livrer à une étude comparative des crus divers où il a fait ses achats en vendange, reconnaître et apprécier leurs qualités particulières comme vinosité, finesse et bouquet, qualités qui d’une année à l’autre varient en plus ou moins ; éliminer avec soin les éléments qui présentent des défectuosités, et juger d’après ces études, en tenant compte des contrées auxquelles il destine ses diverses cuvées, quelles sont les combinaisons qui répondent le mieux au goût de sa clientèle. C’est qu’en effet il n’en est pas des crus de la Champagne comme de ceux qui Bordelais, de la Bourgogne ou d’autres contrées, qui demandent à être classés et mis à part sans aucun mélange entre eux ; comme nous l’avons dis plus haut, l’industrie du négociant en vins mousseux de Champagne consiste, au contraire, à savoir combiner et mélanger entre eux les produits de plusieurs crus, suivant les qualités et caractère particulier de chacun d’eux. Quand l’opération de ces assemblages est terminée et que, par une mélange fait avec soin dans de grands foudres, on a obtenu un tout homogène et harmonique, la cuvée est faite et prête à être mise en bouteilles.
En suivant ces différentes phases sous la glace qui recouvrait la coupe de l’établissement, nous avons pu assister à ce travail de mise en bouteilles qu’on appelle le tirage et qui se fait au début du printemps. Nous remarquons tout d’abord un atelier de femmes qui procède avec soin au rinçage des bouteilles. Celles-ci après avoir été égouttées sont ramenées à un atelier où une machine automatique surveillée par des enfants remplit les bouteilles qui de là sont transmises aux ouvriers boucheurs et agrafeurs, puis descendues dans des caves de deux étages de profondeur où, rangées horizontalement et mises entas, elles restent emmagasinées.
Au bout d’un certain temps, l’action des ferments naturels que renferme le vin fait naître une fermentation nouvelle qui correspond à l’époque de la montée de la sève dans la vigne ; par cette fermentation les sucres originaires ou ajoutés au moment du tirage sont transformés en alcool et en gaz acide carbonique lequel emprisonné dans la bouteille hermétiquement bouchée, reste en dissolution dans le vin et en forme la mousse.
Plus tard, afin d’être débarrassées de la lie ou dépôt qui résulte de la fermentation, les bouteilles sont mises sur pointe. Cette opération, particulière à la manutention des vins mousseux, mérite une mention particulière. On procède de la façon suivante : Les bouteilles sont placées la tête en bas sur des tables pupitres percées de trous et inclinées à 60 degrés. Chaque jour, pendant six semaines ou deux mois, elles sont remuées légèrement en leur imprimant un déplacement circulaire par un mouvement de rotation du poignet sec, et précipité. Peu à peu le dépôt descend et s’agglomère sur le bouchon.
Les bouteilles attendront ainsi le moment de l’expédition. Lorsque celui-ci approche, elles sont apportées à un chantier dit chantier de dégorgement et là elles subissent toutes les opérations qui précèdent l’habillage et la mise en paniers ou en caisses, suivant les destinations.
On peut enfin procéder après un temps de repos plus ou moins long à l’Habillage, à l’Emballage et à l’Expédition. Dès que la bouteille est revêtue de son étiquette, de sa feuille d’étain, de sa capsule brillante ou de sa cire, elle a parcouru les étapes qu’elle avait à franchir ; suivant les habitudes et les obligations imposées par les destinations diverses, elle est enveloppée de papier et de paille en enfermée dans des caisses ou des paniers de dimensions variables.
Dans cette cave en miniature, tout cela était représenté à sa place avec la plus minutieuse exactitude ; mais, de crainte que la petite échelle des reproductions permit quelque interprétation erronée, l’opération de la mise sur pointe et chantier de dégorgement étaient représentés grandeur naturelle par des mannequins d’une vérité telle que bien des visiteurs les prenaient pour des ouvriers cavistes. L’auteur du reste en était cet artiste de talent, M. Visscaux qui, dans l’Exposition du Ministère de la Guerre, avait fait avec tant de succès le diorama des uniformes de l’armée française.
Ainsi éclairé, le public pouvait se rendre un compte exact et complet de tout ce qui concernait cette industrie des vins de Champagne, et l’affluence sans cesse renouvelée des visiteurs, malgré la situation peu favorable du rez-de-chaussée du Palais de l’Alimentation, l’intérêt témoigné par chacun a bien prouvé aux organisateurs qu’ils avaient chois la seule méthode attrayante de vulgarisation.
A cette partie relative à la manutention propre, on avait joint, dans des vitrines séparées, tout ce qui concernait les produits secondaires mis à contribution pour la manutention : les bouchons d’Espagne et leurs différentes sortes ; les bouteilles originaires des départements du Nord et de la Marne et leurs trois systèmes de fabrication : le four à bassin et à gaz, le four à pots et au charbon ; la fabrication des étains, des capsules, celle du sucre de canne et enfin toutes les machines employées dans le travail.
Disons enfin que ce qui rehaussait l’éclat de cette démonstration instructive, ce sont les renseignements statistiques que le Syndicat avait eu soin de mettre en regard de ses reproductions. Déjà quelques chiffres de ces statistiques ont trouvé leur place sous notre plume, au début de ce travail : mais nous devons en signaler d’autres qui feront ressortir l’importance considérable que le commerce des vins de Champagne occupe parmi les éléments de la richesse publique de notre pays.
Nous avons dit que la superficie totale des vignobles champenois représentait une contenance d’environ 15,000 hectares, répartis sur environs 220 communes ; la valeur de ces vignes est évaluée à 124 millions de francs. Quant à leur production nous avons constaté qu’elle s’élève à une moyenne de 455,000 hectolitres, ce qui, si toute cette production était traitée en vins mousseux représenterait en bouteilles un total de 54 millions.
Si nous mettons en regard de cette production le montant des expéditions de vins de Champagne, dont les relevés exacts nous sont fournis annuellement d’avril en avril par la Chambre de commerce de Reims, d’après les données fournies par la régie, nous voyons qu’elles se sont élevées pour les six dernières année à :
Année | Bouteilles | Année | Bouteilles | |
1883-84 | 20.882.534 | 1886-87 | 19.084.874 | |
1884-85 | 21.111.857 | 1887-88 | 20.334.324 | |
1885-86 | 17.471.717 | 1889-89 [1] | 22.538.084 |
Ce rapprochement prouve surabondamment et rigoureusement que la production moyenne des vignes de Champagne suffit et bien au delà aux besoins du commerce. C’est donc bien à tort que dans un intérêt de concurrence, le contraire a été prétendu.
Au surplus, ce qui prouve surabondamment l’excèdent de la production des vignobles champenois par rapport aux besoins auxquels elle est appelée à pourvoir, c’est le chiffre considérable des réserves dont la régie constate l’existence dans les caves des négociants de la Champagne, réserves qui s’élevaient au 1er avril 1889 à 75.576.232 bouteilles et 193.616 hectolitres 65 litres en fûts. Pour faire saisir le rapport de la production, du stock et de l’expédition en Champagne, le graphique ci-contre avait été dressé.
Notons encore que l’exportation annuelle des produits du sol champenois représente en moyenne une valeur de plus de 65 millions de francs dont elle rend l’étranger tributaire de la France, sans que sur cette somme elle ait autre chose à lui restituer que le liège fourni par l’Espagne. En effet, sauf cet article, tout ce qu’elle emploie : le vin, le sucre, l’alcool, les outils de travail, les machines à doser et à boucher, les ficelles, les fils de fer et étiquettes, les paniers d’emballage, tout, enfin est d’origine et de fabrication françaises.
En terminant cette rapide étude, signalons encore à l’attention du lecteur un coin de cette exposition remarquable qui lui a peut-être échappé.
Sur le palier de l’escalier, au-dessous des fresques représentant la synthèse du travail des vins mousseux, fresques reproduites ici, s’étalaient dans leur robuste cadre d’or, quatre affiches de couleurs voyantes, donnant les extraits de Cour de cassation et Cour d’appel, sous la rubrique uniforme de Propriété du nom de Champagne. C’est que depuis quelque temps le nom de Champagne est l’objet de tentatives d’usurpation de la part de certains producteurs de vins mousseux d’autres contrées qui, pour justifier leurs procédés envers le commerce des vins réellement et authentiquement originaires de la Champagne, invoquent pour prétexte que le nom de cette province a perdu son sens primitif et que les expressions Champagne, vin de Champagne, dans leur signification actuelle sont applicables à tous les vins mousseux, quelle que soit la provenance, qui sont traités et manutentionnées suivant le procédés qui originairement n’étaient en usage et mis en pratique qu’en Champagne seulement ; en un mot, dit-on, le nom Champagne ne désigne plus un lieu de provenance, mais un mode spécial de manutention et de fabrication.
Si ce système était admis, il faudrait reconnaître qu’il n’y aurait aucune raison pour qu’il ne s’étendit pas aux vins de Bordeaux, de Bourgogne et autres lieux de production réputés pour l’excellence et le caractère particulier de leurs vins. Ce serait pour les fraudeurs un moyen facile de tromper la bonne foi du consommateur et d’écouler leurs produits sous de faux noms d’origine et de provenance sans avoir à redouter l’action de la justice.
Le commerce des vins de Champagne a protesté contre cet abus et, par deux arrêts récents rendus par la Cour d’Angers, le 19 juillet 1888 et 11 avril 1889, ce dernier confirmé par la Cour de cassation par arrêt du 26 juillet suivant, elle a fait consacrer ce principe désormais incontestable, que seuls les produits récoltés et manutentionnés en Champagne peuvent être mis en vente sous le nom de cette province. En affirmant par son exposition sa grande vitalité et son importance considérable, le commerce des vins de Champagne a fourni à l’appui de ces décisions un argument sans contradictions, et nous ne saurions trop l’approuver d’avoir énergiquement combattu le préjugé d’après lequel le nom Champagne perdrait toute sa valeur en tant désignation d’un lieu d’origine et ne serait plus qu’une expression banale applicable à toute espèce de liquide mousseux.
Au point de vue du respect des principes de la loyauté commerciale, c’est un véritable service que le Syndicat du commerce des vins de Champagne a rendu au commerce et à l’industrie en général et dont il a lieu de lui savoir gré.
En somme, et c’est ce que le Syndicat du commerce des vins de Champagne désirait démontrer aux visiteurs de l’Exposition Universelle de 1889, le vins de Champagne est le produit de l’important vignoble qui est les plus beau joyaux de la France de l’Est ; les qualités inimitables de ce vin sont dues, non à des artifices, mais à la nature spéciale du sol et à la situation géographique de l’ancienne province de Champagne ; il n’est point un vin fabriqué ; ses transformations sont basées essentiellement sur l’utilisation ingénieuse des forces naturelles et sa réputation a pour origine et pour soutien le travail constant d’n grand nombre de générations de viticulteurs et de négociants qui y ont trouvé et y trouvent encore pour leur pays et pour eus-mêmes une source légitime de prospérité.
[1] Au moment où nous mettons sou presse, nous apprenons de notre correspondant le chiffre d’avril 1800 à 1891 : il est de 25.776.194 ; celui de 1889 à 1891 était de 23.324.571.