UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Définition et loi

L’appellation Champagne s’est établie sur une notoriété préexistante. Depuis l’époque des Romains, il y a eu du vin produit sur les coteaux qui bordent la vallée de la Marne. Ces vins étaient tranquilles. Les chances de l’histoire et de la géographie ont favorisé leur existence.

Citons, à ce titre, les grandes foires du moyen-âge et bien sûr le sacre des rois de France à Reims. Le vignoble champenois était de plus le plus proche de la capitale par voie d’eau puisque les tonneaux mis sur les bateaux accédaient facilement à Paris à une époque où les routes n’étaient pas sûres.
Mais c’est à l’évidence avec la maîtrise de la tendance naturelle des vins de Champagne à mousser qu’est apparue une révolution technologique entre la fin du 17e siècle et le début du 18e siècle : le vin mousseux de Champagne.
Au 18e siècle, le Champagne s’impose comme nouveau produit de la fête. Les maisons de négoce qui se fondent à Reims et à Epernay font preuve d’un dynamisme remarquable. Elles savent conquérir le cœur des rois et des princes qui gouvernent l’Europe. Londres, Moscou, Vienne s’émerveillent devant le Champagne.
En peu d’années, tous ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir aiment le Champagne et l’intègrent dans leurs vies. A cette époque où la langue française est l’apanage des esprits cultivés, la Champagne symbolise un art de vivre joyeux.
Avant que n’éclate la première guerre mondiale, le Champagne a marqué deux points capitaux :

  • ​il est adopté par l’élite des nations,
  • ​il est reconnu comme totalement français mais chacun admet qu’il dépasse le cadre des nationalismes. C’est ce qui fera dire à Bismarck, grand fédérateur de l’Allemagne : « mon nationalisme s’arrête devant le Champagne ».
    Avec la notoriété viennent des problèmes de deux ordres :
  • ​l’élargissement de la production provoque des disparités qualitatives qu’il est indispensable de réduire : les usages locaux, loyaux et constants vont être formalisés par des textes réglementaires à la demande des professionnels eux-mêmes ;
  • ​le succès entraîne la copie qu’il va falloir combattre sur le terrain juridique.

L’originalité du système des appellations d’origine

Il est bon de rappeler d’abord en quoi consiste cette réglementation française de l’appellation d’origine.
En vertu de celle-ci, chaque grande région viticole s’est vue dotée d’un statut précis, chacune ayant le sien, qui ressemble forcément par certains traits à celui des autres mais qui comporte aussi toutes les particularités que requiert la diversité des situations.
Chacun de ces statuts comporte essentiellement deux corps de dispositions :

  • ​d’abord la définition d’un terroir, avec la délimitation géographique précise de ce terroir ;
  • ensuite un ensemble de règles à observer pour la culture de la vigne et l’élaboration du vin, toutes ces règles allant dans le sens de la recherche de la qualité.
    Ce régime apporte à la fois des avantages aux producteurs et aux consommateurs.
    Pour les producteurs, le nom de l’appellation constitue une sorte de patrimoine collectif. Ils sont les seuls, selon la loi, à avoir le droit de l’utiliser. D’autre part, l’image de qualité qui s’y attache confère au produit une plus-value appréciable et tout à fait méritée.
    Les consommateurs, quant à eux, bénéficient d’une double garantie : celle de la qualité et celle de l’authenticité, fruits de la discipline que s’imposent les producteurs.
    En réalité, l’une des grandes originalités du mécanisme institué en 1935 réside dans le fait qu’il repose tout entier sur la volonté et la discipline des professionnels. Ceux-ci gèrent à tous les niveaux l’édifice des appellations qu’ils ont eux-mêmes construit. II s’agit véritablement d’un système autogestionnaire parce que les règles de l’appellation sont définies directement par les intéressés. C’est une fois l’accord intervenu entre eux au sein de l’Institut National des Appellations d’Origine qu’ils se tournent vers les pouvoirs publics pour faire consacrer ce qu’ils ont décidé par un texte ayant valeur réglementaire.

L’évolution historique en Champagne

Le vin de champagne effervescent s’est considérablement développé au XIXe siècle. Mais très tôt les producteurs de l’époque prirent conscience du fait qu’ils détenaient un produit original dont il faudrait s’attacher à définir, et à défendre aussi, la personnalité.
Dès 1843, un groupe de négociants se constitua pour faire des procès à des producteurs de vins mousseux d’autres régions françaises qui voulaient utiliser le nom Champagne.
En 1821 ils créèrent une association puis en 1884 un syndicat.
Quelques dizaines d’années plus tard, ce fut au tour des récoltants de prendre les mêmes initiatives. Le Syndicat Général des Vignerons naquit en 1904. C’est alors que put commencer l’élaboration de ce qui devait devenir, pierre par pierre, ce grand monument que constitue maintenant le « statut du vin de Champagne ».
La délimitation du vignoble est apparue comme la tâche la plus urgente. L’élaboration des règles qualitatives n’est venue qu’ensuite ou tout au moins alors que la première étape était déjà bien entamée.
Il était très important en effet de fixer déjà des frontières, c’est-à-dire d’établir avec précision une ligne de démarcation en-deçà de laquelle se trouverait le territoire du vin de Champagne et au-delà de laquelle, par conséquent, cela ne serait plus son domaine.
Ce travail a occupé près d’un quart de siècle, soit toute la période qui s’est écoulée entre 1905 et 1930. Beaucoup de péripéties se sont succédé dans cet intervalle, quelques agitations même. Car le problème n’était pas simple et les intérêts en cause pesaient fort lourd.
Finalement, les commissions qui étaient chargées de recenser entre 1927 et 1930 les terrains qui avaient vocation en Champagne à porter de la vigne ont pu mener à bien leurs travaux en poussant la précision jusqu’à définir, non seulement les communes et dans ces communes les lieux-dits, mais, à l’intérieur de ces lieux-dits, les parcelles de terrains concernées avec leurs numéros d’inscription au cadastre.
En affinant de la sorte sa délimitation, la Champagne est allée en la matière beaucoup plus loin que tout le monde. Et en tout cas beaucoup plus tôt.
Quant aux règles d’élaboration, leur mise en place s’est faite progressivement, à partir de 1919, au fur et à mesure que les professionnels se sont rendu compte que l’origine, à elle seule, ne suffisait pas et qu’il fallait donc instaurer également une discipline axée sur un double objectif : le respect de la tradition et la recherche de la qualité.
Voici une chronologie rapide des principales mesures qui ont été prises à cet égard :
1919 introduction de la référence aux « usages locaux, loyaux et constants »,
1927 définition des seuls cépages autorisés,
1935 institution d’un rendement limite à l’hectare et d’un rendement limite au pressurage,
obligation de respecter un degré minimum à la vendange,
définition d’une durée minimum de vieillissement en bouteilles.

Quatre verrous pour l’authenticité du produit

Tout un luxe de précautions ont été prises pour garantir cette authenticité. Ce sont les producteurs eux-mêmes qui l’ont voulu ainsi. Pour renforcer l’image du vin de Champagne d’abord mais aussi comme s’ils voulaient s’éviter certaines tentations inutiles.

  1. On ne peut produire en Champagne que du raisin destiné à faire du vin de Champagne
    Il est formellement interdit de faire pousser de la vigne dans la région en dehors des zones délimitées pour le droit à l’appellation Champagne.
    Dans les zones ainsi délimitées, il est impossible également de mettre en œuvre d’autres cépages que ceux prévus par la loi, pour produire, par exemple, des vins de table ou encore tout autre chose.
  2. ​Les locaux d’élaboration ne peuvent accueillir que des vins accompagnés d’un acquit à caution Champagne
    C’est-à-dire accompagnés d’un titre de mouvement délivré par les Services fiscaux et garantissant qu’il s’agit de vins produits dans le vignoble champenois pouvant prétendre à l’appellation Champagne.
    Aucun autre vin n’est autorisé à pénétrer dans les locaux en question. Autrement dit les celliers et les caves des producteurs, qu’ils soient récoltants ou négociants, doivent être entièrement spécialisés dans l’élaboration du vin de Champagne.
  3. ​Les vins de Champagne ne peuvent quitter la région d’origine avant d’avoir été complètement élaborés
    L’élaboration doit en effet être menée sur place jusqu’à son terme. Y compris même l’opération finale de l’habillage de la bouteille.
    C’est à cette condition que l’appellation Champagne peut être revendiquée par le producteur.
  4. II est interdit de produire en Champagne d’autres vins mousseux
    En clair, ceci veut dire qu’il n’est pas possible d’installer dans la région de Champagne un établissement où l’on ferait entrer des vins d’autres régions pour les rendre mousseux.
    Pas de cohabitation donc de ces deux activités, vins de Champagne et autres vins mousseux, dans le cadre géographique champenois.

La construction continue

En 1935, on pouvait penser que l’essentiel était acquis. A juste titre d’ailleurs. Cependant, les dispositions prises à cette époque n’ont pas mis un point final à l’élaboration du statut du vin de Champagne.
Toute une série de compléments et de retouches sont intervenus au fil des années pour perfectionner encore le système. Citons par exemple :

  • la réglementation de la taille de la vigne (1938),
  • celle de l’utilisation des millésimes (1952),
  • des règles précises concernant la hauteur, l’espacement et la densité des plantations de vignes (1978),
  • l’interdiction de tirer les vins en bouteilles avant le 10 janvier suivant la récolte (1984),
  • ​obligation de pressurer les raisins sur les pressoirs agréés pour la qualité de leurs équipements (1994),
  • Enfin, plus récemment, passage de la durée de vieillissement obligatoire de 12 à 15 mois.
    Le statut du vin de Champagne se présente donc comme une création vivante.
    Il n’est pas douteux que dans les années qui viennent la Champagne sera confrontée à de nouveaux problèmes au fur et à mesure du développement des techniques et des connaissances en matière de viticulture et d’œnologie.
    Tout sera fait alors pour que les adaptations nécessaires sauvegardent l’essentiel : la qualité éminente du produit et l’héritage acquis au cours de deux siècles de traditions ininterrompues.

Le vin de Champagne veut défendre son identité

Puisqu’ils s’imposent de sévères contraintes, les Champenois estiment que le nom de leur produit mérite d’être respecté.
Dans ces conditions, ils déplorent, bien sûr, que dans certains pays, hors de l’Europe en particulier, les systèmes juridiques existants puissent autoriser, ou tout au moins tolérer, l’utilisation du nom Champagne pour désigner des vins mousseux produits localement.
Mais il existe aussi un autre problème, celui de l’utilisation du nom Champagne pour désigner à la limite n’importe quoi, le but étant simplement de tirer parti de la notoriété du mot et de l’idée de prestige qui s’y attache.
C’est ainsi que l’on a vu le nom Champagne associé à des marques de bains moussants, de dentifrice, de cigarettes, d’eaux minérales, parfum,... Le risque serait grand, si ces pratiques se multipliaient, de voir le nom Champagne se banaliser et même se vider progressivement de son véritable sens.
Les responsables des professions du Champagne, heureusement, veillent. Ils s’emploient systématiquement à mettre un terme à ces abus de langage dont il est trop facile de dire qu’ils sont la rançon du succès.