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Tirage en bouteilles

Je te le répète, quand un homme est de mes amis... nous avons reçu ensemble le baptême du vin de Champagne...
Honoré de Balzac, Le contrat de mariage, 1842.

La "champagnisation", un néologisme pour le moins surprenant et pourtant tellement évocateur... Cette seconde étape de vinification constitue le moment privilégié pour mettre à l’œuvre toutes les valeurs et les savoir-faire de Champagne. Il s’agit de rendre effervescent ce vin tranquille auquel nous a conduit le premier cycle de vinification. Mais cette étape capitale est régie par une méthode bien spécifique dite "méthode champenoise". Alliant un savoir-faire ancestral et une minutie extrême, elle est l’expression pleine et entière du sol champenois.

Le terme de tirage désigne l’ensemble des opérations de mise en bouteille du vin tranquille obtenu à l’issu du premier cycle de vinification. Cette étape dite de "prise de mousse" s’effectue par une seconde fermentation alcoolique qui engendrera du gaz carbonique (CO2), c’est-à-dire les futures bulles et la future mousse du vin. Pour ce faire, le vinificateur prépare sa "liqueur de tirage" à partir de vins tranquilles ("clairs") auxquels il ajoute une petite quantité de sucre et des ferments de tirage, c’est à dire des levures alcooliques actives se présentant sous la forme d’une culture liquide appelée "levain".

Une remarque s’impose :
Avant la révolution engendrée par les découvertes de Louis Pasteur, la liqueur ajoutée d’une façon plus ou moins empirique produisait des réactions mal contrôlées qui se traduisaient par une casse importante des bouteilles (jusqu’à 80 % en 1828). A noter qu’à cette époque les bouteilles soufflées à la bouche par les maîtres verriers présentaient des qualités et des propriétés de verre irrégulières. Ce n’est que vers 1900 que les conditions de cette seconde fermentation et la qualité du verre des bouteilles ont été améliorées.

La liqueur de tirage se présente sous la forme d’un mélange de vin tranquille et de sucre candi à une concentration variant de 500 à 625 g/l. La quantité à ajouter est uniquement déterminée par la pression désirée, sur la base suivante : 24 g/l de liqueur pour obtenir 6 kg/cm2 en fin de prise de mousse.

Dans le passé, quelques cuvées étaient tirées en bouteilles avec une liqueur de moitié moindre à la normale (12 g au lieu de 24 g). Ces champagnes avaient alors une pression moindre et étaient appelés "Champagne-crémant" ou "petite mousse".
La préparation des ferments de tirage requiert l’utilisation de l’une des trois souches de Saccharomyces cerevisiae déjà utilisée pour la première fermentation alcoolique. Ce sont des levures sèches sélectionnées pour leurs qualités organoleptiques et leur aptitude à la prise de mousse.

Afin de se réhydrater et de se multiplier, ces levures sèches, sont placées dans un mélange de vin tranquille additionné à de l’eau, du sucre et des phosphates diammoniques. Le vin agit ainsi tel un support nutritif pour ces levures. L’eau n’est présente qu’en très faible quantité afin de ne pas faire monter le degré alcoolique au-dessus de 11 à 12°. Le sucre, quant à lui, intervient en tant que source de carbone et élément fermentescible. Enfin les phosphates diammoniques constituent la source d’azote nécessaire à la multiplication cellulaire.

L’élaboration de ce levain se situe au cœur même du processus de champagnisation. Si celui-ci n’est pas d’une bonne qualité technologique, la prise de mousse ne se fera pas convenablement et obligera à remettre le vin en cuves ultérieurement ; dans ces cas extrêmes on parle de " remise en cercles " par référence aux cercles des tonneaux.

Pour favoriser l’action de ce levain, le vinificateur travaille dans des cuves proches de véritables fermentateurs technologiques, avec des agitateurs puissants ainsi que des températures et des apports d’oxygènes réguliers.

La multiplication des levures et leur accoutumance progressive aux conditions de la prise de mousse durent de quatre jours à plusieurs semaines. Le levain contient environ 40 à 80 millions de cellules actives par millilitre de liquide. A raison de 3 litres par hl, il donne un ensemencement de 1,2 à 2,4 millions de cellules actives par millilitre de vin à tirer.

Il y a 10 ans, on considérait encore ces levures comme de simples agents de fermentation. Aujourd’hui, la recherche scientifique a permis de mettre en évidence leur grande fécondité d’arômes et leur grande diversité en fonction de la souche utilisée.

Les adjuvants de remuage, qui sont de nature minéral et/ou organique (tanin, bentonite, alginate) ont la charge d’agglomérer les levures mortes ou "lies" et de les empêcher de coller au verre de la bouteille. Plus le dépôt ainsi constitué sera lourd, plus il glissera facilement vers le col de la bouteille.

Juste avant la mise en bouteille définitive, on réalise, dans une cuve munie d’un agitateur puissant, un mélange homogène entre liqueur, adjuvants de remuage et vin à tirer. Dans certains cas, la liqueur de tirage est ajouté au vin directement dans la bouteille.

Le vin ainsi préparé est mis en bouteille sur des machines à grande cadence entièrement automatisées.

La bouteille standard champenoise, une fois remplie, est obturée de manière provisoire à l’aide d’un bouchon métallique (ou "capsule couronne") muni d’un opercule en polyéthylène creux appelé "bidule", qui va garantir l’étanchéité à la pression, puis servir de réceptacle au dépôt de levures en fin de remuage. Pour permettre l’évolution parfaite de la 2e fermentation l’opercule de polyéthylène "bidule" laisse un passage microscopique d’oxygène. Tel était la caractéristique spécifique du liège dans les années passées, tel est également le cas des matériaux modernes.

Légalement le tirage en bouteille ne peut avoir lieu avant le 1er janvier de l’année suivant la vendange. Il peut durer de quelques jours à sept à huit mois selon la taille des maisons. Les plus petites font parfois appel à des spécialistes qui viennent avec leurs équipements mobiles dans les celliers de la Maison. Les plus importantes sont équipées de chantiers de tirage mécanisés et automatisés, dont les cadences varient de 2 000 à 18 000 bouteilles/h.

Ces chantiers sont des lieux très équipés et organisés où l’on trouve généralement un dépalettiseur, une rinceuse de bouteilles vides, une tireuse, avec souvent intégrées, une biduleuse et une capsuleuse, une machine de marquage et éventuellement de contrôle de niveau en ligne, ainsi qu’ un palettiseur de bouteilles pour la mise en caisse-palette.

Une remarque souvent entendue : la bouteille champenoise a la taille de toutes les envies...
Certes la bouteille "champenoise" classique de 75 cl (1 bouteille => environ 6 flutes), n’est pas la seule habilitée à conserver le précieux breuvage.
On recense sur les marchés européens huit tailles de bouteilles qui conservent la forme traditionnelle standard :

Huit flaconnages sont réglementés par l’Union Européenne :

  • le Quart : 20 cl (ou 18,7 cl pour l’avitaillement de navires)
  • la Demie : 37,5 cl
  • la Bouteille : 75 cl
  • le Magnum : 1,5 litre (soit 2 bouteilles)
  • le Jéroboam : 3 litres (soit 4 bouteilles)
  • le Réhoboam : 4,5 litres (soit 6 bouteilles)
  • le Mathusalem : 6 litres (soit 8 bouteilles)
  • le Salmanazar : 9 litres (soit 12 bouteilles)

Flaconnage réalisés à l’unité sur commande spéciale*

  • le Balthasar : 12 litres (soit 16 bouteilles)
  • le Nabuchodonosor : 15 litres (soit 20 bouteilles)
  • le Salomon : 18 litres (soit 24 bouteilles)
  • le Melchizédec : 30 litres (soit 40 bouteilles)
    (d’autres flacons réalisés sur convenance portent le nom souhaité par l’acheteur)

*Le tirage du vin et son vieillissement dans un flaconnage non agréé dans l’Union européenne est exceptionnel. Ces flacons comme d’autres encore plus importants ou originaux sont réalisés à l’unité par les verriers et exceptionnellement conditionnés lors de la commande visant à célébrer un événement particulier, tel que le baptême du Sovereign of the sea.

Selon la législation, le Champagne doit être élaboré dans la bouteille à l’intérieur de laquelle le vin a fermenté pour être rendu mousseux. Une tolérance n’est admise que pour les petits quarts et les grandes bouteilles (Jéroboam et au-dessus).

C’est dès la fin du XIXe siècle que les négociants champenois ont imaginé les noms que nous connaissons aujourd’hui aux bouteilles de grande contenance. Leur but était d’associer le vin effervescent de Champagne, surtout consommé lors des fêtes, aux civilisations moyen-orientales de l’Antiquité, réputées pour leur faste.

Ainsi, le règne de Nabuchodonosor II (605 - 562 avant J.-C.) et la régence de Balthazar (555 - 539 avant J.C.) marquèrent l’apogée de la civilisation babylonienne, célèbre pour ses ziggourats et ses jardins suspendus.

Salmanasar III, roi d’Assyrie (859 - 824 avant J.-C.), fut un grand conquérant et les vestiges de Nimroud témoignent de son œuvre de grand constructeur.

Pour sa part, le célèbre patriarche biblique Mathusalem, aurait vécu 969 ans ! En donnant son nom à une bouteille, il s’agissait de suggérer que le vin effervescent de Champagne était un gage de longue vie...

Jéroboam Ie (931 - 910 avant J.-C.) fut le fondateur et premier souverain du royaume d’Israël.

Enfin, on retrouve l’idée de grandeur avec "magnum", adjectif qui en latin signifie "grand".

Terre de Champagne : 05 - Elaboration, 2ème partie