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Pointage, remuage, et dépointage

Trois ou quatre mois avant la date prévisible de commercialisation, les opérations de remuage vont commencer : elles consistent à rassembler le dépôt constitué par les lies inactives et à les faire migrer vers le col de la bouteille au contact du bidule (l’opercule conçu pour récupérer les lies).

Trois opérations vont alors se succéder :

Le pointage

Les bouteilles sont inclinées à 35° environ sur un chevalet en chêne, ou pupitre, constitué de deux faces planes assemblées par des charnières à leur sommet. Chaque face est percée de six trous taillés en biseaux sur dix rangées. Chaque pupitre peut porter 120 bouteilles et des modèles spéciaux sont conçus pour les gros contenants.

Le caviste, chargé de cette manipulation, dit aussi remueur, donne un coup de poignet, afin de décoller le dépôt du verre et faciliter le glissement vers le col. Le vin devant être parfaitement limpide au début de tout remuage, on le laisse ensuite reposer deux à trois semaines.

Le remuage

En les tenant par le fond, le caviste imprime aux bouteilles un mouvement bref et sec de rotation sur elles-mêmes de 1/8e, 1/6e, ou 1/4 de tour, tantôt à gauche tantôt à droite. Il s’agit de décoller le dépôt alourdi par les adjuvants de remuage de la paroi du verre et favoriser son déplacement vers le col, sur la face interne du bouchon (ou bidule), sans le remettre en suspension (un repère à la peinture blanche lui facilite l’opération). Au fil des semaines, il les redresse peu à peu, pour les amener à la verticale, tête en bas, dans la position dite sur pointe.
Ces mouvements longs et laborieux sont nécessaires, car le dépôt n’est pas homogène, mais constitué par plusieurs strates de levures et de précipités chimiques (bitartrate de potassium et matières tannoïdes).

De la vigne au vin : L’habillage

Le dépointage

Après le remuage le caviste reprend les bouteilles pour les stocker la pointe en bas. Le col de chaque bouteille est calé dans le culot de la bouteille inférieure. Le caviste forme ainsi une masse en attente de dégorgement.
Les bouteilles sont en effet calées au sol entre deux murs et légèrement inclinées contre celui du fond. Une première rangée de bouteilles est installée, la tête des bouteilles se trouvant contre le sol. Cinq ou six rangées s’enchaînent ainsi les unes sur les autres, la tête des bouteilles calées dans le culot de la bouteille inférieure. Une masse (bouteilles verticales) se révèle ainsi beaucoup plus fragile et difficile à édifier qu’un entreillage (bouteilles horizontales).
Si jamais quelques bouteilles glissent, la masse s’écroule et la casse peut s’avérer très importante.
Traditionnellement, le remuage est réalisé à la main par des remueurs qui doivent conduire leurs vins de manière spécifique à chaque période de l’année, et en différents endroits d’une même cave, pour adapter le déroulement de l’opération au type de dépôt.
Un bon remueur tourne 50 à 60 000 bouteilles par jour ; une quantité raisonnable, si l’on songe qu’il y a vingt ans la cadence habituelle était de 70 000 bouteilles...
L’ensemble des opérations du chantier de remuage dure au moins six semaines, et parfois deux à trois mois. Cette étape de l’élaboration du vin effervescent de Champagne est très coûteuse en main-d’œuvre, en espace de travail.
Appendice : Le remuage, toute une histoire...
La technique du remuage était totalement inconnue à la fin du XVIIe et au cours du XVIIIe siècle ; les bouteilles partaient avec leur dépôt et le destinataire devait procéder lui-même au décantage. Ce qui explique le fait que le vin était servi en carafe et non dans sa bouteille d’origine.
Ce n’est qu’en 1813 que l’on vit apparaître "la mise sur pointe". Il s’agissait de planches murales percées de trous où étaient piquées les bouteilles. Celles-ci étaient ensuite retirées pour faire l’objet d’une série de rotations, afin d’obtenir le tassement du dépôt dans le col. Par un effet de gravité, une partie de celui-ci descendait lentement jusqu’au bouchon, le dépôt restant demeurait collé sur les parois de la bouteille.
Ce procédé évolua très rapidement et la petite histoire livre que la Veuve Clicquot et son chef de cave, Antoine de Müller, auraient créé l’ancêtre du pupitre en faisant découper dans une table de cuisine "des trous percés obliquement, afin que les bouteilles puissent être inclinées à des angles variés [...] et ne quittent plus leur logement pour être remuées".
D’autres techniques, comme frapper la bouteille à petits coups de marteau ou encore, comme l’on dit, démasquer le dépôt furent sans lendemain.
A partir de 1947, on commença à rendre les levures plus lourdes, donc plus remuables, et en 1973, les premières "Gyros" animées par des automates programmables firent leur apparition. Elles permirent d’imprimer à 504 bouteilles des mouvements rigoureusement identiques à ceux du remuage manuel, par le biais d’un programme électronique et d’un support motorisé. Ce procédé d’abord champenois, s’est répandu ensuite très vite en France et à l’étranger, partout où sont élaborés des vins mousseux de qualité faisant appel à une seconde fermentation en bouteilles.
Il convient de préciser que la mécanisation du remuage, dont le premier brevet date de 1909, n’a été adopté que suite à la vérification de ses effets bénéfiques.

En Champagne, quatre systèmes de remuage sont particulièrement bien implantés :

  • l’appareil le plus simple, le rotopal, permet de disposer 297 bouteilles dans un conteneur métallique carré, dont l’inclinaison à angle fixe est assurée par un pivot au centre du dispositif. Le système est tourné manuellement de 1/8e de tour jusqu’à ce qu’il rencontre un nouveau point d’appui.
  • le champarex a la forme d’un container hexagonal accueillant 183 ou 381 bouteilles, emboîtées dans un support métallique rotatif et inclinable. La rotation est manuelle par 1/16e ou 1/8e de tour.
  • le pupimatic est composé de panneaux verticaux percés de 240 logements destinés à recevoir les bouteilles ; ils sont multipliables à souhait selon la quantité de flacons à manipuler. Cette machine à remuer convient parfaitement à de faibles productions car on l’alimente manuellement. Les alvéoles en matière plastique sont rotatives et inclinables à volonté. Les mouvements, provoqués par deux moteurs électriques commandés par une centrale programmable, donnent des vibrations homogènes. Ils assurent également la remontée progressive des bouteilles.
  • le "Gyro" se compose de deux sous-ensembles : la caisse-palette contenant 504 bouteilles empilables sur deux faces perpendiculaires : une position bouteille couchée pour la prise de mousse et une position bouteille sur pointe. Le "Gyro" , appareil motorisé, fixé sur pied pivotant permet également le basculement des bouteilles de l’horizontale à la verticale et la rotation en tout sens sur toutes les inclinaisons. C’est une méthode de travail récente, automatisée, où la rotation et le relèvement des bouteilles à intervalles réguliers par une pulsion parfaitement identique autorise un fonctionnement sans interruption.

Elle permet aux vins d’être remués en cycles très courts (une ou deux semaines). Un million de bouteilles peuvent être ainsi remuées en un an dans un petit local d’à peine 100 m2. Le remuage manuel permet sept à huit cycles par an, tandis que le remuage sur "Gyro" en autorise couramment quarante à quarante-cinq. Tant et si bien que la capacité de remuage a été démultipliée dans certaines caves.
Des recherches visant à supprimer totalement le remuage, ce qui rendraient les "Gyros" inutiles, sont actuellement en cours. La méthode à l’étude consiste à enfermer les levures dans des microbilles d’un gel d’alginate, afin qu’elles agissent sans se répandre dans le vin. La fermentation terminée, la bouteille mise sur pointe, les microbilles seraient entraînées par gravité vers le col, d’où elles sont aisément expulsables lors du dégorgement. Toutefois ce projet reste à l’étude pour le moment, dans l’attente d’évaluer son impact sur la qualité du vin de Champagne.
Les bouteilles, remuées, clarifiées et dépointées, sont ensuite soit acheminées vers le chantier de dégorgement, soit conservées sur pointe avec leur dépôt en caisses-palettes. Cette conservation sur pointe peut se prolonger des années et permet au vin de s’épanouir jusqu’à sa maturité.