UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Berceau mondial de l’aviation

1er Concours d’avions militaires du Monde

En 1909, le général Brun, ministre de la Guerre, confie conjointement au Génie et à l’Artillerie le soin de jeter les bases des premiers éléments de l’aviation militaire. La même année est créée, à Paris, l’Ecole supérieure d’aéronautique et de construction mécanique. Parmi les premiers diplômés : Henry Potez et Marcel Bloch (le futur Marcel Dassault) mais aussi les frères Gourevitch (les futurs créateurs des avions soviétiques MiG).

Octobre & Novembre 1911 à Reims - Champagne

Lors de la Grande semaine d’aviation de Reims, en août 1909, le général Pierre Auguste Roques, directeur du Génie, charge une commission d’acheter, sur les crédits de recherche, cinq appareils destinés à étudier les applications militaires qui semblent consister en des missions d’observation à longue portée. Ces souhaits sont difficiles à satisfaire : un aéroplane militaire doit pouvoir suivre les colonnes auxquelles il est affecté ; il doit, les jours de mauvais temps où il ne peut voler, être rapidement démonté, transporté puis remonté ; il doit être capable de subir des intempéries sans que sa solidité et la sécurité de son fonctionnement soient compromises. Ces réserves faites, des officiers, désirant se familiariser avec l’aviation, obtiennent la permission de passer leur brevet de pilote dans les écoles civiles, les seules existant alors. Le premier officier pilote, breveté par l’Aéro-club de France, le 8 mars 1910, est le lieutenant du génie Camerman qui est rapidement chargé de créer une école de pilotage militaire au Camp de Châlons.

Ecole Farman de pilotes militaires. Lithographie humoristique Techary en couleurs (méthode de Charles Bossu)

Des officiers d’artillerie, également présents au meeting, estiment que des aéroplanes biplaces peuvent être utiles pour le réglage de leurs pièces. La Direction de l’Artillerie obtient du Parlement un complément de crédits ce qui lui permet de commander, au début de 1910, sept appareils biplaces. Pressentant en outre le rôle important que pourrait jouer un tel observatoire aérien dans ses opérations, elle souhaite avoir l’aviation naissante sous ses ordres. Elle dispose déjà d’un établissement, à Vincennes, dirigé par le commandant Estienne qui voudrait former ses propres pilotes.

Devant les pressions du Parlement, qui réclame avec insistance une uniformisation de l’aviation, le général Brun, ministre de la Guerre, décide, le 10 avril 1910, que l’arme naissante sera confiée à une Direction du matériel aéro-nautique placée sous la responsabilité de la 4e Direction, c’est-à-dire celle du Génie qui patronne aussi l’’aérostation et les dirigeables ce qui facilite la communication entre services. Si l’aéroplane ne s’est pas encore définitivement imposé, il attire néanmoins la curiosité d’autorités militaires sensibles à sa nouveauté : le ministre de la Guerre, le général Brun, effectue un vol tout comme le général Maunoury commandant le 20e corps d’armée. Leur engagement facilite l’introduction des appareils dans les grandes manœuvres militaires annuelles.

L’introduction de l’aéroplane dans l’armée.

Aux manœuvres de Picardie, du 9 au 18 septembre 1910, 14 aéroplanes figurent à côté de 4 dirigeables de l’armée : c’est la véritable révélation du rôle que peut jouer l’aviation dans l’observation. Le général Roques fait commander 40 appareils et, en novembre 1910, fait approuver par le ministre de la Guerre, le programme d’un concours d’avions militaires pour 1911. Il affirme parallèlement que « les aéroplanes sont aussi indispensables aux armées que les canons et les fusils. C’est une vérité qu’il faut admettre de bon gré, sous peine d’avoir à la subir de force. »

Il est convaincu que l’armée a besoin d’avions capables de franchir de longues distances et de transporter de grosses charges d’explosifs à larguer sur les ouvrages indispensables à la concentration des armées ennemies. Aussi, demande-t-il la construction d’appareils multiplaces pouvant emporter 300 kg sur une distance de 300 kilomètres à 60 km/h, en combattant au besoin les adversaires aériens. Mais il est aussi conscient qu’avant d’être un outil de guerre, l’avion doit devenir fiable et sûr.

L’Inspection permanente de l’aéronautique militaire

Devant l’évolution favorable de tous les milieux concernés, le ministre de la Guerre crée une Inspection permanente de l’aéronautique militaire. Le décret est publié le 22 octobre 1910, le général Roques en est chargé ; il assure le commandement des troupes et des services correspondants ainsi que l’étude de l’application de l’Aéronautique aux besoins des armées .

Le 7 février 1911 sont institués les brevets militaires de pilote et de mécanicien. L’armée exigeant plus de ses pilotes que l’administration civile des siens, elle élabore ses propres épreuves. Le premier breveté est le lieutenant de Rose. Les pilotes civils sont autorisés à se présenter au brevet militaire en tant que réservistes.

Le 20 juillet, l’aviation démontre que non seulement elle peut observer mais aussi rendre compte. Le capitaine Brenot et le lieutenant Ménard, à 500 mètres d’altitude près de Rambouillet transmettent par radio un message à la tour Eiffel distante de 50 kilomètres.

L’année 1911 est celle des visées allemandes sur le Maroc qui entraînent une augmentation des budgets militaires : l’aviation naissante en bénéficie. C’est également en 1911 que l’aviation militaire est utilisée pour la première fois par les Italiens au cours de leur guerre contre les Turcs en Tripolitaine. Le 22 octobre, le capitaine italien Carlo Piazza effectue, sur un appareil Blériot, une reconnaissance d’une heure au-dessus des lignes adverses. Si l’aviation a joué un rôle modeste dans ce conflit, elle y a prouvé cependant son utilité.

Les grandes manœuvres françaises de 1911 mettent en évidence l’intérêt de l’avion d’observation biplace. En effet un observateur qualifié peut noter des informations que le pilote n’a pas le temps d’apercevoir faute d’une préparation adéquate. La formation d’officiers observateurs apparaît primordiale :

« L’observation aérienne, dans le domaine militaire, demande, en effet, une préparation et des aptitudes spéciales, que ne possèdent pas le plus grand nombre de nos pilotes actuels. » Le tir de projectiles depuis un avion ou un dirigeable fait l’objet de recherches spéciales de la part de l’établissement d’aviation militaire de Vincennes qui étudie un appareil de visée et installe, en 1912, au camp de Châlons, un polygone de tir. »

Lors du grand concours d’avions militaires du 8 octobre au 28 novembre 1911 à Montcornet, près de Reims, les appareils présentés, d’origine civile, sont mal adaptés aux besoins militaires. Ils permettent néanmoins aux constructeurs de déterminer les modifications nécessaires.

Le 29 novembre 1911, le général Roques décide que, désormais, les aéroplanes militaires seront désormais appelés Avion pour honorer l’œuvre de Clément Ader. Au début des années 1910, on peut estimer qu’un grand progrès avait été effectué dans l’utilisation de l’avion à des fins militaires. Les missions d’observation, de guidage des feux de l’artillerie et de bombardement sont essayées et mettent en évidence la fragilité des avions, ce qui explique qu’aucun responsable militaire ne peut véritablement compter sur eux dans une bataille.

Sous cet éclairage, la phrase attribuée à Foch : « L’aviation, c’est du sport. Pour l’armée, c’est zéro ! » est à replacer dans le contexte de l’époque. Outre la nature fragile des avions, leur coût élevé, celui des pièces de rechanges et de l’entretien ajoutés à la dépense engagée pour la formation des pilotes peuvent expliquer les hésitations des états-majors à investir dans de tels matériels alors que l’armée française manque de mitrailleuses ou de canons et que les unités d’infanterie sont sous-équipées.

La formation des pilotes est un des principaux soucis des responsables. Le général Roques note : « Nul ne peut prévoir, ni surtout délimiter les services que pourra nous rendre l’aviation dans l’avenir. Nul ne peut dire ce que sera le futur avion (aéroplane actuel perfectionné, appareil à ailes battantes, hélicoptères, etc.) mais il faudra toujours des hommes pour le monter et ces hommes, nous devons les préparer sans arrêt. » Lors de la création de l’Inspection permanente, en octobre 1910, l’aviation militaire compte 43 pilotes ; ils sont 152 à la fin de 1911 auxquels s’ajoutent 122 élèves en instruction. En 1911, le prix moyen d’un appareil militaire est de 25 000 francs, son entretien annuel est estimé à 10 000 francs. La formation d’un élève pilote revient à 4 000 francs, il est prévu d’en former 250 par an.

L’aviation apparaît toujours bien comme un sport ; la lettre de la Direction du Génie cherchant des volontaires est sans ambiguïté : « Les progrès du plus lourd que l’air font que l’on envisage en ce moment la formation d’un certain nombre de pilotes d’aéroplanes. Vous paraissez tout indiqué pour réussir dans ce genre de sport intéressant. » Une des préoccupations du général Roques est de donner à l’aviation militaire naissante un statut d’arme indépendante au sein de l’armée de Terre. Ses tentatives pour obtenir la direction des moyens aériens de la Marine échouent. Chaque armée s’interroge : l’aviation doit-elle être considérée comme une arme nouvelle ou comme un moyen supplémen-taire mis au service de chaque arme ? Le Génie veut des avions biplaces armés, la Cavalerie des monoplaces légers aisément transportables, l’Artillerie de gros avions multipla-ces, la Marine veut sa propre aviation.

Les concours militaires

En 1910, la société Antoinette installée à Mourmelon en Champagne développe un monoplan biplace pour l’Armée française. Elle construit même, à la demande des commandants Clolus et Laffont et du lieutenant Clavenad, élèves à Mourmelon, un simulateur de vol, en fait deux tonneaux en équilibre permettant de ressentir les 11 commandes assez compliquées (trois volants sont plus complexes à utiliser et moins intuitif pour un pilote que le manche à balai) de l’Antoinette en vol. Les ateliers Antoinette de Mourmelon photographiés depuis un biplan en vol.

Lors des manoeuvres militaires en septembre 1910, le général Roques et son adjoint le colonel Hirschauer proposent à l’état-major de rappeler sous le drapeau plusieurs grands pilotes civils pour « titiller » les pilotes militaires. C’est ainsi que Louis Breguet (sapeur), Louis Paulhan (lieutenant de réserve) et Hubert Latham (sapeur, il a fait son service militaire en 1904 mais fut réformé à cause de son état de santé) y participent.

Monoplan Antoinette type VII biplace destiné à l’Armée (L’Illustration 1910). On peut voir ce type aujourd’hui au Musée de l’Air du Bourget. L’Armée française possède depuis janvier 1910 cinq aéroplanes, à titre expérimental, dix en avril et trente en septembre, toujors dans un but d’évaluation du matériel : deux biplans Wright, deux biplans Henri Farman, un monoplan Blériot, deux monoplans Antoinette, deux biplans Maurice Farman, deux biplans Sommer, deux monoplans Koechlin, plusieurs biplans Breguet et monoplans Nieuport, et un biplan Sanchez-Besa. En 1911, elle projette d’en acquérir plusieurs centaines, tant pour ses écoles de l’air que pour le Génie et l’Artillerie. Représentant un énorme marché, tous les constructeurs sont sur les rangs. La société Antoinette la première. Antoinette 1910 à doubles commandes (L’Illustration). Mais dès l’année suivante, elle préfère le monoplan R.E.P. de Robert Esnault Pelterie ou le Deperdussin de Béchereau à l’Antoinette que Latham a pourtant toujours battus dans les meetings aériens. Le pilote-actionnaire est catastrophé. La société Antoinette dont les produits ne se vendent plus est en difficultés. Le pilote Antoinette Charles Wächter et le général Brun à Chalons en mai 1910.

Simultanément, dès le début d’année 1910 à Mourmelon, Latham a formé au pilotage de l’Antoinette le Hollandais Kulher qui devient chef moniteur de la firme, Hauvette-Michelin (qui devait malheureusement se tuer au meeting de Lyon), deux milliardaires, l’Américain H. Sands, et Walter de Mumm, de même que René Labouchère, Marie Marvingt et René Thomas, des sportifs de haut niveau devenus aviateurs et aviatrice. En mars 1910, Levavasseur rejoint Gastambide en Grande-Bretagne où les ventes des monoplans sont meilleures qu’en France.