UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Chocolat, Champagne, la Volupté de Dr Tran Ky

La côte des blancs sous la caresse du chardonnay

Ce cépage se sent parfaitement chez lui sur la Côte des Blancs comme sur la terre de Sézanne où affleure le socle crayeux. Il ne refuse pas non plus le versant nord de la Montagne de Reims.

Bien entendu, il n’a pas droit à la place d’honneur, sur le flanc sud bien ensoleillé, réservé au noble pinot noir.}

Notre chardonnay connaît sa propre mesure. Il se plaît sur tout sol pauvre, pourvu que la terre soit de nature calcaire. C’est à croire qu’il suivait à la lettre ce précepte de Saint Thomas, à savoir que :

Là où Dieu vous a semé, il faut savoir fleurir

Cette belle vigne est vraiment la compagne idyllique du pinot noir. Elle est douce, généreuse, réconciliante, réalise une union parfaite avec son prince au comportement imprévisible. Le chardonnay lui apporte l’élégance, la vivacité. Elle fait épanouir le pinot, canalise sa force, lui procure l’allégresse, tout en l’habillant de notes florales. Grâce à son dévouement et à sa discrétion, le pinot noir parviendra à une maturation éblouissante.

On doit avouer que ce mariage arrangé est réussi, bien que relativement tardif, un mariage de bonheur qui dure depuis plus de deux siècles.

Auparavant, le pinot noir menait une vie de célibataire endurci. Voilà pourquoi il a du caractère. Le chardonnay nous arrive aussi de Bourgogne, le berceau de bien des cépages royaux. On y trouve encore un charmant village nommé Chardonnay.
La Champagne doit beaucoup à son voisin bourguignon, même pour le pinot meunier. Et pourtant l’impitoyable « guerre des vins » qu’elle avait menée contre la Bourgogne durait des siècles.

Selon le grand ampélographe Pierre Galet, le chardonnay représente la vigne la plus ancienne de notre patrimoine viticole. Cette plante serait la fille aînée du muscat blanc dont elle a hérité une palette de parfums nuancés. D’autres explications, plus romantique, disent que ce cépage fut jadis introduit par les Croisés et les moines qui avaient arrangé l’hyménée entre le méroueh ( ou l’obaideh ) originaire de Syrie avec la lambrusca, une princesse gallo-romaine.

Par sa souplesse et son élégance, cette vigne jouit partout d’une célébrité incontestée, aimée de tous les viticulteurs du monde. Indifférente devant sa gloire universelle, elle reste modeste, toujours prête à rendre service afin que chante le champagne dans toutes les mélodies de sa gamme.

Les vertus de ces baies savoureuses sont telles que l’on parvienne même à champagniser un « blanc de blanc » irrésistible, composé de variations subtiles sur une seule note. Pas question. Les puristes comme les classiques exigent le « con fuoco » du pinot noir assorti par les accords fruités de son fidèle cousin, le pinot meunier.

Ces « afficionados » inconditionnés du champagne semblent avoir oublié que Dom Pérignon composait lui aussi sur une seule note… ! Mais c’était uniquement avec du pinot noir.

Suivant les terroirs, le chardonnay offre un style personnalisé : une élégance légère pour le cru d’Avise, une palette somptueuse pour les grappes de Cramant, un « vivace » enchanteur pour le blanc des Côtes de Mesnil-sur-Oger. Billy-le-Grand gardera un souvenir de noix. Trépail exprimera une onctuosité de miel dès que le soleil se montre clément. Ludes et Tours-sur-Marne charment par les effluves de leur « épinette » évoquant les fleurs de pommier…

La technique de l’assemblage des blancs est ici élevée au rang de l’art. A la myriade des crus de blancs, le chardonnay, fidèle à sa mission, leur façonne invariablement un maintient aristocratique, à condition qu’il soit bien élevé.

Cette baie se montre si créative, si opulente et si effacée que bien des Champenois et Savoyards la désignent par ce surnom affectueux de « petite Sainte-Marie ».

La technique viticole traditionnelle à Epernay comme dans l’Aude consiste à planter ce cépage plus serré (environ 8,000 pieds à l’hectare). On y applique la « taille à long bois », visant à concentrer la sève tout en évitant le feuillage touffu. Le chardonnay souffre des pluies anormalement abondantes de l’automne. Le rot blanc et la pourriture grise sont ses pires ennemis.

Par bonheur, son mûrissement est relativement précoce, avec un rendement moyen de 50 hectolitres par hectare. Vendangé trop tard, ce cépage a tendance à perdre son fruité. Cela risque d’entraîner une certaine « mollesse ». Ce phénomène se voit en cas de saison trop humide.

A part ces écueils, sa malléabilité demeure légendaire. Le chardonnay est l’un des rares à se montrer complaisant, toujours capable d’interpréter l’âme du terroir, de la saison, du temps. Lui seul sait conjuguer l’effort à la patience du vigneron talentueux. Sans la grâce de cette vigne élégante, le noble pinot noir ne sera qu’un vin épais au goût onctueux.