UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Avenue de Champagne - Epernay

Avenue de Champagne aux siècles derniers

En se référant à la numérotation actuelle des différentes constructions situées sur l’avenue et non en suivant un ordre d’installation chronologique, un certain nombre d’informations viennent compléter cette évolution.

Côté pair :

Les maisons Salmon et Chanoine Frères étaient situées respectivement aux n° 12 et n° 14 de la rue du Commerce, ce qui correspond au n° 18 de l’avenue de Champagne. La société Moët et Chandon en fît l’acquisition entre 1914 et 1920 en vue de leur démolition pour la construction de nouveaux locaux ; elle acheta également durant cette période la maison Papelard, sise au n° 22. L’installation au n° 14 de la maison Chanoine Frères eut lieu vers 1855 ; elle était dirigée alors par Jean-Baptiste et Jean-Louis Chanoine. En 1894, elle perdurait, tenue par le fils de Jean-Louis, Eugène Chanoine, mais se trouvait auparavant sur l’emplacement actuel des maisons de Venoge et Perrier-Jouet aux n° 26, 28 et 30. En effet, c’est en 1853 que Jean-Louis Chanoine, dit « Le Jeune », vendit à Henri Guillaume Piper, négociant à Reims, cette propriété qu’il avait acquise en 1825 d’un ancien négociant, Jacques François Marie Robert. Les frères Chanoine possédaient également des caves, rue de Bernon.

Les bâtiments du n° 30, construits par Kunkelmann et Cie, successeurs de H. Piper et Cie, furent achetés par la société de Venoge le 29 août 1899 qui quitta ses locaux de la rue Lochet et le surplus de la propriété, les n° 26 et n° 28 (qui appartient depuis 1930 à la maison Perrier-Jouet ; elle fut occupée entre temps par la maison Veuve A. Devaux) par la fille de Eugène Mercier, Marie Lucie Edwige, épouse Salmon.

Nous retrouvons mention des frères Chanoine pour les n° 34 et 36 avenue de Champagne puisque ce sont eux qui, en 1826, vendirent cet emplacement qui ne comportait pas encore de constructions au négociant Moïse Salomon Jolly. Ce dernier s’en défit en 1840 au profit de Nicolas Henry Chausson et de son frère Hippolyte Eugène qui créèrent la maison Chausson Frères. Henry Chausson devint le seul propriétaire en 1888 et c’est son unique héritière, la comtesse de la Poëze, qui vendra cet immeuble en juillet 1900 à la maison Pol-Boger, installée à proximité depuis 1849, rue Henri le Large et qui se portera acquéreur par la suite d’autres immeubles sur l’avenue de Champagne.

Durant la première guerre mondiale, les bâtiments du n° 34 et n° 36 subirent des dommages importants ; le n° 36, devenu une maison particulière, fut partiellement détruit, le n° 34 totalement, d’où la présence d’un bâtiment plus récent, édifié en 1930-1931.

Les bombardements anéantirent également la maison de maître, située au n° 32, propriété en 1851 d’un avocat, Monsieur Biston, puis en 1859 du docteur Edouard Perrier, dont la petite fille, Marie Charlotte Eugénie Papelard, épousa Louis Pierre Henri Gaëtan de Venoge, petit-fils de Henri Marc de Venoge, fondateur de la maison du même nom en 1839. La maison Pol-Roger acheta cette demeure à Madame de Venoge qui en 1926 était toujours administratrice de la S.A. de Venoge. Suite à divers achats effectués au début de la seconde moitié du XIXe siècle, le négociant Louis Plomb, époux d’une demoiselle Cornet, constitua sa maison, qui équivaut aux n° 38 et n° 40. Le décès, en 1892, de son fils Frédéric eut pour conséquence la cessation d’activité de l’entreprise familiale ; son second fils, Hugues, légua ses biens à la ville d’Epernay et c’est en 1920 que la Maison Pol-Roger achète ces immeubles qui n’ont plus usage de locaux de négoce.

Plusieurs maisons se succédèrent au n° 42, qui provenait originairement de l’abbaye d’Hautvillers. La maison Roussillon, en premier lieu de 1866 à 1877, puis la maison Bumiller, dirigée par Frédéric Bumiller de 1877 et 1888 et par son fils Georges de 1888 et 1890, date à laquelle il se séparera des bâtiments qui serviront de succursale à la société Veuve Monnier et Fils Limited, dont le siège était à Londres. Suite à la liquidation de la maison Monnier, le 17 avril 1896, le négociant Paul Deullin s’y installera jusqu’à son décès en 1912. Son fils Albert Louis Deullin vendra la propriété le 28 mars 1919 à la maison Pol-Roger qui loue aujourd’hui la partie où se trouvent les caves à la maison Vranken.

Lorsque le négociant Georges Wachter acheta le n° 44 en 1852, les deux corps de bâtiments existaient déjà, construits par Jean Melchior Godart après qu’il eut reçu le terrain en héritage de ses parents, Mr et Mme Godart-Roger, Sa fille, Marie Caroline Wachter, épouse de Joseph Constant Frédéric François, en hérita en 1895, ce qui permit d’agrandir la maison de Champagne créée en 1877 par son mari lorsqu’il eut acheté les bâtiments du n° 46, bâtis par le négociant Louis Isidore Godart-Bertrand. La propriété François-Wachter sera vendue à la maison Pol-Roger en 1912. Seuls les bâtiments du n° 46 ont continué à avoir une vocation commerciale : avant d’être rachetés, en 1995, par la maison Boizel qui y a entrepris des travaux de restauration, ses locaux de la rue de Bernon étant devenus trop exigus ; ils furent occupés par la Maison G.H. Martel et Cie jusqu’à son acquisition en 1979 par la société Rapeneau .

Côté impair :

Près du Château Perrier, au n°15, se trouvait la maison Thiercelin ; créée en 1822, elle fit partie des établissements fédérés par Eugène Mercier au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.

La maison Sosthène Thomas, installée au n° 17 en 1862, n’était plus inscrite sur la liste des négociants de l’annuaire de la Marne en 1876, remplacée par la Maison Prelot, elle-même disparue en 1880, permettant ainsi à Paul Deullin de s’établir de ce côté-ci de l’avenue avant son installation au n° 42 que nous avons évoquée précédemment.

Au cours du XXe siècle, les bâtiments qui furent partiellement détruits en 1918, servirent de locaux techniques à la maison de Venoge avant que ne s’y établissent André Charbaut en 1948, puis en février 1995, le groupe Vranken, nouvelle maison créée en 1975 par Paul François Vranken qui y transféra notamment les installations de production du Champagne Demoiselle S.A.

Le petit-fils de Jean Remy Moët, le comte Paul Chandon de Briailles, qui prit la direction de la maison Moët et Chandon en 1882, résidait dans une vaste propriété comprenant les n° 19, 21 et 23 avenue de Champagne dont les caves étaient utilisées par la maison Moët et Chandon. Cette prise de fonction est symbolisée par un vitrail commandé en 1889 par Paul Chandon à la société Gaudin et Cie de Paris, qui orne l’accès des caves réservé aux visiteurs de la maison Moët et Chandon, deux dates y sont inscrites : 1743 et 1882.

De cette propriété, seul subsiste l’hôtel particulier sis au n° 19 qui fut également habité par sa fille Jéhanne, épouse du comte Joseph Octave Gaston de Maigret. Un décret, en date du 16 novembre 1948, autorisa l’établissement de la congrégation des filles du divin rédempteur d’Epinal à acquérir cet immeuble qui devint une clinique chirurgicale dirigée par le Docteur Moreau. C’est depuis son intégration au groupe « Marne et Champagne » que la maison Besserat de Bellefon y a créé « L’espace Besserat de Bellefon ».

Les bâtiments les plus récents de l’avenue sont ceux qui appartiennent à la coopérative vinicole Esterlin au n° 25, dont la construction a débuté en 1993. Ils jouxtent des bâtiments plus anciens, les n° 25 ter et 27, qui appartenaient en 1862 à la famille Plomb-Cornet avant que Jean Eugène Albert Chausson ne s’y installa vers 1888 pour créer sa propre maison de Champagne dès qu’il eût vendu à son oncle Henry la part de la propriété qui lui revenait.

Au n° 37, c’est dans une demeure qui appartenait au début du siècle au directeur de l’usine à gaz d’Epernay, Monsieur de Billy, que s’est installée depuis 1987, la propriétaire du Champagne Vollereaux.

La propriété mitoyenne, le n° 39, ne fut pas, semble-t-il, utilisée à des fins commerciales mais elle était habitée en 1904 par le négociant Monsieur Lucien Charles Durand, gendre de Eugène Mercier, et en 1928 par René François Lallier, époux de Hélène Marie Deutz, qui dirigeait depuis 1904, la maison Deutz, créée en 1938 à Ay.

Le premier achat qu’effectua Eugène Mercier avant que ne soit constitué l’important parc immobilier de la maison Mercier, encore visible avenue de Champagne, fut en 1869 une colline située près d’une construction isolée, le château de Pékin, où il entreprit de faire creuser des caves. De 1872 à 1876, il acheta d’autres immeubles correspondant aux actuels numéros 74, 76, 77, 78, 80, 82 et 84 de l’avenue. Le n° 80, vendu en 1872 par le négociant Pougniet, comprenait des appartements, des caves, des vendangeoirs, des pressoirs, des chais et des bureaux. Il possédait également des caves au n° 69 avenue de Champagne qu’il céda à la maison de Champagne Boudin, rachetée en 1939 par la société Rapeneau.

L’acquisition la plus emblématique fut celle en 1873 du château de Pékin qui comportait également... toutes les installations nécessaires à la bonne marche d’une maison, entrepôts, pressoirs, celliers de dégorgement et d’expédition ainsi que des caves... Cette propriété appartenait en effet à François Abelé de Muller, adjoint en 1837 de la maison Abelé, située à Reims et qui créa sa propre maison en 1852 ; elle fut le siège de la société Mercier jusqu’en 1878, date de l’installation des bureaux au n° 75. Le 75 étant également devenu la nouvelle résidence d’Eugène Mercier, c’est sa fille Blanche, épouse du négociant Georges Lemaître, associé de la maison depuis 1892, qui vivait au château.

Les n° 71 et 73, où habitait en 1904 le chef des bureaux Paul Jobert, appartenaient aussi à la société . Les bâtiments construits au-dessus des nouvelles caves furent, quant à eux, achevés en 1880. En 1889, Eugène Mercier entreprit le creusement de nouvelles caves près des siennes, à la demande de la société de vins mousseux de Saumur, Bouvet-Ladubay dont le fondé de pouvoirs, Fernand Mérand, était désireux d’implanter une succursale en Champagne. L’édification des bâtiments de cette succursale, l’Union Champenoise, à laquelle au début du siècle Louis Boniface Florens, vicomte de Castellane, céda sa marque, eut lieu de 1889 et 1904 sous la direction de André Girard, directeur-gérant.

Textes C. Durepaire, S. Limoges et F. Leroy publiés par l’ORCCA et présentés avec leur aimable autorisation