UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

La protection des vins de champagne par l’appellation Roger Hodez

Chapitre II

La situation les divers Etats d’Europe

GRANDE BRETAGNE

Les appellations d’origine ne sont pas en Angleterre l’objet d’une réglementation spéciale. La protection résulte de l’ensemble des textes se rapportant aux marques et aux noms commerciaux. Le Merchandise Marks Act de 1887 [1] s’exprime dans les termes suivants (chapitre 28, art. 18) :
« Toutefois, si la désignation commerciale porte le nom d’un lieu ou d’un pays et qu’elle soit calculée de manière à induire en erreur sur le lieu de la production ou de la fabrication, cette section (relative aux désignations loyales et génériques) ne sera pas appliquée, à moins qu’il n’ait été ajouté à la désignation commerciale, immédiatement avant ou après le nom du pays, et en caractères également visibles, le nom du lieu ou du pays d’où les marchandises proviennent, avec la mention que c’est là qu’elles ont été produites ou fabriquées. »
Plus récemment l’ordonnance douanière du 26 février 1900 [2], commentée ensuite par divers règlements, tout en conservant pour base les mêmes principes, a fourni des précisions et étendu l’interdiction de la fausse désignation à toute déclaration ou indication fausse, directe ou indirecte.

La Grande-Bretagne a signé avec la France un traité de Commerce du 28 février 1882 [3] dont l’article 10 accorde aux Français en Angleterre l’assimilation aux nationaux pour tout ce qui concerne la propriété des noms commerciaux ou d’autres marques particulières indiquant l’origine ou la qualité des produits. Les liens avec l’Angleterre ont été resserrés en la matière par l’adhésion de ce pays à la Convention de Paris en 1884, et par la signature qu’il a apposée dès l’origine à l’Arrangement de Madrid de 1891 sur la répression des fausses indications de provenance.
En réalité la situation des appellations d’origine ne fut jamais en Angleterre aussi nette qu’on serait tenté de le croire ; la cause principale en est surtout dans l’influence prépondérante de la coutume et dans l’extrême liberté d’appréciation qui est laissée au juge.
A la Conférence de Rome de 1886, la délégation anglaise avait proposé une modification à l’article 10 de la Convention de Paris, qui représentait un réel progrès sur le texte primitif et accordait aux tribunaux le pouvoir de désigner les appellations qui, à raison de leur caractère générique, échappaient à la saisie. Nous avons vu plus haut que cette proposition n’avait pas abouti [4]. Quelques années plus tard, l’Angleterre signait le texte de l’Arrangement de Madrid, non sans de très grandes hésitations au sujet de l’article 4 in fine, hésitations qui motivèrent l’appui qu’elle donna plus tard, lors de la Conférence de révision de Bruxelles, en 1897, à la proposition de suppression de cet alinéa, formulée par les délégués hongrois. Mais l’Arrangement de Madrid est loin d’être généralement considéré par les Anglais comme ayant force de loi intérieure. Le rapporteur anglais au Congrès international du Commerce des Vins, Cidres, Spiritueux et Liqueurs, tenu à Bruxelles en 1910, s’exprimait ainsi à ce sujet [5] :
« C’est un point important dans la loi anglaise que des termes tels que ceux contenus dans la Convention de Madrid ou autres traités passés entre la Grande-Bretagne et d’autres pays, pour la protection des marques de fabrique et droits alliés de leurs sujets respectifs, ne sont pas reconnus comme ayant un effet légal, si ce n’est toutefois quand ils sont compris dans la loi municipale des divers pays... Les officiers de la couronne ne peuvent intervenir dans les droits et privilèges d’individus privés, existant comme tels dans la loi municipale, sous prétexte qu’un traité tel que la Convention de Madrid de 1891 doit être respecté. »
En effet, pour qu’un traité oblige le juge britannique, il faut, ou que ses clauses se trouvent déjà dans une loi existante, ou que le Parlement soit appelé à voter une loi les contenant en tout ou en partie. Or, depuis la ratification de l’Arrangement de Madrid par le chef de l’Etat, seul compétent, il n’y a pas de loi qui ait reproduit l’exception contenue dans l’article 4, et, de l’avis à peu près unanime des juristes anglais, cette stipulation n’est pas davantage contenue implicitement dans le Merchandise Act de 1887.
Il s’ensuit donc que si les tribunaux anglais n’appliquent pas l’Arrangement de Madrid, ce n’est pas parce qu’ils l’interprètent mal, mais parce qu’il n’est pas obligatoire pour les juges. Aussi, pendant plusieurs années, alors que la jurisprudence française était déjà nettement fixée sur le caractère de l’appellation « Champagne », l’Angleterre admettait encore l’introduction de vins mousseux français portant une étiquette telle que « Champagne de Saumur » qui, au regard du Merchandise Marks Act, ne semblait pas répréhensible. Toutefois cette tolérance cessa le 1er octobre 1893, conformément à un ordre général de l’Administration des douanes [6] :
« L’administration dont l’attention a été récemment appelée sur les marques des vins mousseux de France, informe par ces présentes les agents qu’à dater du 1er octobre prochain les mots « Saumur-Champagne » ou autres semblables, employés pour la désignation des vins mousseux de Saumur, ne devront plus être admis, suivant les conditions du Merchandise Marks Act. »
Malheureusement l’administration anglaise garda toujours ultérieurement une ligne de conduite permettant l’entrée des « Portos Allemands », « Bourgognes australiens » etc. En janvier 1906 un ordre du Conseil des Douanes prohibait à l’importation « les vins appelés Portos, provenant d’un pays autre que le Portugal, à moins toutefois qu’il ne soit clairement démontré que ces vins proviennent du Portugal, ou qu’ils ne portent la désignation précise du pays où ils ont été produits » [7]. La même règle s’appliquait aux vins d’Espagne.
Ainsi que concluait le rapporteur au Congrès de Bruxelles de 1910 [8] « la ligne de conduite adoptée par la loi anglaise en ce qui concerne les dénominations territoriales peut donc être résumée comme se basant sur ce point que, tant qu’il est donné une indication nette du pays d’origine, l’usage de dénominations régionales telles que le « Porto espagnol » ou le « Bourgogne australien » est parfaitement légal ». Depuis cette date est intervenu un traité de Commerce anglo-portugais de 1914 et 1916, en vertu duquel les désignations de « Porto » et « Madère » sont considérées comme de fausses étiquettes dans le sens de l’article 3 du Merchandise Mark Act, quand elles sont appliquées à des vins autres que ceux qui ne portent pas l’attestation portugaise de l’origine Porto ou Madère. Par voie d’accord particulier, le Portugal a donc obtenu la protection qui découle normalement de l’article 4 de l’Arrangement de Madrid.

Il nous reste à examiner si, malgré les lacunes de la réglementation anglaise, les usurpations du mot Champagne ont pu se donner libre cours dans ce pays. En 1884, le Consul de France dans l’une des plus grandes villes d’Angleterre, écrivait au ministre des Affaires étrangères que les trois quarts des vins vendus comme Champagne n’en étaient pas. Ce temps est déjà très loin : à cette époque le respect de l’appellation d’origine n’était guère développé, témoin la campagne de presse qui, en 1894 et en 1904, s’acharna en Angleterre à vilipender le vin de Champagne et à soutenir ceux qui écoulaient du cidre ou du vin sans alcool sous le nom de Champagne [9] ; en 1910, une revue des plus cotées continuait encore à défendre la désignation « British Champagne » [10]. Ainsi que nous avons eu l’occasion de le signaler plus haut, l’Angleterre est le pays où se trouvent des « champs de rhubarbe à Champagne, et de groseilles à maquereaux pour Champagne » ; le « Champagne de Pomme » y est encore actuellement en vente.

Heureusement, le public anglais étant très connaisseur en matière de Vins de Champagne ne prête pas attention aux vulgaires usurpations et sait en général déjouer les tentatives des commerçants adroits, mais peu scrupuleux, qui lui offrent des produits portant des désignations inexactes ou fallacieuses. Nous n’en devons pas moins regretter que, dans ce grand pays signataire de l’Arrangement de Madrid, soit encore toléré l’emploi, même mitigé, de désignations vinicoles pour des produits qui n’ont pas l’origine impliquée par ces appellations. Nous espérons que le courant actuel en faveur de la protection arrivera à vaincre les hésitations et les difficultés auxquelles l’Angleterre a à faire face pour aboutir à la protection efficace que nous souhaitons (1 )
(1) En octobre 1919, le Board of Trade nomma un Comité chargé de jeter les bases d’un projet de loi ayant pour objet de modifier et compléter le Merchandise Marks Act de 1887, notamment en ce qui concerne la question des indications de provenance. Dans son rapport, publié au Journal du Board of Trade du 24 juin 1920, le Comité envisage notamment l’action internationale pour obtenir l’unification des lois et de la procédure des divers pays ; le Comité conseille de faire des démarches pour obtenir l’adhésion de nouveaux pays à l’Arrangement de Madrid. Le projet de loi qui a été l’aboutissant de ces études a été présenté par le Board of Trade et voté en deuxième lecture en mai 1922. - Voir Propr. Ind. 1922, p. 71 et suiv.

ESPAGNE

La situation en Espagne est toujours restée bien précaire en ce qui concerne la protection des appellations d’origine vinicoles étrangères, notamment des appellations « Cognac » et « Champagne », malgré que ce pays soit signataire de la Convention d’Union de Paris et des Arrangements de Madrid depuis leur origine. La base de la réglementation intérieure est la loi de propriété industrielle du 16 mai 1902 [11] avec son règlement du 12 juin 1903.
Aux termes de l’article 125 de la loi, « nul n’a le droit de faire usage du nom d’un lieu de fabrication pour désigner un produit naturel ou fabriqué provenant d’un autre lieu ». L’article 126 ajoute : « il n’y a pas fausse indication de provenance, lorsqu’il s’agit de la dénomination d’un produit au moyen d’un nom géographique qui, ayant pris un caractère générique, indique dans le langage commercial la nature et le nom d’origine du produit. Cette exception n’est pas applicable aux produits vinicoles ».
L’ordonnance royale du 28 décembre 1901 [12] oblige dans son article 1er à indiquer sur toute étiquette en langue étrangère couvrant un produit espagnol, le lieu de préparation ou de fabrication et le nom du fabricant.

C’est d’après cette réglementation et en s’adaptant aux habitudes locales, beaucoup plus que d’après les idées directrices de l’Arrangement de Madrid, que s’est formée la jurisprudence espagnole. Du reste, une première traduction espagnole de l’Arrangement, publiée dans la Gaceta de Madrid du 7 novembre 1893 rendait les mots « indications de provenance » par « certificados de origen » : les termes dont s’est servi le traducteur ne permettent pas de comprendre la portée de l’arrangement telle qu’elle a été dans la pensée de ceux qui ont concouru à son établissement et des plénipotentiaires qui l’ont signé ; aussi les commerçants espagnols, en présence d’une usurpation de l’appellation « Champagne », pouvaient-ils prétendre que l’arrangement ne s’appliquait pas, puisqu’il n’y avait pas de « certificat d’origine ». En réalité, en matière d’actes internationaux rédigés en français, c’est le texte original français et non les traductions qui doivent faire foi ; mais comme il n’y a pas de jugement espagnol sur ce point, nous ignorons si ce principe serait appliqué m Espagne.
Ce pays est revenu sur cette traduction erronée, qui était de nature à réduire à néant les effets de l’Arrangement et la Gaceta de Madrid du 3 avril 1897 contient une traduction rectifiée où les termes en question ont été rendus par ceux de « indicaciones de procedencia ». Il est donc certain que la première traduction ne peut plus maintenant être invoquée avec quelque apparence de fondement. Cet exemple montre bien cependant que si l’Arrangement a été accepté par l’Espagne dans son texte, après qu’elle eut opposé à Madrid et à Bruxelles une vaine résistance à l’insertion de la disposition relative aux produits vinicoles, il n’a pas été compris dans son esprit, et les dispositions qui laissent une certaine liberté d’appréciation, sont restées dans la plupart des cas lettre morte, lorsqu’elles ne cadraient pas exactement avec la réglementation intérieure.
Au point de vue de la protection du mot « Champagne » la situation semble se présenter de la manière suivante : s’il s’agit d’un vin étranger portant l’appellation « Champagne » et n’y ayant pas droit, l’importation en Espagne en sera prohibée, et il pourra être procédé à la saisie en douane. Mais pour un vin fabriqué en Espagne et présenté sous la dénomination « Champagne » ou « Champan », la question est beaucoup plus délicate et d’une solution variable suivant les espèces. Lorsqu’il y a usurpation du mot « Champagne » lui-même, sans que l’étiquette porte d’indication d’origine, la poursuite peut avoir des chances sérieuses de succès, car le cas en lui-même tombe sous le coup de l’article 125 de la loi de 1902. Si par contre le fabricant se sert des mots « Champan » ou « Coñac » par exemple, il n’est plus possible d’être aussi affirmatif : ce mot « Champan » n’existe cependant pas dans la langue espagnole et il est bien évident que son emploi n’a d’autre but que de créer la confusion, d’autant plus que sa prononciation est absolument la même en espagnol que celle du véritable mot « Champagne ». Mais, au point de vue espagnol, « Champan » n’est pas le nom d’un lieu de fabrication et son emploi n’est donc pas poursuivable de la même façon que celui de « Champagne ». Du reste, les producteurs espagnols de faux Champagne cherchent à se couvrir en indiquant le lieu réel de fabrication du produit et le nom du fabricant, conformément à l’article 1 de l’Ordre Royal du 28 décembre 1901 : « sur toute bouteille qui contient des produits espagnols, sur lesquels on fixe des étiquettes en langue étrangère, l’on devra indiquer que ledit produit a été préparé en Espagne, en exprimant le lieu de préparation ou de fabrication et le nom du fabricant ». Le décret interprétatif du 22 décembre 1908 admet dans ce cas l’emploi des mots « Champagne » et « Cognac » comme n’étant pas en contravention avec la loi de 1902, C’est en réalité leur reconnaître alors le caractère générique que l’article 126 de la loi de 1902, calqué sur l’article 4 de l’Arrangement de Madrid, semblait écarter expressément pour les produits vinicoles.
Plusieurs tentatives ont été faites par des producteurs français pour réprimer les nombreuses usurpations des appellations vinicoles françaises. Il a parfois été possible d’obtenir satisfaction à l’amiable principalement pour l’étiquetage des bouteilles, mais beaucoup plus rarement pour les annonces.— Une longue instance a été engagée par la Compagnie fermière de Vichy contre deux sociétés espagnoles, dites « Vichy-Catalan » et « Vichy-Caldensee, qui avaient été autorisées par ordres royaux des 15 juillet 1891 et 30 juillet 1892 : à la suite des démarches faites par la Compagnie fermière, un ordre royal du 26 mai 1903 rapporta les décisions précédentes ; cassé pour motif de forme, il fut repris par un ordre du 30 juillet 1907 qui, visant la Convention de 1883 et l’Arrangement de Madrid de 1891, défendait aux sociétés espagnoles de prendre le nom de « Vichy » qui est celui d’une localité et d’une propriété situées en France [13]. Mais le Tribunal Suprême, par sentence du 28 novembre 1908, révoqua l’ordre royal pour ce motif que le ministre ne pouvait annuler l’effet d’un de ses arrêtés et qu’il aurait dû recourir à la voie contentieuse et dans les délais légaux pour faire annuler la concession du nom de « Vichy-Catalan ». Mais dans un cas pareil, l’action en révision des arrêts de concession de marque est prescrite par quatre ans ; d’autre part, les juristes espagnols admettent qu’en vertu du principe de non-rétroactivité des lois, une marque comportant par exemple, le mot « Champagne » et déposée avant la loi du 16 mai 1902 ou à plus forte raison avant la ratification de l’Arrangement de Madrid par l’Espagne (7 novembre 1893), serait inattaquable. De plus, la propriété des marques se prescrit par trois ans. Aucun recours ne serait donc recevable dans de tels cas.
Cette théorie nous apparaît vraiment excessive au regard de nos principes juridiques, mais le fait qu’elle est soutenue par des jurisconsultes espagnols éminents laisse craindre qu’elle ’trouve des défenseurs dans le corps des tribunaux et elle est de nature à entraver très fréquemment les actions qui pourraient être engagées contre les usurpateurs les plus notoires de l’appellation « Champagne ». Il devient en outre nécessaire de surveiller attentivement tous les nouveaux dépôts de marques pour user du droit d’opposition dans les délais légaux.

Notre Gouvernement, se rendant compte des lacunes considérables que présente la réglementation actuelle espagnole et désirant obtenir la répression des usurpations qui se multiplient sans cesse en Espagne, obtint lors de la conclusion du récent accord commercial du 8 juillet 1922 [14] l’insertion d’une disposition prévoyant que, dans les six mois de la signature de l’accord, s’ouvriraient des négociations portant sur l’interprétation et l’application de l’Arrangement de Madrid. Mais il ne semble pas jusqu’ici qu’il ait été donné suite à ce projet dont l’aboutissement serait cependant bien nécessaire.

Portugal

Si le commerce français s’est vu obligé d’adresser, depuis la guerre, de fréquentes récriminations à l’occasion des obstacles que l’un et l’autre gouvernement ont apportés aux relations commerciales entre les deux pays, il est cependant forcé de rendre justice au Portugal, un des rares pays qui aient fidèlement défendu les appellations d’origine, particulièrement celles des produits vinicoles. Signataire de la Convention de Paris et de l’Arrangement de Madrid [15] dès leur origine, ce pays y a conformé sa jurisprudence et sa réglementation intérieure.
La loi du 21 mai 1896 [16], inspirée par les études allemandes sur la concurrence déloyale qui avaient abouti à la loi aujourd’hui abrogée du 27 mai 1896, pose, notamment dans son titre VIII, l’interdiction d’employer des noms géographiques pour indiquer la provenance de marchandises qui n’ont pas été réellement produites, travaillées ou transformées dans le lieu indiqué ; cette loi punit également l’emploi d’enseigne, de nom, de marques susceptibles de créer une confusion et elle condamne l’emploi de termes tels que « préparé selon la formule de », « d’après les procédés de » etc. La loi de 1908 complète l’œuvre de celle de 1896 et on peut dire que c’est l’Arrangement de Madrid qui est la base de la protection des appellations d’origine au Portugal.
Le Portugal a songé, l’un des premiers, à délimiter les zones de production de ses vins. Pour le vin de Porto, ce fut l’œuvre des décrets des 27 novembre 1908, 18 avril 1911, 16 juin 1914, et 10 juillet 1918 remplacé par celui du 10 décembre 1921 [17].

Quant aux vins de Madère, ils sont assujettis au décret du 11 mars 1909. Les régions de production des vins de Collarès, Bucellas, Carcavellos, Setubal et Dão sont aussi délimitées. Outre la délimitation proprement dite, ces textes contiennent une réglementation très sérieuse de la production et du commerce de ces vins qui est de nature à donner toute garantie au consommateur sur la véritable origine du produit et sur la loyauté de sa fabrication [18]. Dans ces conditions, le Gouvernement français s’est décidé à rendre applicable aux vins de Porto et de Madère, par décret du 1er juillet 1922 [19], les dispositions de l’article 12 de la loi du 6 mai 1919 qui impliquent ainsi l’ouverture de comptes spéciaux de Régie pour ces vins. Le Portugal a obtenu de l’Angleterre, dans les traités de commerce de 1914 et 1916, l’interdiction de la vente de Portos et Madères n’ayant pas une origine portugaise, et il s’est assuré la même protection en Allemagne [20] et en Autriche-Hongrie [21].

Les usurpations de l’appellation Champagne au Portugal n’ont jamais été ni bien nombreuses, ni très graves. En 1897, à la Conférence de révision de Bruxelles, le délégué espagnol chercha à s’appuyer sur elles pour montrer que l’article 4 de l’Arrangement de 1891 était interprété par presque tous les contractants comme permettant l’emploi d’une indication géographique de provenance inexacte, du moment que la véritable origine y est mentionnée également. On a pu constater, disait-il, que la fabrication du Champagne est officiellement reconnue au Portugal ; il s’appuyait sur ce fait qu’en 1895 et 1896, on avait présenté à l’enregistrement douze marques portant toutes les mots « Champagne » ou « champagnisé » et que celles-ci avaient été enregistrées au bout de six mois, après l’examen préalable exigé par la loi portugaise. M. de Séguier, délégué du Portugal à la Conférence, rétablit les choses en expliquant que c’était par suite d’une erreur que les marques « Champagne portugais », « Sauternes portugais », non admises en fait à l’enregistrement, avaient été insérées au bulletin de la Propriété industrielle. En ce qui concerne les marques de « Cognac », M. de Séguier reconnut qu’elles avaient été enregistrées parce que le gouvernement portugais considérait l’expression « produits vinicoles » employée dans l’Arrangement de Madrid comme synonyme de « vins » et non de « vins et leurs dérivés » : le Portugal classant le Cognac parmi les dérivés du vin ne s’était pas cru tenu de lui accorder la protection donnée au vin [22]. Sur les instances de la France, le Portugal se rallia du reste à notre point de vue et fit rentrer le Cognac dans les produits vinicoles visés par l’Arrangement.

Ce que l’on rencontre maintenant au Portugal ce sont plutôt des abus de langage ou d’annonce : un fabricant de vin mousseux accole le nom de Champagne au sien dans une réclame et précise même que son produit vaut ceux de Reims, sans plus chercher cependant à faire croire à l’origine champenoise ; un autre offre son « Champagne portugais », dont l’étiquette n’est du reste nullement répréhensible, pendant qu’un troisième fabricant de la région de Lamego, tente de lancer un « Champagne national ». Tous les intéressés sont du reste parfaitement d’accord sur la nécessité d’obtenir la cessation de ces emplois du mot Champagne qu’il serait dangereux de tolérer, même dans un pays à législation protectrice.

SUISSE

La base de la législation suisse en matière d’appellation d’origine est la loi fédérale sur les marques, du
26 septembre 1890 [23], notamment ses articles 18, 20, 25, 26 et 27.

L’article 18 donne la définition suivante : « L’indication de provenance consiste dans le nom de la ville, de la localité, de la région ou du pays qui donne sa renommée à un produit. L’usage de ce nom appartient à chaque fabricant ou producteur de ces ville, localité, région ou pays, comme aussi à l’acheteur de ces produits. Il est interdit de munir un produit d’une indication de provenance qui n’est pas réelle ». L’article 26 punit « quiconque, sur ses enseignes, annonces, prospectus, factures, lettres ou papiers de commerce, fait usage indûment d’indications de provenance… ». L’ordonnance du 8 mai 1914, concernant le commerce des denrées alimentaires, rendue en exécution des articles 11 et 54 de la loi fédérale du 8 décembre 1905, « interdit de mettre des denrées alimentaires dans le commerce sous des dénominations de nature à tromper l’acheteur » (art. 3) et, aux termes de l’article 173, « lorsque des vins sont mis dans le commerce avec des indications portant sur leur origine (pays, région, cru, cépage, etc.), ces indications doivent être conformes à la réalité et exclure toute possibilité de confusion ». Les articles 50, 51 et 59 du Code fédéral des obligations [24] peuvent être invoqués, en tant qu’il y a, ’en l’espèce, concurrence déloyale. Les dispositions de la loi de 1890, relatives à l’enregistrement des marques, sont également à noter : d’après l’article 14, n°4, l’Office doit refuser l’enregistrement lorsque la marque porte une indication de provenance évidemment fausse. Malheureusement l’article 13, n° 5 du règlement d’exécution ajoute la condition suivante : « si cette indication n’est pas accompagnée de la mention de la raison de commerce et de l’adresse de l’établissement du déposant ». [25] Au point de vue international, la Suisse a adhéré dès l’origine à la Convention de Paris et aux deux arrangements de Madrid. Reste à voir comment la situation se présente en fait dans ce pays pour l’appellation Champagne en particulier et comment on peut espérer l’améliorer.
La dénomination Champagne est employée par les fabricants suisses de diverses manières : sur le produit lui-même ou seulement dans l’annonce, seule ou accompagnée d’un correctif mentionnant l’origine réelle. Suivant les cas, la répression de ces abus pourra être envisagée diversement. L’emploi d’une fausse indication de provenance dans l’annonce du produit ne tombe pas directement sous le coup de la Convention d’Union, ni de l’Arrangement de Madrid, ainsi qu’il a été jugé par le Tribunal fédéral [26] ; par contre l’article 26 de la loi fédérale de 1890 que nous avons rapporté plus haut vise ce cas et il semblerait que la suppression de tels abus doive s’obtenir facilement en vertu de ladite disposition ; il n’en est rien cependant, car la plupart du temps l’appellation Champagne sera accompagnée, soit du mot « suisse », soit du nom et de l’adresse du fabricant suisse, et de nouvelles difficultés d’interprétation entraveront l’application delà loi. Ces objections se présentent du reste également lorsqu’il s’agit de l’emploi de la dénomination Champagne, accompagnée d’un de ces correctifs, sur l’étiquette même. Nous prétendons que malgré ces atténuations l’apposition du mot Champagne reste délictueuse au regard de la loi suisse et nous pouvons étayer notre opinion sur un arrêt du Tribunal fédéral
(Cass. pénale) rendu le 22 mars 1921 :

« Même une appellation qui n’est pas, à proprement parler, mensongère, est contraire aux prescriptions fédérales, lorsqu’elle n’exclut pas toute possibilité de confusion. Peu importe que dans le cas concret, l’acheteur ait ou non été trompé, il suffit que, d’une façon générale, la dénomination soit de nature à tromper le public, c’est-à-dire à l’induire en erreur sur la nature ou les qualités de la marchandise... Le vin est avant tout un produit naturel. Ses qualités essentielles ne proviennent pas du mode de fabrication, mais du plant, du cépage, de la région, du sol où la vigne a crû... »
Nous ajouterons qu’admettre la légalité de l’emploi de l’appellation Champagne, accompagnée d’un correctif, c’est reconnaître à celle-ci le caractère générique et se placer en contradiction formelle avec les termes impératifs de l’Arrangement de Madrid, en ce qui concerne les produits vinicoles. Il en résulte, a fortiori, que l’emploi du mot Champagne seul et sans indication de l’adresse du fabricant suisse est formellement condamné, tant par l’Arrangement de Madrid que par les dispositions intérieures que nous avons étudiées, et cette fois sans
qu’aucune excuse puisse être invoquée et entraver l’action pénale (si c’est celle-ci qui a été intentée), comme cela serait à craindre « lorsque la contravention aura été commise par simple faute, imprudence ou négligence » (art. 25 de la loi de 1890).
Une difficulté spéciale peut surgir cependant lorsqu’il s’agit de fabricants suisses qui affirment n’employer que des vins originaires de la Champagne ; malgré que cette prétention soit généralement en partie inexacte et que les fabricants en question se bornent vraisemblablement à importer seulement une partie de vins
d’origine champenoise, l’hypothèse est cependant réalisable et mérite d’être examinée. L’Arrangement de Madrid n’est pas explicite sur ce point et l’étendue de son application ne peut être déterminée qu’en considérant les législations intérieures. D’après une opinion que nous considérons comme la plus équitable, les conditions à exiger d’un produit d’origine pour qu’il revête l’appellation qui fait sa renommée, doivent être déterminées d’après la loi du pays qui donne le jour à cette appellation et si l’on veut que l’Arrangement de Madrid règne au-dessus des jurisprudences nationales et tende à les unifier, il y a lieu d’adopter cette règle. Or, en l’espèce, les usages français confirmés par la jurisprudence et la loi, sont formels et refusent l’appellation Champagne au vin originaire de Champagne mais dont la fabrication n’a pas été effectuée entièrement dans cette région. Le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la question du lieu de fabrication de la bière (arrêt du 9 juin 1908). « La dénomination « Basler-Bier » est une indication de provenance qui, aux termes des articles 18 à 20 de la loi du 26 septembre 1890, ne saurait être apposée sur des bouteilles contenant de la bière non fabriquée à Baie ». La situation n’est évidemment pas la même pour le vin de Champagne que pour la bière, mais la tendance protectrice qu’indique cet arrêt permet d’espérer que si la question était soulevée devant les Tribunaux suisses, ils pourraient se rallier à la définition française du vin de Champagne, produit récolté et fabriqué dans la région de ce nom. Mais la multiplicité des abus, plus ou moins graves, constitue un danger en ce sens que l’opinion publique risque d’être faussée par des errements déplorables ; il en résulte une incertitude funeste ainsi que des difficultés et retards dans la revendication des droits méconnus. Cependant la Suisse étant l’un des pays dans lesquels l’habitude de la réglementation est le plus profondément ancrée, on peut espérer que cette tournure d’esprit se traduira en faveur de la protection absolue des appellations d’origine des produits vinicoles.

BELGIQUE

La Belgique est, proportionnellement à son étendue et à sa population, un des meilleurs marchés pour les produits vinicoles français. Aussi le grand souci de leurs producteurs est-il d’arriver à obtenir dans ce pays une protection efficace des appellations d’origine. Malheureusement, si les marques ont fait l’objet de deux lois spéciales [27], il n’en est pas de même du nom commercial et des indications de provenance, pour lesquels on ne peut invoquer que la protection générale du Code : l’article 1382 du Code civil, aux termes duquel « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » ; l’article 191 du Code pénal qui punit l’apposition frauduleuse d’un nom commercial usurpé, et l’article 498 frappant celui qui aura trompé l’acheteur ; a) sur l’identité de la chose vendue, en livrant frauduleusement une chose autre que l’objet déterminé sur lequel a porté la transaction, b) sur la nature ou l’origine de la chose vendue, en vendant ou en livrant une chose semblable en apparence à celle qu’il a achetée ou qu’il a cru acheter.

La Belgique est, de plus, adhérente à la Convention de Paris : mais non à l’Union restreinte de Madrid, et dans toutes les Conférences officielles où l’on a cherché à entraîner les délégués belges dans la voie d’une protection plus efficace, on s’est heurté à une fin de non-recevoir. A la Conférence préliminaire de Paris en 1880, l’attention de la délégation belge avait été attirée sur le grand nombre de produits portant en Belgique une indication mensongère de lieu de provenance, mais le délégué belge déclara que ce serait compromettre le succès de la convention que de « vouloir entrer en lutte avec des habitudes, des usages certainement mauvais et blâmables, mais absolument invétérés ». A la conférence de révision de Rome, en 1886, la proposition franco-anglaise destinée à renforcer la répression des fausses indications d’origine fut annihilée par l’adoption de l’amendement belge admettant la fausse indication lorsqu’il y a accord entre le vendeur et le propriétaire du nom usurpé [28]. Et lorsqu’on 1891. à Madrid, les représentants belges furent mis en face du texte définitif de l’Arrangement, ils s’abstinrent de voter.
II semble qu’une grande partie du public belge ait de tout temps répugné à adhérer à cet Arrangement ; les raisons qui ont été données de cette attitude sont multiples : tout d’abord on met en avant le désir patriotique de ne pas porter atteinte à certaines industries nationales qui seraient touchées par cette adhésion, et on va jusqu’à dire que le rôle des intermédiaires disparaîtrait complètement de ce fait. C’est une erreur complète pour ce qui est du commerce loyal ; celui qui ne vit que de l’imitation frauduleuse serait naturellement frappé très durement ; le véritable commerce ressentirait peut-être pendant les premiers temps une certaine gêne, mais celle-ci disparaîtrait au fur et à mesure qu’il s’adapterait à la situation nouvelle. Les produits belges au début peu connus acquerraient rapidement une notoriété suffisante pour pouvoir être vendus avec l’indication exacte de leur origine ; un exemple nous en est fourni par les noms des bières belges : il semblait avant-guerre qu’il eût été impossible de ne pas se servir des noms de « Pilsen », « Munich » etc. pour désigner des bières belges ; l’expérience a montré que celles-ci se vendent aussi bien sous les nouveaux noms belges qui ont été substitués aux noms allemands. Il en serait de même pour les fromages des Flandres actuellement vendus sous les fausses désignations de « Camembert » ou « Brie ».
On a fait valoir également que la réglementation française n’était pas parfaite et qu’elle n’excluait pas toute possibilité de confusion, notamment lorsqu’il s’agissait de vins n’ayant pas droit à une appellation d’origine, mais cependant expédiés d’un pays réputé pour ses produits d’origine et portant sur l’étiquette le nom de ce pays comme adresse du négociant. Il faut reconnaître que cette critique comporte une grande part d’exactitude, mais est-il permis de dire que, parce que certaines confusions peuvent encore se produire du chef de l’étranger, il faut renoncer à réprimer tous les abus autrement graves qui se passent dans son propre pays ? Or ceux-ci ont été formellement reconnus par le commerce belge. Quant au consommateur, c’est lui qui se trouve être la première victime de ces fraudes et il mérite bien que son intérêt soit quelque peu pris en considération. La Belgique a beau être un pays épris de liberté, la réglementation s’y impose pour lutter victorieusement contre les abus, et l’adhésion à la Convention de Madrid a semblé l’un des moyens les plus simples d’entrer dans cette voie.
Depuis 1891, il s’est produit une évolution sensible de l’opinion belge à ce sujet. « Depuis 1891, écrivait la Revue vinicole Belge [29], les idées de protection commerciale ont fait un chemin si considérable que c’est avec un profond étonnement qu’on enregistre cette défection de la Belgique. » Au Congrès de 1910 de l’Association internationale pour la protection de la Propriété industrielle, MM. de Ro et Tillier, rapporteurs belges, insistèrent sur la nécessité pour la Belgique d’adhérer à l’Arrangement, et le Congrès adopta leurs conclusions [30]. Quelques semaines plus tard s’ouvrait également à Bruxelles le Congrès international du Commerce des Vins, Cidres, Spiritueux et Liqueurs [31], et le commerce belge ne pouvait alors rester indifférent à la question, mais sur l’application du principe de répression des abus, deux tendances se manifestèrent : d’une part, la prohibition sans réserve de toutes les fausses appellations d’origine ; de l’autre l’application du système mitigé des Anglais : l’emploi de toute appellation est loyal et licite pourvu que l’origine soit indiquée expressément.

Cette dernière solution avait la faveur du Syndicat des Courtiers en Vins de Belgique dont le rapporteur proposait le vœu suivant : « Que la Convention de Madrid soit révisée dans un sens libérale, de façon à amener l’adhésion des Etats non contractants, tout en maintenant les principes essentiels qui sont la base de la Convention ». [32] Peu après, le Gouvernement belge prépara l’étude d’un projet de loi sur la police du commerce, qui fut déposé en 1912, mais n’aboutit pas : ce projet comportait l’interdiction absolue de toute fausse indication de provenance. Cette initiative montre bien que les sphères officielles s’étaient rendu compte de la nécessité d’édicter une réglementation sévère ; mais celle-ci, étant unilatérale, ne pouvait comporter pour les ressortissants belges les avantages qu’eût impliqués l’adhésion à l’Union restreinte. Aussi la Belgique se mit-elle alors à étudier avec la France l’éventualité de l’adhésion.
La guerre interrompit ces projets qui furent repris ensuite à l’occasion des négociations économiques, notamment de celles relatives à la suppression des surtaxes d’entrepôt. Les deux courants opposés ont continué à se manifester et une grande partie du commerce, par crainte des restrictions qu’impliquerait la réglementation de Madrid, penche encore pour le statu quo. C’est ainsi que l’Union professionnelle Belge des négociants en vins et spiritueux ayant consulté au début de 1922 les organismes qui la composent, obtint seulement trois réponses en faveur de l’adoption de la Convention, et neuf contre [33] : les arguments qui s’opposent à l’adhésion et que nous avons réfutés plus haut produisent encore une certaine impression sur bon nombre d’honorables, commerçants belges qui font ainsi, malgré eux, le jeu des contrefacteurs ; — A une séance ultérieure, l’Union professionnelle tout en continuant à rejeter l’adoption de l’Arrangement de Madrid, décida « de ne pas repousser a priori l’examen de nouvelles suggestions du côté français » [34].
Pendant le même temps, des vœux plus encourageants étaient émis par l’Association nationale Belge pour la Protection de la Propriété industrielle dans sa session des 3-4 avril 1922, à Bruxelles : l’exception en, faveur des produits vinicoles fut comme toujours l’objet de vives attaques, puisque ce sont les seules appellations sur lesquelles les tribunaux locaux n’ont aucun pouvoir d’appréciation. Mais la thèse de la protection absolue l’emporta et la réunion, à une très grande majorité y adopta le vœu suivant : « Il est désirable de voir tous les pays de 1’Union rendre efficace l’article 10 de la Convention d’Union en organisant la saisie à l’importation. Il est également souhaitable qu’un plus grand nombre d’Etats, et notamment la Belgique, adhèrent à l’Arrangement de Madrid ». [35]

L’acceptation de l’adhésion à l’Arrangement par de très nombreuses personnalités belges permet d’espérer que d’ici peu les résistances qui y sont encore aujourd’hui opposées, finiront par s’effacer. Lorsque la Belgique sera définitivement entrée dans cette voie, elle pourra exiger de l’Allemagne, l’application de l’article 275 du Traité de Paix qui assurera aux deux pays une protection réciproque efficace. Pour que nous obtenions en Belgique le respect de l’appellation Champagne, il est absolument nécessaire que nous puissions nous appuyer sur des dispositions plus précises que celles des articles 1382 du Code civil et 468 du Code pénal.
Les usurpations les plus variées se donnent libre jeu : le mot « Champagne » couvre la plus grande partie des vins mousseux ordinaires,’ et des fabricants belges, au besoin à la faveur de quelques importations de vins français, en arrivent non seulement à laisser croire que leur vin est du Champagne, mais même à le préciser sur leurs notices. Le consommateur est ainsi complètement égaré et, si l’on fait exception pour les vins de quelques grandes marques connues depuis longtemps en Belgique, les contrefaçons arrivent à être mises sur le même pied que les vins de Champagne véritables [36]. La poursuite est très aléatoire, car les lacunes des textes permettent toutes les échappatoires aux fraudeurs audacieux. Le seul remède qu’attend le producteur français, c’est l’adhésion à l’Arrangement de 1891 ou la signature d’un accord qui reproduise ses dispositions intéressant les produits vinicoles, en les précisant pour éviter toute discussion d’interprétation.

LUXEMBOURG

Le régime des marques présente de très grandes analogies avec les systèmes français et belges (loi du 28 mars 1883), [37] et un accord franco-luxembourgeois du 27 mars 1880 nous assurait la protection ; depuis le 30 juin 1922, le Luxembourg est adhérent à la Convention de Paris. La répression des fausses indications de provenance n’est assurée que par l’article 10 de cette convention et par les règles du droit commun sur la concurrence déloyale.

ALLEMAGNE

La législation allemande qui peut s’appliquer au domaine de la protection des appellations d’origine comprend la loi fondamentale sur les marques du 12 mai 1894 [38], l’ancienne loi du 27 mai 1896 sur la concurrence déloyale, la loi sur les vins mousseux du 24 mai 1901 [39], la loi du 7 avril 1909 sur le commerce des vins [40] et la loi du 7 juin 1909 sur la concurrence déloyale [41]. La fausse indication de provenance est réprimée par les articles 16, 17 et 22 de la loi de 1894 sur les marques et par l’article 1 de la loi de 1896 sur la concurrence déloyale : l’indication de fausses désignations de provenance, si elles sont de nature à provoquer une offre particulièrement favorable, donne à tout concurrent ou toute société compétente le droit de poursuite. En outre des dommages-intérêts peuvent être demandés si le contrevenant connaissait ou devait connaître l’inexactitude de l’indication.

Malheureusement, l’addition suivante transporte la question sur un autre terrain, celui du caractère générique ou non de l’appellation : « L’emploi de dénominations qui, suivant l’usage commercial, servent à désigner certaines marchandises, sans être destinées à en indiquer la provenance, ne tombe pas sous le coup de cette disposition ». La grande difficulté sera donc de prouver que le mot « Champagne » n’est pas, d’après les usages commerciaux allemands, un terme générique [42]. — L’article 6 de la loi de 1901 sur les vins mousseux, les articles 6, 17, 26 à 31 de la loi de 1909 sur les vins sont conçus dans le même esprit, mais de plus, les vins mousseux « doivent porter une appellation qui fasse connaître le pays où ils ont été mis en bouteilles ». La loi de 1909 sur la concurrence déloyale organise une protection générale et atteint notamment l’annonce mensongère.
Les Français peuvent invoquer en Allemagne le bénéfice de la Convention d’Union de 1883, à laquelle
L’Allemagne a adhéré le 21 mars 1903 et de l’Arrangement de 1891 sur l’Enregistrement international des marques accepté tout dernièrement par l’Allemagne [43], mais jusqu’à ces derniers temps l’adhésion à l’Arrangement de Madrid sur les fausses indications de provenance, quoique ayant de nombreux partisans, n’avait pas semblé possible. Une aire nouvelle va s’ouvrir maintenant du fait des dispositions des articles 274 275 du Traité de Versailles et des conséquences importantes qu’elles entraînent.
En ce qui concerne le mot « Champagne », la protection est toujours restée insuffisante : en effet la loi sur
les vins mousseux admet implicitement l’usage de l’expression « Champagne Allemand » qui contient l’indication de la provenance, et d’autre part la loi de 1909 sur les vins, en autorisant dans ses articles 7 et 8 le coupage des vins et l’application à ce mélange du nom de son élément dominant et caractéristique, a évidemment porté échec aux appellations d’origine.
Cependant de très gros efforts ont été accomplis en Allemagne dans le sens de la protection des appellations vinicoles et tout particulièrement de l’appellation « Champagne ». Un mouvement d’une réelle ampleur s’y dessina dès le début du siècle, en faveur de l’adhésion à l’Arrangement de Madrid sur les fausses indications de provenance. Il se propagea en particulier à l’occasion du Congrès international de la Propriété industrielle qui se tint à Berlin, du 25 au 30 mai 1904, sous les auspices, de l’Association internationale pour la Protection de la Propriété industrielle. — Un rapport fort documenté sur l’Arrangement de Madrid fut présenté par le docteur Richard Alexander-Katz, avocat à la Cour de Berlin [44]. Il concluait que l’adhésion à l’Arrangement de Madrid aurait pour l’Allemagne un intérêt essentiel, mais sous réserve de certaines modifications, parmi lesquelles la suppression de l’addition à l’article 4 qui retire aux juges tout pouvoir d’appréciation quant au caractère des appellations régionales de produits vinicoles. La première argumentation de M. Alexander-Katz portait sur le mot « Cognac » pour passer ensuite sur le mot « Champagne ». Elle est fidèlement résumée en ces termes que nous empruntons à la réponse qu’elle s’attira [45] :

« La dénomination « Cognac » ne désigne plus aujourd’hui le « Branntwein », eau-de-vie de vin, originaire de cette localité » mais bien tout alcool quelconque présenté au consommateur sous une apparence analogue à celle que le chef-lieu des Charentes a popularisée. C’est un mot tombé dans le domaine public une dénomination générique ; on ne peut rien contre la brutalité de ce fait : il n’y a qu’à s’incliner, car « on ne peut essayer d’arracher au trésor de la langue allemande » cette désignation de genre. Il existe, en Allemagne, des fabriques de cognacs, qui emploient cette dénomination et celle de cognacs allemands, ne songeant nullement à tromper sur le lieu de la fabrication ».
« Il en est à peu près de même, disait textuellement M. Alexander-Katz, si ce n’est tout à fait, pour le mot « Champagne ». Là nous avons aussi les mots « Sekt » et « Schaumwein », qui sont également d’un usage courant. Mais le mot « Champagne » s’emploie tout aussi bien pour le vin mousseux ; on peut boire le français ou l’allemand... Qu’on en pense ce qu’on voudra, on ne peut plus enlever au langage usuel la dénomination « Deutscher Champagner » (Champagne allemand). Le mot « Champagne » est donc aujourd’hui un mot mixte : il
n’indique plus, comme autrefois, que le vin provient de la Champagne. C’est très fâcheux pour les fabricants de champagne des lieux renommés de la Champagne, mais on n’y peut rien changer. »
Au nom de la Chambre de Commerce de Reims et du Syndicat du Commerce des Vins de Champagne, M. Alexandre Henriot entreprit de réfuter les assertions du rapporteur allemand. Sans s’attarder au côté juridique, déjà maintes fois traité, même en Allemagne, et en se plaçant uniquement sur le terrain des faits, il démontra, avec preuves à l’appui, que le mot Champagne a gardé en Allemagne son sens géographique et que l’expression « Champagnerwein » ou « Champagner » n’est que très rarement employée comme désignation générique ; par contre les expressions « Schaumwein » et « Sekt » sont employées comme locutions génériques pour désigner les vins mousseux en général et particulièrement les vins mousseux d’origine et de fabrication allemande (en ajoutant ou non l’épithète « Deutscher »).
De nombreuses preuves d’adhésion furent données au cours de ce Congrès aux idées exposées par le représentant de la Champagne. La défense du mot « Cognac » avait été présentée avec non moins d’ardeur et d’esprit, mais le grand nombre des abus commis à l’étranger ne permettait pas une démonstration de fait aussi irréfutable que pour le mot « Champagne ». Aussi, malgré que certainement un vote sur l’article 4 de l’Arrangement de Madrid eût emporté une majorité allemande importante, le Congrès voulant selon son habitude ne procéder au scrutin qu’en prévision d’une presque unanimité, préféra réserver pour une prochaine réunion une étude complémentaire qui pourrait avoir une signification décisive. Quoi qu’il en soit, ce Congrès de 1904 marque une date importante pour la défense du mot « Champagne » en Allemagne et a accéléré dans une large mesure le mouvement d’opinion nécessaire pour aboutir à une protection efficace.
L’année suivante, au Congrès de Liège en 1905, Me Georges Maillard, rapporteur général, « put annoncer que le groupe allemand s’inclinait en ce qui concerne le mot « Champagne » et reconnaissait que l’emploi de ce mot pour désigner tout vin qui ne serait pas produit dans cette région constituait bien un acte de concurrence déloyale » [46]. Mais la question du mot « Cognac » restait toujours ouverte malgré de sérieuses discussions qui se continuèrent à Liège en 1905 et à Milan en 1906, et malgré les efforts du Comité commercial franco-allemand qui, à sa réunion du 28 février 1910, adoptait une motion aux termes de laquelle il était reconnu qu’il serait désirable que le mot « Cognac » ou « Kognac », employé pour désigner un distillat de vin quelconque, disparût le plus tôt possible des usages courants en Allemagne, pour être remplacé par une dénomination purement allemande [47]. Le 14e Congrès international pour la protection de la propriété industrielle qui eut lieu à Bruxelles du 1er au 5 juin 1910 émit le vœu qu’à défaut de l’adhésion pure et simple de l’Allemagne à l’Arrangement de Madrid, une convention intervienne entre la France et l’Allemagne, s’inspirant des principes de Madrid, pour protéger réciproquement dans les deux pays les produits d’origine, suivant une liste dressée après enquête auprès des Chambres de Commerce et des Chambres syndicales intéressées et avec les Associations juridiques compétentes. Mais au Congrès du Commerce des Vins et Spiritueux de Bruxelles, quelques mois plus tard, il se dégageait encore des rapports allemands l’impression qu’il était difficile d’obtenir la renonciation de l’Allemagne au mot « Cognac » pour y substituer par exemple le mot « Weinbrand », déjà fort usité [48].— Dans le traité d’Oporto du 30 novembre 1908 [49], le Portugal obtint de l’Allemagne la reconnaissance des désignations de « Porto » et de « Madère » comme des appellation d’origine, et l’usurpation peut en être poursuivie conformément à la loi allemande.
Cependant le courant allemand en faveur de l’adhésion à l’Arrangement de Madrid prenait toujours plus d’ampleur. Presque toutes les réunions des groupements intéressés étaient l’occasion de manifestations favorables [50] et les hautes sphères intellectuelles continuaient à mener campagne dans ce sens. C’étaient plutôt les milieux administratifs et judiciaires qui montraient une certaine hésitation ainsi que nous avons eu l’occasion de le faire remarquer à propos des appellations de bières [51]. Toutefois la tendance à la protection semblait prédominante [52].
Elle est maintenant devenue une obligation pour l’Allemagne du fait des articles 274 et 275 du Traité de Versailles [53] dont nous avons analysé plus haut la portée. Le mot « Champagne » ne pourra donc plus en aucun cas être considéré en Allemagne comme générique et la législation intérieure devra, conformément au Traité, permettre la protection de l’appellation et la répression des usurpations de toutes sortes. Il est même très probable que l’adhésion de l’Allemagne à l’arrangement de Madrid sera sous peu effective [54].

ITALIE

L’Italie n’a pas de législation spéciale pour la protection des appellations d’origine, mais la législation générale et les lois sur les marques permettent la poursuite des usurpations les plus grossières. La loi du 30 août
1868 sur les marques [55] dans son article 1, édicte que toute marque adoptée par un fabricant doit « indiquer le lieu d’origine, afin de constater le nom de la personne, la raison commerciale ou la dénomination de l’établissement d’où proviennent les produits ou marchandises ». Cette disposition implique déjà le principe de la vérité de la marque. Elle se trouve complétée par l’article 12, aux termes duquel « celui qui aura fait usage sciemment de marques ou signes portant une indication propre à induire l’acheteur en erreur sur la nature du produit » sera puni d’amende, ainsi que celui qui aura vendu des produits munis de ces marques ou emblèmes. La vente d’un vin mousseux italien, avec des marques ou signes de nature à le laisser croire fabriqué en France,
semble donc rentrer dans le cas de tromperie sur la nature, prévu par l’article 12. Il y a bien un vin mousseux dans les deux cas, mais la nature du vin de Champagne est différente de celle du vin mousseux italien.

Du reste, les doutes qui peuvent subsister sur 1 interprétation du mot nature ne pourraient mettre obstacle à la possibilité d’une poursuite en pareil cas, car la question se trouve tranchée par les articles 295 et 297 du Code pénal de 1889 [56] qui visent expressément l’origine : L’article 295 punit « quiconque, dans l’exercice de son commerce, trompe l’acheteur en lui remettant un produit pour un autre, ou distinct par son « origine », sa qualité ou sa quantité de celui qui a été indiqué ou convenu ». L’article 297 frappe « quiconque importe... met en vente ou en circulation... des produits avec des noms, des marques ou des signes distinctifs propres à tromper l’acheteur sur l’origine ou la qualité du produit ». Il y a lieu d’ajouter que, d’après les principes généraux du droit, résumés dans l’article 1151 du Code civil italien qui n’est que la traduction de l’article 1382 de notre Code civil, l’emploi de fausses indications de provenance, qui porte évidemment préjudice aux fabricants champenois, peut être poursuivi pour ce motif.

L’Italie a adhéré dès le début à la Convention d’Union de Paris, mais non pas à l’Arrangement de Madrid. La fraude grossière, consistant à faire figurer sur le produit indigène le nom d’une localité champenoise, accolé à un nom commercial fictif, est donc répréhensible en vertu de la Convention de Paris, mais ses effets ne vont pas au delà et nous sommes obligés pour le surplus de nous rabattre sur la seule législation interne. Si, en l’absence d’adhésion de l’Italie à l’Arrangement de Madrid, il est difficile de porter devant les tribunaux la question, de principe du caractère non générique de l’appellation de produit vinicole, car aucune disposition de la loi italienne : ne permettrait d’étayer cette : action, beaucoup de cas d’usurpations de l’appellation « Champagne » ou d’un nom champenois peuvent être cependant poursuivis pour fausse indication d’origine, conformément aux dispositions précitées, tant devant le Tribunal civil que devant le Tribunal pénal, lorsque la preuve du dol peut être faite. L’interdiction de l’usage de l’appellation « Champagne » seule ou accompagnée du qualificatif « italien » sur des vins portant distinctement l’indication de leur provenance italienne ne paraît pas tomber sous le coup de la loi et nous sommes dans ce cas désarmés pour poursuivre ce genre d’abus.
L’Italie après s’être opposée au début à l’extension de la protection, s’est rendue compte plus tard de son utilité et un courant favorable s’y est peu à peu dessiné. A la Conférence de Rome de 1886, le délégué italien vota contre le texte proposé qui était précurseur de l’Arrangement de Madrid et il défendit son point de vue dans
ces termes :
« C’est un usage général, par tous pays, de revêtir certains produits fabriqués de la désignation d’une localité renommée pour cette fabrication. Le pays qui a acquis cette renommée n’est pas blessé par ce fait qui lui procure une réclame gratuite. Ce sont les consommateurs qui ont à se plaindre de ce système qui n’est souvent qu’un simple préjugé ; mais la convention de 1883 ne vise pas la protection des consommateurs à laquelle chaque Etat pourvoit ou doit pourvoir, par ses lois pénales ou de police » [57]
A la Conférence de Madrid, 1890-91, le représentant italien développa la même thèse et s’abstint lors du vote [58].— Quelques années plus tard, au Congrès des juristes italiens, tenu à Naples en 1897, un changement d’opinion, se fait déjà jour, et un vœu en faveur de l’adhésion à l’Arrangement de Madrid y fut adopté à l’unanimité. Un peu plus tard, en 1902, au Congrès de Turin de l’Association internationale pour la protection de la propriété industrielle, le rapporteur italien plaida nettement dans le même sens et exposa que les oppositions qui se manifestaient en Italie n’étaient pas fondées : en effet les industriels qui profitent de l’abstention de l’Italie n’ont pas légitimement le droit d’attendre de l’Etat une protection pour des pratiques impliquant la tromperie et la déloyauté ; il s’agit au contraire de renforcer les dispositions dont le principe est déjà admis par la législation italienne. Non seulement l’adhésion de l’Italie ne présente aucun danger pour l’industrie et le commerce national, mais encore elle leur offrirait à l’étranger des garanties auxquelles ils ne peuvent prétendre [59]. Le mouvement italien en faveur de la protection des lieux d’origine s’accrût de plus en plus et un Congres international de viticulteurs se tint à Alba en 1909, spécialement pour étudier cette question. On fit remarquer à ce propos que par ordre du roi, les vins mousseux italiens servis au banquet étaient régulièrement désignés par le vocable « Spumante » ou « Gran Spumante », à l’exclusion du mot « Champagne ».

Il semble bien qu’aujourd’hui l’Italie ait encore une nouvelle et puissante raison d’adhérer à l’Arrangement de Madrid et de protéger davantage les produits vinicoles, puisque par le jeu des articles 274 et 275 du Traité de Versailles, 226 et 227 du Traité de Saint-Germain, elle serait ainsi assurée que les vins et vermouths italiens obtiendraient par le jeu de la réciprocité, une protection vraiment efficace en Allemagne et en Autriche. Les producteurs italiens du reste paraissent s’en être rendus compte et le Congrès vinicole national italien de fin 1920 a voté les conclusions d’un rapport sollicitant l’adhésion de l’Italie à l’Arrangement de Madrid et la prohibition absolue de l’emploi des fausses indications d’origine des produits vinicoles [60]. Un projet de modification de la loi sur les marques prévoit déjà du reste le refus d’enregistrement et l’interdiction de l’emploi des marques trompeuses en ce qui concerne la provenance et la qualité ; ce texte punit également l’introduction en Italie de marchandises portant de fausses indications de provenance.

Il est nécessaire d’arriver à une protection efficace, car, sans parler des fraudes vulgaires dont la répression est relativement facile lorsqu’elles sont découvertes, les abus de l’appellation « Champagne » ont atteint une fréquence inquiétante. De nombreuses étiquettes ou annonces présentent des vins italiens sous ce nom ; un article de La Campagna illustrata du 5-20 avril 1906 présente sous le titre : « Le grandi industrie italiane. — Il Moscato Champagne », une abondante notice sur une maison de vins de Canelli. Un peu plus tard un importateur de vins du Jura vendus sous l’étiquette « Grands Champagnes » offre son produit comme le « type constant d’un Champagne naturel que lui donnent les collines prospères du Jura, sans être obligé de recourir aux manipulations savantes d’œnologues éprouvés qui ont fini par faire du Champagne un produit industriel, souvent même nuisible ». Et les exemples foisonnent.
Il importe donc d’obtenir une réaction très nette contre des usurpations aussi répétées et aussi graves. Un pays qui a eu aussi beaucoup à en souffrir, le Portugal, a obtenu dernièrement, en application du modus vivendi du 7 mai 1911, l’intervention du gouvernement italien pour réprimer les fausses indications d’origine portugaise.
« Le gouvernement italien s’est engagé à interdire l’importation, la circulation, l’exhibition et la vente en Italie de tous les vins présentés sous le nom de « Porto » ou « Madère », ne provenant pas du véritable pays d’origine, soit la province de Douro ou l’île de Madère, et n’ayant pas un certificat d’origine légalisé par les autorités locales. En cas de transgression, on opérera la saisie de la marchandise, soit sur l’initiative de l’Administration des Douanes, soit à la diligence du Ministère public ou sur la demande d’un intéressé, individu ou société, d’accord avec les législations en vigueur au Portugal et en Italie ». [61].
Il est évident qu’à défaut de l’extension de la protection aux produits d’origine de tous les pays signataires des grandes Conventions internationales, les accords conclus dans le sens de l’arrangement italo-portugais permettent tout au moins d’obtenir un minimum de garanties pour certains produits et il est à désirer que le vin de Champagne puisse jouir au moins d’une telle protection dans un pays comme l’Italie

PAYS-BAS :

La protection accordée aux appellations est à peu près nulle aux Pays-Bas. Les marques seules sont visées par la loi du 30 septembre 1893, modifiée par celle du 30 septembre 1904 [62] et si les Pays-Bas ont adhéré à la convention de Paris de 1883 et à l’arrangement de Madrid sur l’enregistrement international des marques, ils se sont par contre refusés à signer celui sur les fausses indications de provenance. L’article 337du code pénal [63] est destiné à donner notamment une sanction pénale à la disposition de la convention de 1883 par laquelle est réprimé l’emploi d’un nom ou d’une raison de commerce fictifs en combinaison avec un lieu de production.
Malheureusement, dans la pratique, il s’en faut de beaucoup que cette disposition ainsi que celles destinées à protéger le nom commercial et les marques de fabrique soient rigoureusement appliquées par les Tribunaux ; Les Pays-Bas sont un des pays où il est le plus difficile d’obtenir en justice le respect de ces droits en matière de propriété industrielle. Les tribunaux y accueillent avec une facilité déplorable tous les prétextes de nature à libérer le contrefacteur de la responsabilité qu’il a encourue : on exige par exemple qu’il soit fait la preuve que le contrefacteur savait que la marque usurpée était protégée par un enregistrement ; on admet pour des imitations flagrantes que l’auteur de l’acte n’avait peut être pas l’intention de tromper ou qu’il était possible que le public ne fût pas toujours trompé. La possibilité de confusion est le seul point de vue auquel on se place : l’atteinte au droit de propriété n’entre aucunement en ligne de compte, et la jurisprudence se montre extrêmement difficile pour admettre la possibilité de confusion. C’est ainsi que les propriétaires des marques "Singer" et "Océanine" régulièrement déposées, ont été déboutés de leurs poursuites intentées contre des Hollandais qui avaient usurpé ces désignations, sous prétexte que les ornements entourant le nom étaient différents et que par suite la confusion n’était pas possible !
Une action contre les usurpateurs de l’appellation "Champagne" serait donc très risquée, surtout lorsque le nom réel d’origine du vin est indiqué, par exemple "Rheinwwein Champagne". Il semble cependant que cette note pessimiste doive progressivement s’atténuer ; le. progrès obtenu dans la plupart des pays suc la .question de protection des appellations d’origine se communique peu à peu aux Etats dans lesquels les textes et la jurisprudence sont en retard sur cette matière et il arrive un temps oü l’évolution est suffisamment accomplie dans les esprits pour inciter les gouvernements et tribunaux à accorder une protection efficace. Souhaitons donc que, ce soit bientôt le cas pour les Pays-Bas.

DANEMARK

La législation danoise en matière de propriété industrielle offre des garanties sérieuses, abstraction faite de l’absence des dispositions de l’article 4 de l’arrangement de Madrid dont on ne rencontre pas.d’équivalents dans ce pays. La convention de Paris seule a été signée par le Danemark, en 1904 ; auparavant, il est vrai, un accord franco-danois du 7 avril 1880 [64] assurait la protection des marques, matière qui est régie au Danemark par le règlement du 11 avril 1870 [65] par les lois des 11 avril 1890 [66] et 29 mars 1904 [67] ; en outre, la loi du 1er mars 1889 traite des raisons de commerce. [68] Quand aux indications de provenance, elles sont protégées par la loi du 27 avril 1894 [69] : L’article 1, alinéa 2, punit l’indication relative à la provenance, à la qualité, à la substance ou au mode de fabrication de la marchandise, qui serait fausse ou de nature à pouvoir faire naitre de fausses suppositions. La loi du 30 mars 1906 [70] concernent spécialement les produits agricoles. Une loi du 8 juin 1912 [71] a complété la législation antérieur en en interdisant expressément les désignations inexactes par rapport au lieu de production de la marchandise, à sa nature, à sa composition ou préparation.
De l’ensemble de ses divers textes résulte une certaine sécurité pour le négociant en vins de Champagne : les indications nettement mensongères sont punissables ; Malheureusement le caractère générique de l’appellation "Champagne" est accepté par la règlementation danoise et il subsiste ainsi un germe dangereux susceptible de provoquer des confusions préjudiciables au vin de Champagne. En effet, le règlement définissant les vins et spiritueux publié le 10 octobre 1913 est ainsi conçu :

« Il est également interdit de vendre sous la dénomination de « Champagne" ou « Vin de Champagne » un vin autre que celui qui est fait de raisin, suivant les principes d’après lesquels ledit vin est généralement fabriqué, au moyen de la fermenta­tion en bouteille. Comme « vin mousseux " peut seulement
être vendu un produit fabriqué avec du raisin, soit au moyen ­de ­la fermentation en bouteille soit au moyen de l’addition d’acide carbonique."

.. Il en résulte.que peut s’intituler.« Champagne » le vin qui en France s’appelle, soit « Champagne », soit « Vin mousseux », et que l’emploi de la dénomination :
« Vin mousseux· » sans correctif est autorisé pour le « vin mousseux gazêiflê »,

Malgré la grande Latitude laissée aux commerçants danois par ce texte, il n’apparaît pas que l’abus du mot « Champagne » s’y produise maintenant autrement qu’à titre exceptionnel ; aussi est­ Il possible, lorsqu’il s’agit de maisons d’un certain rang, d’obtenir d’elles le respects de l’appellation, Quant à l’emploi du nom d’une localité champenoise pour un vin produit au Dane­mark, même si ce vin était de provenance champenoise, cet usage nous semblerait tomber sous le coup de la loi danoise proscrivant les désignations inexactes rela­tives au lieu de production ou à la préparation. Tout au plus pourrait ­on admettre dans cette hypothèse que le lieu où le raisin a été récolté fût mentionné accessoirement sur l’étiquette, mais à condition d’être suivi du nom du lieu de fabrication au Danemark.Les milieux dirigeants danois ne paraissent pas hostiles aux principes dont nous préconisons I ’adoption pour la protection des appellations d’origine, mais il .faudrait une occasion qui les poussât à sortir de l’indifférence avec laquelle tant de pays traitent cette question et qui les oblige à aboutir à des solutions pratiques .

SUÈDE

, Le . Principe directeur de la Législation suédoise en matière de propriété industrielle est le protectionnisme et c’est en général à l’application de cette poliltlque qu’a été subordonnée la protection des appellations étrangères. Là Suède a adhéré en 1885 à la Convention de Paris et de nombreuses Lois ou ’règlements ont régi les marques et les noms commerciaux : une loi récente du ·, du 15 mars 1918 [72] a opéré une heureuse·fusion des textes précédents, Pour ce qui est des fausses appellations d’origine,
une ordonnance· royale du 9 novembre 1888 les interdisait déjà· à Importation, mais une législation nouvelle est· venue apporter les· précisions nécessaires. La loi du juin· 1913 [73], après avoir ·posé le ·-principe général de· prohibition· des=fausses ·indications d’origine, organise d’abord’ la· saisfe des marchandises portant une
fausse· ’indication d’origine- suédoise,- puis l’application éventuelle de ces dispositions aux marchandises portant
des indications ’d ’origine étrangère ·et cela au cas d ’accord avec le pays· étranger intéressé et sous condition
· de rêciprocitè : €es· dispositions ne s’appliquent pas au cas où· l ’appellation est considérée comme générique (les appellations de produits vinicoles pouvant être excep- tés- de cette réserve) : ou bien lorsque mention précise et en caractères apparents est faite du pays ou du lieu de production ou de fabrication. L’ensemble de la loi de 1913 se rapproche de l’esprit de l’Arrangement de Madrid et semble bien préparer 1’adhésion de la Suède à cette Convention ; malheureusement la tolérance des fausses indications accompagnées d’un correctif spécifiant la véritable provenance, implique l’acceptation des Champagnes espagnols ou Bourgognes allemands, ce qui serait en contradiction avec l’interprétation correcte de l’Arrangement de Madrid. Une loi du 9 octobre 1914 [74] est verra compléter sur ce point la loi de 1913 : elle a tout d’abord rendu obligatoire l’insertion dans les accords de l’exception prévue en faveur des appellations de produits vinicoles, qui ne pourront donc être considérées comme désignations génériques, et elle a permis d’interdire l’importation de produits vinicoles portant une fausse indication d’origine accompagnée d’un correctif.

« Pour certaines indications relatives à de tels produits, il peut aussi être stipulé que les marchandises munies d’une fausse indication de cette nature ne pourront être importées en vue de la vente, même si cette indication est accompagnée d’une mention rectificative du genre de celle dont il est parlé au premier alinéa ».
Nous devons nous féliciter de l’insertion d’une disposition aussi précise dans la loi suédoise ; elle marque bien le terme des hésitations qui ont empêché la Suède d’adhérer à l’Arrangement de Madrid et de signer des accords véritablement protecteurs des appellations d’origine [75].

NORVÈGE

La situation dans ce pays offre quelque analogie avec celle qui existe en Suède : monopole, restriction et réglementation des ventes, mais aussi effort pour obtenir la loyauté dans les transactions. Les anciennes lois de 1884 et 1900 ont été abrogées et remplacées par celle du 2 juillet 1910 [76], modifiée le 28 mars 1919 [77] : en dehors de la réglementation relative aux marques, cette loi prévoit que les marchandises mises en vente ou destinées à l’être, ne pourront être revêtues d’une indication inexacte du lieu d’origine ou de toute autre inscription propre à provoquer une confusion à cet égard ; mais la loi ne s’applique pas aux indications de lieux qui, d’après les usages commerciaux, ont pour but, non pas de désigner la provenance, mais la nature : par suite de cette réserve, beaucoup d’appellations pourraient être considérées comme génériques et en conséquence ne seraient pas protégées.
Le commerce français est heureusement gardé contre cette éventualité, car il peut réclamer le bénéfice non seulement de la Convention de Paris signée par la Norvège en 1885, mais surtout de la convention commerciale franco-norvégienne du 23 avril 1921 [78]. Cette convention contient un article 4 rédigé d’après les principes qui ont inspiré l’élaboration des articles 274 et 275 du Traité de Versailles et des conventions avec tous les nouveaux États issus des anciens empires russe et austro-hongrois. Ce texte est très net et très complet.

Après avoir stipulé l’engagement pris par le gouvernement norvégien de respecter les appellations régionales de produits vinicoles français, qui lui auront été notifiées, il en précise tous les cas d’application et mentionne expressément que ces dispositions sont applicables même lorsque l’appellation régionale inexacte est accompagnée de l’indication du véritable lieu d’origine ou des expressions « type, genre, façon », ou autres similaires. La saisie peut avoir lieu à la requête de toute partie intéressée, du Ministère Public ou de l’administration des douanes [79].
Quoiqu’il ne s’agisse que d’un arrangement particulier et provisoire, toujours soumis à dénonciation, nous devons considérer le résultat obtenu comme très satisfaisant puisque cette convention exclut toutes les difficultés d’interprétation que tant de pays font surgir à propos du texte de l’Arrangement de Madrid et qu’elle précise certains cas non visés en 1891. Il est certain que lorsqu’un pays souscrit loyalement à une telle convention, son intention est manifestement d’accorder d’une manière générale aux appellations vinicoles toutes les garanties auxquelles elles prétendent et il n’est peut-être pas trop osé de considérer le résultat acquis comme définitif.

AUTRICHE

L’Autriche n’a point de lois régissant le domaine des appellations d’origine. Les marques seules y ont fait l’objet d’une législation, demeurée du reste pendant fort longtemps d’une application défectueuse ; et la convention franco-austro-hongroise du 14 février 1884 [80] accordait simplement aux ressortissants des pays contractants la même protection qu’aux nationaux ; or celle-ci paraissait insuffisante aux Français. Les principales lois sur les marques sont des 6 janvier 1890 [81], et 31 juillet 1893 [82] complétées par des ordonnances. Le nom commercial est visé par la loi du 15 mars 1883 [83] mais le bénéfice de son application, d’après la jurisprudence, n’était pas visé par la Convention franco-austro-hongroise. La matière du nom commercial et des indications de provenance restait donc sans aucune protection au profit des Français, sauf celle qui pouvait découler de l’article 1295 du code civil, qui présente des analogies avec notre article 1382. Cette lacune a été comblée en partie par l’adhésion tardive de l’Autriche à la Convention de Paris, en 1909 ; elle s’était en effet jusque-là abstenue tant pour cette convention que pour l’Union restreinte sur les fausses indications de provenance, à laquelle elle n’a jamais souscrit.
Cependant l’Autriche n’était pas et ne pouvait pas rester indifférente à ce mouvement de protection, et en 1903 son Gouvernement ouvrait une enquête sur l’utilité de protéger les indications de provenance des houblons qui étaient l’objet d’une usurpation importante, notamment pour les noms de « Saaz » et d’« Auscha » [84]. Quelques années après, intervint la loi du 17 mars 1907 sur les indications d’origine pour les houblons [85].

— La même année l’Autriche et la Hongrie signait un accord destiné à réglementer d’emploi du nom « Tokay », réservé au vin produit sur un certain nombre de communes [86]. – Peu après, le Portugal, fidèle à la politique qu’il a suivie pour obtenir la protection des appellations « Porto » et « Madère », obtenait de l’Autriche-Hongrie le droit de répression des fausses appellations « Porto » et « Madère » le 8 juillet 1911 [87].La situation se présente actuellement sous un jour plus favorable du fait des obligations contractées par l’Autriche dans le Traité de Saint-Germain, articles 226 et 227 [88]. Pour s’y conformer et assurer d’une manière générale à nos produits et spécialement à nos produits vinicoles la protection stipulée en leur faveur, l’Autriche devra procéder à un remaniement de sa législation pour la mettre en harmonie avec les dispositions du Traité.

HONGRIE

Pendant longtemps le régime de la propriété industrielle en Hongrie est resté dans le sillage de celui de l’Autriche. Cependant en matière vinicole la contrefaçon des marques et l’usurpation des appellations y fut plus intense, mais par contre le progrès dans le sens de la protection un peu plus accentué. Les marques font l’objet des lois des 4 février 1890 et 30 juillet 1895 [89]. La loi de 1884 sur l’industrie [90] permet de poursuivre les désignations, signes, ou indications qui ne correspondent pas à la situation véritable de la maison ou à la réalité. De plus la loi XLVII de 1908 [91] destinée à conserver la réputation des vins hongrois, notamment du vin de Tokay, contient une disposition générale susceptible d’avoir une grande portée : « Il est interdit d’attribuer aux vins une origine ou une provenance autre que l’origine ou la provenance réelle » (art. 10). Du fait de la juxtaposition des deux locutions « origine » et « provenance », toute discussion de mots, comme il s’en produit si souvent, se trouve écartée. Mais si la Hongrie a toujours paru désireuse de sauvegarder ses vins, elle n’a pas jugé à propos de faire l’application de ces principes au vin de Champagne et au Cognac : elle en a toléré les usurpations, et la France ne peut invoquer que la protection restreinte résultant de l’article 10 de la Convention de Paris à laquelle la Hongrie a adhéré en 1909. A la Conférence de Bruxelles de 1897, le délégué de la Hongrie déclara nettement que la Hongrie ne pourrait concéder que les dénominations de ses régions vinicoles réputées, telles que celles de « Tokay », de « Villany », etc., pussent être considérées comme des désignations génériques. Mais il estimait que le mot « Champagne » avait déjà pris un caractère générique.

« Dans l’intérêt de sa modeste industrie de Champagne et de cognac, la Hongrie attache de l’importance à ce qu’il soit entendu que certaines dénominations vinicoles, qui étaient al origine des indications géographiques, puissent être considérées comme des dénominations génériques ». [92]

En 1910-1911 le Ministère du Commerce de Hongrie fit une enquête pour connaître le point de vue du commerce des vins mousseux et spiritueux, afin de se faire une opinion pour la Conférence internationale de révision de Washington, en 1911 ; la question posée aux fabricants de vins mousseux était la suivante : « Le mot « Champagne » signifie-t-il un mode de fabrication applicable aux vins de n’importe quelle région, ou bien est-il un mot qui n’est applicable qu’aux vins d’un caractère spécial d’une région déterminée ? » Des réponses diverses furent données, mais le gouvernement adopta l’opinion des maisons qui ne se contentaient pas de l’emploi du mot hongrois « Persgo » (mousseux), mais éprouvaient le besoin de se servir du mot « Champagne ». Les habitudes fâcheuses de beaucoup de fabricants de vins mousseux hongrois exercèrent donc une certaine influence sur la ligne de conduite de leur gouvernement qui ne voulut pas reconnaître le caractère d’appellation d’origine du mot Champagne, alors que par l’accord du 8 juillet 1911 que nous avons relaté plus haut, il dut cependant le faire pour les vins de Porto et de Madère.
La situation actuelle est absolument la même pour la Hongrie que pour l’Autriche et l’Allemagne, puisque le Traité de Trianon a repris les dispositions des Traités de Versailles et Saint-Germain relativement à la concurrence déloyale et à la protection renforcée accordée aux appellations de produits vinicoles (art. 210).

TCHECOSLOVAQUIE

La Tchécoslovaquie est un des pays nés du démembrement de l’empire austro-hongrois, avec lequel la France peut espérer avoir un courant important d’affaires.
Hongrie. — Page 285 : La Convention franco-hongroise du 13 octobre 1925 contient dans ses articles 24 et 25 des dispositions protectrices de nos appellations (voir Recueil des Textes et Doc. app. orig., fasc. XI)
Aussi est-il d’un intérêt primordial que non seulement les conditions économiques de ces échanges, mais encore
les garanties assurant la loyauté des transactions soient nettement définies. Le Gouvernement tchécoslovaque a déclaré (29 janvier-23 mars 1920) continuer d’une manière générale la protection accordée par l’empire austro-hongrois en matière de propriété industrielle et commerciale. [93] et il a fixé les modalités d’application de cette déclaration aux marques [94] ; aussi pour les droits afférents aux dépôts de marques et aux droits de priorité, ne subsiste-t-il plus aucune solution de continuité entre la date de la séparation de la Tchécoslovaquie d’avec l’empire d’Autriche-Hongrie et celle de l’accession du nouvel Etat à la Convention de Paris et à l’Arrangement sur les marques [95], 5 octobre 1919.
Mais en matière d’appellations d’origine, l’ancienne législation austro-hongroise était, pour l’époque actuelle, tout à fait insuffisante et l’adoption de nouvelles bases s’imposait. De tout temps, il y a eu en Bohême des contrefaçons et des usurpations très dangereuses : un prix courant d’un fabricant tchèque offrait il y a quarante ans un « Champagnerwein produit d’après la méthode la plus nouvelle », et il annonçait plus loin qu’il avait « douze étiquettes différentes à choix pour les champagnes » ; il est très probable que ces étiquettes reproduisaient des noms de grandes marques champenoises ! Dernièrement nous lisions dans une importante revue tchèque une annonce d’une « Maison de Champagne » ayant son siège en Tchécoslovaquie. Une autre fabrique se couvre par l’envoi de quelques tonneaux et bouteilles de vin de Champagne expédiés d’Epernay, pour se donner comme une succursale de cette maison fictive d’Epernay et offrir son vin comme vin de Champagne.
Ces exemples, et il y en aurait d’autres à citer, montrent bien la nécessité d’aboutir en Tchécoslovaquie à une réglementation sévère qui soit accompagnée d’une éducation du public. Le premier pas a été fait par la Convention franco-tchéco-slovaque du 4 novembre 1920 [96] entrée en application provisoire avant la ratification qui paraît du reste ne pas devoir être donnée, puisque de nouvelles clauses économiques sont étudiées actuellement [97]. Quoi qu’il en soit, l’article 15 assure la protection générale contre la concurrence déloyale, et l’article 16 introduit en Tchécoslovaquie l’adoption de la réglementation française concernant les produits vinicoles, sous condition de notification ; or celle-ci a été faite par notre ministre à Prague, sur transmission du Gouvernement français en date du 25 octobre 1921. Nous n’avons pas à insister sur la portée de ces dispositions que nous avons analysées plus haut ; nous constaterons que l’engagement qu’elles comportaient pour la Tchécoslovaquie d’adhérer à l’Arrangement de Madrid sur les fausses indications de provenance a été rempli par cet Etat le 30 septembre 1921. Il pourra donc réclamer dans des autres Etats signataires la protection qu’il désire, notamment pour ses bières. — Nous devons attendre maintenant que la législation interne soit mise
en conformité avec la réglementation nouvelle des appellations d’origine et le retard qui y est apporté empêche momentanément la répression des usurpations qu’il importerait, pour le bon renom du vin de Champagne, de faire cesser dans le plus bref délai.

POLOGNE

Autrefois fraction importante des marchés russe, allemand et autrichien, la Pologne autonome peut devenir un débouché intéressant pour le commerce des vins de Champagne qui y ont acquis de tout temps une grande réputation. Un premier obstacle à leur expansion s’est rapidement élevé : la chute du mark polonais et les droits d’entrée formidables dont ce gouvernement a taxé alors les vins de Champagne. Aussi l’un des résultats habituels en pareille hypothèse s’est-il produit : la contrefaçon a profité de l’absence des vins français et a littéralement inondé le marché de liquides innommables, portant des noms de marques, vraies ou fictives, de Reims ou Epernay, qui par surcroît sont présentées sous le nom de « Champagne », « Roi du Champagne » ou parfois « Szampan » ; les fabriques qui existent à Cracovie, Varsovie et Lemberg ont employé au début des vins de Hongrie, puisque la Pologne n’est pas elle-même producteur de vin : mais la plupart du temps ce sont d’autres matières que le jus du raisin qui servent à fabriquer les boissons qui passent en Pologne pour du Champagne, pour le plus grand préjudice de celui-ci.

C’est donc contre ces abus que la lutte s’engage maintenant, mais avec quelles armes ? La Pologne s’est tout d’abord préoccupée d’assurer le statut des marques par la loi du 4 février 1919 [98], et elle a adhéré le 10 novembre 1919 à la Convention de Paris en déclarant dans son acte d’accession qu’elle prenait ses dispositions pour adhérer ultérieurement à l’Arrangement de Madrid sur les fausses indications de provenance. Depuis sont intervenues les négociations de l’accord franco-polonais signé le 6 février 1922 [99], entré en application dès juin, et elles ont abouti à l’insertion dans ce texte des dispositions protectrices que nous avons examinées plus haut et qui font l’objet des articles 12 et 13. Le gouvernement français a pris des mesures pour effectuer la notification de nos lois et décisions administratives réglementant le droit à l’appellation « Champagne ». Si l’on s’en tient à la lettre de l’article 13, ces dispositions protectrices entrent immédiatement en vigueur, sauf un délai de trois mois accordé aux détaillants ; mais le point toujours très délicat à obtenir, c’est la modification correspondante de la législation intérieure, sans laquelle la poursuite de l’usurpation de l’appellation « Champagne » reste toujours bien risquée. Des difficultés de toutes sortes ont absorbé l’activité de la Pologne et ont retardé cette mise au point, mais nous espérons que notre gouvernement pourra insister amicalement auprès d’elle pour obtenir le vote des lois nécessaires et permettre ainsi l’application effective des articles de la Convention relatifs à la concurrence déloyale et aux appellations d’origine des produits vinicoles.

Pologne. — Page 289 : Une loi sur la concurrence déloyale a été votée le 2 août 1926.
La ville libre de Dantzig a adhéré, en 1921, à la Convention de Paris et, en 1923, aux deux arrangements de Madrid.

ROUMANIE

La Roumanie possède en matière de propriété industrielle une législation inspirée de la législation française. La loi fondamentale sur les marques du 15-27 avril 1879 [100] réprime l’emploi de marques susceptibles de tromper l’acheteur sur la nature du produit (art. 13, §§ 2 et 3) et les articles 335 et 336 du Code pénal [101] visent les fraudes sur la nature, la qualité etc. L’usage du nom commercial est réglementé par la loi du 18-30 mars 1881 [102]. La Roumanie n’a adhéré que tout récemment à la Convention de Paris et à l’Arrangement sur les marques (6 octobre 1920). Mais ce qui assure surtout aux produits français la protection, c’est l’existence d’un arrangement franco-roumain, en date du 27 février - 11 mars 1895 [103] qui reproduit presque littéralement le texte de Madrid sur la répression des fausses indications de provenance. A noter également qu’à la même époque, 20 mars-ler avril 1895, la Roumanie a signé un accord sur cette matière avec la Grande-Bretagne [104].
Nous nous trouvons donc vis-à-vis de la Roumanie, absolument dans la même situation que si elle était signataire de l’Arrangement de Madrid, ce qui ne veut pas dire qu’aucune usurpation de l’appellation Champagne ne se produise plus dans ce pays. Malheureusement de nombreux vins mousseux locaux ne se font pas faute d’emprunter les noms des localités champenoises et le mot « Champagne », en invoquant divers prétextes pour légitimer ces usurpations, par exemple, le dépôt de leur étiquette en France, ou l’envoi d’une certaine quantité de vins authentiques. On nous communiquait récemment une étiquette marque « La Victoire-Bucu-resti », qui constitue un abus d’un autre genre : elle comporte une bande verte avec l’inscription suivante : sur la première ligne, en petits caractères, la traduction roumaine de « fermentation naturelle en bouteille suivant la méthode des régions de » et sur la deuxième ligne, en caractères très gros, ce mot seul « Champagne ». L’ intention nous paraît évidente, mais le fabricant de ce vin prétexterait certainement qu’il n’énonce rien que de vrai et n’est nullement répréhensible. A la faveur de la guerre beaucoup d’usurpations ont pu se propager qui auparavant auraient été plus facilement réprimées. — Les tribunaux roumains ont eu autrefois à faire l’application de l’arrangement de 1895 et un jugement du Tribunal d’Ilfov du 7 février 1913 rendu dans une affaire de contrefaçon de marque fit « défense au sieur R... de, à l’avenir, employer le mot « Champagne » sur ses bouteilles de vin mousseux, conformément à l’Arrangement avec la France du 27 février 1895 » [105].

C’est dans l’annonce du produit, beaucoup plus que sur l’étiquette que l’on rencontre aujourd’hui le mot « Champagne ». Il est souvent aussi écrit « Sampania », qui n’est qu’une adaptation roumaine qui se prononce absolument comme le mot français ; et ces expressions sont dans le langage courant, tandis que celle de « vin spumus » ou autres analogues équivalent à « vin mousseux » sont considérées comme exceptionnelles : le ublic n’a pas bien compris la portée de la protection accordée aux appellations d’origine, et par des façons de parler irrégulières les traite comme des désignations génériques. Cet abus n’est pas poursuivable directement en vertu de l’arrangement qui vise uniquement les indications apposées sur le produit, et il serait nécessaire pour les réprimer de pouvoir s’appuyer sur un texte plus complet, tel que celui des conventions récentes sur lesquelles nous avons eu à nous étendre à propos d’autres Etats.

ROYAUME DES SERBES, CROATES, SLOVÈNES

L’ancienne Serbie possédait une loi fondamentale sur les marques, du 30 mai 1884 [106] commentée par une circulaire du 25 mai 1885 [107] qui protège également le nom commercial (art. 22) et prohibe l’introduction de marchandises revêtues de fausses indications de provenance serbe.
En outre ce pays a adhéré dès l’origine à la Convention de Paris et il assurait à la France, par ses traités commerciaux de 1883 et 1907,1e bénéfice du traitement accordé aux nationaux en matières de marques ; de plus l’article 10 de l’accord de 1907 contenait la déclaration du gouvernement serbe qu’il était prêt à conclure avec la France un arrangement spécial pour la protection des marques de fabrique.
Du fait de l’augmentation territoriale et de la transformation en royaume des Serbes, Croates, Slovènes, il ne s’est pas produit de modification de fond à la législation : la loi de 1884 a été maintenue, suivant notification à Berne [108], mais un projet de loi sur la propriété industrielle est à l’étude. En outre, le nouveau royaume a renouvelé son adhésion à la Convention de Paris et a signé l’Arrangement de Madrid sur les marques
(le 26 février 1921). Tout fait prévoir que, comme ses frères d’armes de la dernière guerre, ce pays adhérera sous peu à l’Arrangement sur les fausses indications de provenance et qu’à la première occasion nous obtiendrons de lui l’insertion dans un traité de commerce, de dispositions garantissant complètement la protection des appellations d’origine.

GRÈCE

La situation de la protection est encore fort incomplète en Grèce, en dehors de celle des marques pour lesquelles une loi du 10-22 février 1893 [109] et une ordonnance du 18-30 décembre 1893 [110] fixent des règles inspirées de la législation française. Aucune disposition spéciale pour le nom commercial et les appellations d’origine : cependant la loi de 1893 et les articles 396 et suivants, et 247 du Code pénal permettent la répression de certains abus frauduleux, et la loi sur la concurrence déloyale du 26 décembre 1913 [111] assure une certaine protection aux noms commerciaux et appellations.
La Grèce n’est signataire d’aucune grande Convention, mais la conclusion d’un traité avec la France 8-20 février 1891 [112] protège quelque peu les appellations d’origine, en tant que signes apposés sur les marchandises ou leurs emballages, et nous pouvons invoquer les dispositions de la législation grecque dont le bénéfice nous est accordé sous condition de réciprocité. — La tâche reste encore abondante pour le législateur et le négociateur, et il ferait à souhaiter que l’on arrivât à tin résultat positif dans là matière qui nous intéressé, car la (Grèce, quoique producteur de Vin, est elle-même un consommateur de vins français relativement important.

BULGARIE

La législation bulgare sur la propriété industrielle est toute récente : la base en est la loi du 14 janvier 1904 [113] sur les marques. Le traité de commerce et de navigation conclu avec la France le 31 décembre 1905 nous accordait par son article 17 la même protection qu’aux nationaux, en attendant la signature d’un arrangement spécial dont les négociations s’ouvrirent aussitôt et aboutirent à la convention du 23 décembre 1906 [114] qui confirmait notamment le principe de la protection réciproque admis dans le traité de commerce.
Mais il faut attendre jusqu’au Traité de Paix pour trouver des dispositions permettant la répression de la concurrence déloyale et des fausses appellations d’origine : les articles 154 et 155 du Traité de Neuilly ne sont que la reproduction des articles 274 et 275 du Traité de Versailles. Depuis lors, la Bulgarie a adhéré le 13 juin 1921 à la Convention de Paris de 1883.

TURQUIE

Il existe seulement en Turquie un règlement sur les marques du 10 mai 1888 [115] qui protège en outre le nom commercial à titre de marque et dans une certaine mesure les indications de provenance (article 23). La Turquie n’a signé aucune grande Convention, mais en vertu des Capitulations, et conformément à une déclaration ministérielle, les droits industriels des étrangers sont protégés au même titre que ceux des sujets ottomans [116].
Malgré la brièveté de cette législation, le produit français arrivait à se défendre assez bien contre les contrefaçons ; c’est plutôt seulement dans les années qui ont précédé la guerre que l’on s’est plaint d’usurpations plus nombreuses et d’un certain fléchissement des tribunaux ottomans : on signalait notamment une augmentation considérable de la consommation des cidres importés, fait qui semblait anormal, puisque ces cidres coûtaient plus cher que le vin indigène ; l’explication en est que la bouteille de cidre mousseux, par son habillage, ressemble à une bouteille de vin de Champagne et mousse abondamment et que le public finissait à s’accoutumer à faire servir au lieu de Champagne, comme il est élégant, une boisson mousseuse à bon marché appelée souvent « Cider-Champagne » par les importateurs anglais.

En 1913, un projet de loi sur la propriété industrielle était à l’étude, mais les circonstances en ont arrêté l’examen. Aujourd’hui nous devrions ajouter que le Traité de Sèvres contient les mêmes dispositions que les autres Traités de Paix en matière de propriété industrielle et d’appellations d’origine, mais les difficultés internationales ne nous permettent pas d’envisager encore maintenant l’application de cette protection.

Turquie. — Page 295 : Adhésion à la Convention de Paris en 1925.

RUSSIE

A titre rétrospectif nous dirons un mot de la position juridique de la protection du vin de Champagne sous l’ancien régime russe, car ce pays fut un marché trop important pour que nous puissions le passer sous silence. Les avis du Conseil d’Etat du 26 février-9 mars 1896 [117] réglementaient le dépôt des marques, mais la protection résultait des dispositions du droit commun, tant pour les marques et le nom commercial que pour les fausses indications de provenance qui étaient considérées comme un des cas de faux signalement prévu par l’article 1357-2 du Code pénal. Mais les rigueurs mêmes du Code pénal, qui punissait la contrefaçon comme un
crime, faisaient hésiter les Tribunaux qui bien souvent, pour éviter d’appliquer des peines trop sévères aux coupables, préféraient les acquitter lorsqu’un prétexte quelconque le permettait, par exemple quelques différences dans le nom de l’étiquette plagiaire. Aussi contrefaçon des marques et usurpation du mot Champagne étaient-elles très actives, quoique dissimulées. De nombreuses études avaient été faites par notre gouvernement pour aboutir à une modification de la législation russe et à une convention franco-russe dans le sens d’une protection plus efficace, mais le chemin à parcourir pour arriver à ce but était bien long, et il l’est encore beaucoup plus aujourd’hui. Aussi nous est-il actuellement impossible de dire quoi que ce soit sur la Russie actuelle, qui n’existe plus pour le commerce des vins de Champagne.

ETATS ISSUS DU DEMEMBREMENT DE L’EMPIRE RUSSE

La Finlande possède depuis 1889 une législation sur les marques. L’appellation « Champagne » y était considérée autrefois comme générique, cependant il ne semble pas que la contrefaçon y ait atteint la même intensité qu’en Russie. Actuellement la Convention du 13 juillet 1921 [118] protège doublement nos appellations d’origine : tout d’abord par l’article 6 qui stipule que « la Finlande s’engage à acheter en France tous les vins et toutes les boissons alcooliques qui sont nécessaires pour la consommation légale, à l’exception de telles spécialités que la France ne pourrait produire ». Par ce monopole accordé aux produits français se trouve déjà éliminé le danger des produits étrangers faussement étiquetés. (Il est à craindre que par suite de la prohibition des boissons alcooliques, cette concession ne soit d’aucun profit pour nous.) En outre, les articles 15 et 16 contiennent les mêmes dispositions pour la répression de la concurrence déloyale et la protection des appellations d’origine que dans toutes nos récentes conventions. Les textes réglementaires français ont été transmis pour notification, les 26 octobre et 29 décembre 1921.
En Esthonie nos appellations d’origine de produits vinicoles sont protégées sous la même forme par les articles 13 et 14 de la Convention du 7 janvier 1922 [119] entrée en application provisoire dès le mois d’août.

La Lettonie et la Lithuanie sont deux pays neufs pour lesquels nous ne pouvons que souhaiter qu’ils entrent résolument dans la voie de la loyauté commerciale et du respect des appellations, dans laquelle les pays voisins se sont récemment engagés.
Lettonie. — Page 298 : Adhésion aux Conventions de Paris et Arrangement de Madrid en 1925, mais dénonciation de ces derniers pour fin 1926. Une Convention commerciale du 30 octobre 1924 contient les dispositions habituelles sur la protection des appellations d’origine.

Notes

[1Rec. Propr. Ind., I., 507.

[2Propr. Ind. 1908, 182 et 192. — Règlements : Propr. Ind. 1911-185 ;1913, 29 et 171.

[3Rec. Tr. Propr. Ind., p. 187.

[4Voir supra, p. 203.

[5Congrès International de Bruxelles 1910. — Rapport de A. B. J. NORRIS, p. 275 et s.

[6Ordre Général 68/1893, Administration des Douanes. Londres 31 août 1893.

[7Pour Porto espagnol, Produit espagnol, voir jugement du
Tribunal de Clerkenwell du 18 mars 1908. Propr. Ind. 1908, p. 104.

[8Op. cit., eod. loco.

[9Champagne Roméo and Juliette Brands, Free from alcohol. 1898. — Devonshire Champagne Cider en 1902.

[10Voir Ridley, 8 sept. 1910, p. 683.

[11Pr. Ind. 1902, p. 82 et suiv.

[12Rec. Propr. Ind. V, 255.

[13Gazette de Madrid du 31 juill. 1907, n° 212, p. 435. Voir Propr. Ind. 1908, p. 71.

[14Journal Off. du 12 juill. 1922, p. 7258 (art. 16).

[15Ratifié par loi du 6 juill. 1893.

[16Rec. Propr. Ind. II, p. 288 et s.

[17Décret n° 7934 du 10 déc. 1921, sur la production et le commerce des vins de Porto. — Bull. Ch. de Corn. Portugaise de Paris, mars 1922, p. 2.

[18Voir Bull. Ch. de Com. portugaise, notamment fév. 1921, p. 5.

[19J. Off du 7 juill. 1922.

[20Traité de Commerce d’Oporto, 30 nov. 1908 (Propr. Ind. 1910, p. 77).

[21Notes du 8 juill. 1911 (Propr. Ind. 1912, 143).

[22Procès-verbaux Conférence de Bruxelles 1897, 7ème séance. Voir : Usage illicite du nom de Madère, p. 64, 69 et 70.

[23Rec. Propr. Indi. II, 569 et 598

[24Ibis., 595.

[25Voir Propr. Ind 1907, p. 136.

[26Tribunal fédéral, 20 mai 1899, Rec. Off. Suisse, T. XIX, 252.

[27Lois du 31 mars 1873 (Propr. Ind. 1907 112) et du 1er fév. 1879 (Rec. Pr. Ind. I, 126).

[28Voir supra, p. 203.

[29Revue Vinicole Belge, juin 1909.

[30Voir Propr. Ind. 1920, p. 32.

[31Voir Comité International du Commerce des vins, cidres, spiritueux et liqueurs. Congrès International Bruxelles 1910.

[32Ibid. p. 261.

[33Réunion du 22 janv. 1922. — Revue Vinicole Belge, mars 1922, p.-457.

[34Séance du 12 avril 1922. — Revue Vin. B., mai 1922, p. 501.

[35Propr. Ind. 1922, p. 102.

[36La situation est la même pour le Cognac. M. VAN PETEGHEM citait dans son rapport au Congrès International du Commerce des Vins et Spiritueux de 1910 l’aveu suivant d’un négociant ou distillateur : « Du cognac, Monsieur, j’en vends des millions de litres, et je n’en achète jamais ! » (Compte rendu du Congrès, op. cit., p. 262).
Belgique. — A ajouter à la page 260 : L’Arrangement commercial du 4 avril 1925 (J. 0. du 27/7/25, page 7.089) contient l’engagement de la Belgique et du Luxembourg de protéger les appellations d’origine françaises qui leur seront notifiées. Une loi belge destinée à permettre la réalisation effective des engagements pris fut votée en 1926-1927, publiée au « Moniteur Belge » du 28 avril 1927 et entra en vigueur le 9 mai (voir le texte et la liste des appellations protégées dans la « Propriété Industrielle » 1927, page 209).

[37Rec. Propr. Ind. II, p. 134. — Règlement : Ibid, p. 139.

[38Rec. Propr. Ind. I, 69.

[39Propr. Ind. 1901, 145.

[40Ibid. 1910, 89 ; mod. par loi 1 fév. 1923. Pr. Ind. 1923, 41.

[41Ibid. 1909, 169. - Ann. 10, 32.

[42Voir Ass. Intern. p. la Protection de la Pr. Ind., Congrès de Berlin 1904 : Rapport de M. RICHARD ALEXANDER-KATZ. IV.

[43Propr. Ind. 1922, p. 137.

[44Congrès de Berlin. Op. cit. Rapport ALEXANDER-KATZ.

[45Op. cit. Observations en réponse au rapport de M. RICHARD ALEXANDER KATZ, par M. ALEXANDRE HENRIOT, délégué de la Chambre de Commerce de Reims et du Syndicat du Commerce des Vins de Champagne.

[46Propr., Ind. 1910, p. -33. - Voir Ass. Intern. Liège 1906.

[47Voir Congrès de Bruxelles du Comité International 1910, p. 291.

[48Ibid., p. 250, 256, 287 à 300.

[49Voir-Propr. Ind.l910, pr77.

[50Congrès, des Viticulteurs allemands, sept.1906. Voir Propr. Ind. 1906, p. 150.

[51Voir Chap. II, p. 43.

[52Une ordonnance du 27 mars1912 déclare l’expression « Bourgogne-allemand » inadmissible (Propr. Ind. 1912, p. 58). Voir pour les « sardines » : Hambourg, 6 nov. 1913, et Cour Hanséatique, 20 mai 1914 (Ann.1919-72) et Cour suprême de Leipzig, 4 juin 1920 (Ann.1921). — Le bureau des brevets de l’Empire, saisi d’un recours contre un refus d’enregistrement d’une marque « Hœfelmayrs Silber Camenbert », persista dans le refus parce que « le sentiment que le fromage de Camembert est d’origine française » n’a pas disparu.
Voir Propr. Ind. 1919, p. 57, et 1-920, p, 56.

[53Voir le texte p. 225.

[54Voir articles de MARTIN WASSERMANN en faveur de l’Arrangement de Madrid dans la revue « Markenschutz und Wettbewerb » de Berlin, numéros de déc. 1919, janv., fév., mars 1920.

[55Rec. Pr. Ind. I, 93.
Allemagne. — Page 268 : L’Allemagne a adhéré à l’Arrangement de Madrid le 12 juin 1925. Une loi du 17 février 1923 prévoit des mesures pour la protection de l’appellation « Cognac ». (Recueil des textes et documents Appell. Orig. Fasc. VI.)

[56Rec. Pr. Ind. II, p. 100.

[57Conférence Internationale de l’Union pour la protection de la propriété industrielle Rome (Imprimerie Botta) 1886, p. 13.

[58Procès-verbaux de la Conférence de Madrid de 1890, de l’Union pour la Protection de la propriété industrielle (Berne, Impr. Jent et Reinert), p. 87.

[59Annuaire de l’Ass. Inter. 1902, p. 17 à 20.

[60L’Informateur, fév. 1921.

[61Bull. Ch. Com. portug. Paris, août 1921, p. 11.

[62Rec. Propr. Ind. V, 619. - Propr. Ind. 1905, 180.

[63Propr. Ind. 1888, 45.

[64Rec. Pr. Propr. Ind. 164.

[65Rec. Pr. Ind. I, 182

[66Ibid. I, 173.

[67Ibid. V, 151.

[68Ibid. I, 185.

[69Ibid. I, 189.

[70Propr. Ind. 1906, 17.

[71Propr. Ind. 1913 ; 105

[72Propr. Ind. 1918, 77

[73Propr. Ind. 1914, p.98 - voir, en outre, commentaire sur la question Propr. Ind. 1912. p20

[74Propr. Ind. 1916, p. 61. — Une autre loi de la même date fixe des sanctions pénales pour l’apposition d’indications d’origine fausses sur les marchandises, ainsi que pour la vente de marchandises faussement marquées. -

[75VoirPropr.ind.l920, p.34.

[76Propr. Ind. 1911, p. 6 et 9.

[77Propr. Ind. 1919, p. 50.

[78J. 0. du 18 juin 1921, entrée en application immédiate.

[79Voir pour les conditions exactes stipulées dans ce type d’accord, supra p. 227, note.

[80Rec. Tr. Propr. Ind., p. 129.

[81Rec. Propr. Ind. IV, 163.

[82Ibid., p. 180.

[83Ibid., p. 199.

[84Voir Propr. Ind. 1903, p. 88.

[85Ibid. 1907, p. 56.

[86Voir Propr. Ind. 1908, p. 53.

[87Ibid. 1912, p. 143.

[88Calqués sur les articles 274 et 275 du Traité de Versailles ; voir supra, p, 225. V, loi 19 déc.1922. — Pr. Ind. 1923, 42.

[89Rec. Pr. Ind., p. 343 et 346.

[90Propr. Ind. 1905, p. 114.
Autriche. — Page 283 : La Convention franco-autrichienne du 22 juin 1923 contient des dispositions sur la Propriété industrielle et la protection des appellations d’origine (voir Prop. Ind. 1924, page 9). L’Autriche a voté, en outre, une loi sur la concurrence déloyale, du 26 septembre 1923 (Pr. Ind. 1924, page 3).

[91Voir Propr. Ind. 1908, p. 53, et RICHARD, op. cit., p. 128

[92Procès-verbaux de la Conférence de Bruxelles, p. 166 et 263 - Voir également supra, p. 209.

[93Propr. Ind. 1920, p. 37 et 46.

[94Ibid., p. 72.

[95Ibid. 1919, p. 97.

[96Mise en vigueur par décret, du 28 avr, 1921 (J. O. du 2 mai 1921).

[97La Convention a été dénoncée par le Gouvernement français pour le 2 mai 1923 (J. 0. du 7 fév. 1923), prorogée jusqu’au 2 juin.

[98Propr. Ind. 1919, p. 64.
Tchécoslovaquie. – Page 288 : Une nouvelle convention est entrée en vigueur le 1er septembre 1923. Elle reproduit les mêmes clauses protectrices de nos appellations. Ce pays a voté une loi sur les appellations d’origine du 20 décembre 1923 (Rec. Textes, doc. App. or. Fasc. VIII), et un décret sur la protection des appellations françaises a été promulgué le 13 septembre 1924.

[99J. 0. du 20 juin 1922.

[100Rec. Propr. Ind. Il, 334.

[101Ibid., p. 350.

[102Ibid., p. 347.

[103Propr. Ind. 1895, p. 111.

[104Ibid.

[105Voir Revue de l’Union des Fabricants, sept. 1913, p. 96.

[106Rec. Propr. Ind. II, 439.

[107Ibid., p. 444.

[108Prop. Ind. 1920, 24.

[109Rec. Propr. Ind. I, 158.

[110Ihid., p. 567.

[111Propr. Ind. 1915, p. 40.

[112Rec. Tr. Pr. Ind., 228.

[113Rec. Propr. Ind. V, 87, et Propr. Ind. 1904, 74.

[114Propr. Ind. 1907, p. 97.

[115Rec. Propr. Ind., II, 619.
Grèce – Page 294 : Adhésion à la Convention de Paris le 2 octobre 1924. Une Convention commerciale du 8 septembre 1926 contient des clauses de protection des appellations d’origine.

[116Ibid., p. 603.

[117Rec. Propr. Ind. II, 391.

[118J. 0. du 21 juill. 1921.

[119J. 0. du 17 août 1922, p. 8579.
Esthonie – Page 297 : Adhésion à la convention de Paris en ?