UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

La protection des vins de champagne par l’appellation Roger Hodez

Chapitre IX

Application de la Délimitation Judiciaire

L’application de la loi du 6 mai 1919, instituant le retour à la délimitation judiciaire devait naturellement soulever des litiges immédiats. Deux grands procès furent plaides au civil au cours de l’année 1921 : l’un à Bar-sur-Aube, l’autre à Bar-sur-Seine. — Les arguments produits dans les deux instances furent évidemment les mêmes, sauf pour quelques communes dont l’origine champenoise était contestée.
Le Syndicat général des Vignerons de la Champagne délimitée assigna les récoltants des communes de l’Aube qui, en faisant leur déclaration de récolte, avaient indiqué, conformément à l’article 11 de la loi du 6 mai 1919, leur intention de donner à leurs produits l’appellation « Champagne ». Le procès contre les communes de l’arrondissement de Bar-sur-Aube vint aux audiences des 27 janvier 1921 et jours suivants, alors que les affaires de Bar-sur-Seine ne furent plaidées qu’à partir du 15 juin. Le représentant du Syndicat demandeur, M6 Marchanchandeau, du barreau de Reims, rappela les événements qui précédèrent le vote de la loi, car leur importance pour l’interprétation du texte apparaît considérable. Le Parlement n’a, à aucun moment, voulu prendre à son compte le soin de délimiter 11 serait tout à fait contraire à l’intention du législateur de croire qu’il a voulu considérer la région comme étant la nouvelle délimitation : il n’a pas voulu donner à tous les habitants du territoire de l’ancienne province de Champagne un droit égal à l’appellation « Champagne ». Ce système, en effet, aurait été entaché d’une manière encore plus grave des inconvénients de la délimitation administrative à laquelle il a été jugé nécessaire de substituer le mode beaucoup plus souple de la délimitation judiciaire.
L’article premier de la loi du 6 mai 1919 donne à ceux qui ont droit à une appellation une action pour faire interdire son usage à ceux qui l’appliquent contrairement à l’origine de leurs produits ou à des usages locaux, loyaux et constants. Les vignerons marnais affirment tout d’abord que, de par leur origine, les vins de l’Aube n’ont pas droit à l’appellation « Champagne ». L’origine géographique ne suffit pas et il serait du reste possible de contester l’origine champenoise à une partie de l’Aube. En réalité, l’origine signifie 1’ « aire de production » ; et celle-ci comporte bien le nom, mais aussi la création du produit et tout ce qui a été fait pour lui donner sa valeur et sa renommée. Or, il est indiscutable que c’est la Marne qui a donné sa vogue au vin de Champagne et qui a poursuivi de tous temps sa défense ; il apparaît donc que le droit à l’appellation doit profiter exclusivement à la région qui l’a créée ou lui a donné sa valeur par des améliorations successives. L’Aube n’a rien fait pour contribuer à ce résultat ; il serait donc peu juste qu’elle en tirât avantage.

« L’origine, ajoutait Me Marchandeau, [1] qui constitue non pas l’unique condition du droit à l’appellation, mais une de ses conditions, signifie plus que le lieu de naissance. Elle signifie l’extraction., Avant d’être d’une région, on est d’une famille ; or, les vins de l’Aube ne sont pas de la même famille que les vins de Champagne. Ils n’ont pas la même origine. Non seulement le Champagne n’est pas né dans l’Aube, mais encore, par la suite, les vignerons aubois n’ont pas adopté, leurs vignes n’étant pas plantées sur le même sol que celui de la Champagne Viticole, les cépages et les procédés de culture qui donnent au véritable Champagne là part essentielle de sa valeur ».
Il s’agit du « vin de Champagne » et non pas de celui « de la Champagne » A ce point de vue, il y a donc de grandes différences d’origine entre les vins de L’Aube et de la Marne. Il faut faire une distinction entre là Champagne viticole et l’ancienne province de Champagne. Le commerce des Vins de Champagne mousseux remonte à une origine très, ancienne, mais il s’est exercé uniquement dans une partie du département de la Marne ; c’est par des négociants de cette région que toutes les anciennes marques ont été déposées et exploitées, alors que les maisons de l’Aube sont de création récente. Il y a à cela une raison : c’est que les vins produits dans la Champagne viticole ont des caractères très spéciaux qui ont motivé la limitation de ce vignoble à une zone peu étendue et d’un sol crétacé homogène [2]. Les vignobles de l’Aube sont à une très grande distance du vignoble de là Marne et sur un terrain différent, aussi rien d’étonnant à ce que les vins soient différents de composition et de bouquet. « L’Aube, par ses cultures et ses vins, appartient réellement à la Basse-Bourgogne, écrivait en 1867 le docteur Jules Guyot » [3]
A ces arguments d’une valeur incontestable, les vignerons aubois apposent dès considérations historiques qui ne manquent pas de force, puis se livrent à une étude très approfondie dé-là loi’ et des travaux préparatoires pour examiner ensuite les diverses interprétations possibles. Ils prétendent que la loi de 1919 a voulu donner un droit égal à tous les vins récoltés dans l’ancienne province de Champagne. La loi a voulu supprimer le régime institué par le décret de délimitation et faire revivre l’ancien état de choses : Or, autrefois, tout vin produit dans l’ancienne province de Champagne était considéré comme ayant le droit de prendre ce nom ; c’est ce que la jurisprudence antérieure à 1909 a reconnu et un arrêt de la Cour d’Appel de Paris de mai 1910 est conçu dans le même sens [4].
On peut cependant réfuter cet argument en montrant que s’en tenir uniquement à l’ancienne jurisprudence, qui s’appuie sur la loi de 1824, constituerait un recul dont les lois et réglementations ne sont pas coutumiers. Or le législateur a nettement montré son intention de ne pas supprimer rétroactivement les conséquences des décrets de délimitation, mais au contraire de donner une situation prépondérante à leurs bénéficiaires. Il ne suffit dune pas de dire qu’avant 1909 le vin de l’Aube était du vin de Champagne et qu’il l’est redevenu.
La distinction invoquée par les Marnais entre la région et la famille fût rejetée par le Tribunal de Bar-sur-Aube [5]. Conformément aux conclusions des vignerons de cette région, le Tribunal déclara que l’origine signifie seulement la naissance et non les cépages. En effet, les mots « composition » et « qualités substantielles » qui avaient été insérés primitivement dans le texte du projet de loi, furent écartés après de longs débats et le ministre de l’Agriculture déclara alors « qu’il est entendu que jamais le législateur ou le juge ne devra intervenir dans le travail du viticulteur, lui demander compte de ses méthodes de culture... » Le Tribunal décida donc « qu’on ne saurait, sans méconnaître l’intention formelle du législateur, accepter l’interprétation donnée par le demandeur au mot « origine ». Les
données matérielles, géographiques et historiques, doivent seules être prises en considération et la classification qualitative ou comparative du produit ne peut être établie par la Justice ; elle reste une question purement commerciale. — Les juges de Bar-sur-Seine [6] crurent devoir mentionner dans leurs décisions une idée déjà exprimée lors de la discussion au Parlement : il serait dangereux de donner une place prépondérante aux qualités substantielles, car cette façon d’agir tendrait à reconnaître un caractère générique aux produits du sol.
La distinction soulevée par les Champenois entre la « Champagne Viticole » et la « Champagne » fut repoussée et les deux Tribunaux reconnurent que les communes qui avaient, sans contestation possible, appartenu à l’ancienne province de Champagne satisfaisaient à la condition d’origine prévue par la loi. Un cas un peu spécial était celui de certaines communes du Bar-Sequanais qui appartinrent au cours de l’histoire, soit à
la Bourgogne, soit à l’Ile-de-France. De longues discussions historiques et géographiques s’ensuivirent et les avocats de ces communes exposèrent que c’est par erreur ou à leur corps défendant que ces communes furent rattachées à d’autres provinces, mais qu’elles restèrent toujours en relations étroites avec la Champagne. Le jugement de Bar-sur-Seine ne s’attarda pas à refaire la géographie et l’histoire de ces communes, ni à fixer d’une manière précise les frontières des provinces aujourd’hui abolies, mais constata que malgré des vicissitudes et fortunes diverses, ces communes n’ont jamais cessé de faire partie de l’ancienne province de Champagne pour diverses administrations, attributions ou juridictions. C’est en somme le sort de l’ensemble de l’arrondissement qui a décidé, dans l’esprit des juges, du sort de certaines communes et qui encouragea le Tribunal à leur reconnaître les mêmes droits à toutes.
Les vignerons de l’Aube affirment que du moment qu’ils satisfont à l’une des deux conditions, origine ou usage, celle-ci est suffisante pour les mettre à l’abri de toute contestation de leur droit à l’appellation.
Au contraire, le défenseur de la cause marnaise interprète d’une façon toute différente la conjonction « ou » qui sépare, dans l’article 1 de la loi du 6 mai 1919, les mots « origine » et « usage » : le demandeur peut discuter aussi bien l’origine que les usages et l’absence de l’une de ces conditions assure le succès de son action.
Le jugement de Bar-sur-Aube reconnaît que les usages peuvent en effet restreindre ou étendre la portée d’une appellation et même lui ôter toute signification régionale pour en faire un terme, générique ; on ne peut donc les négliger. — Mais la preuve exigée du demandeur par le Tribunal est beaucoup plus difficile à administrer, puisqu’en tranchant la question d’origine dans un sens favorable à l’Aube, il l’obligeait à prouver la perte du droit à l’appellation, alors que, s’il était resté muet sur l’origine, il eût suffit de prouver que les usages ne l’avaient pas conférée.
Le jugement de Bar-sur-Seine, au contraire, admit d’emblée que la contestation soulevée, par les Marnais devait être rejetée, car, d’après lui, la condition de l’origine est suffisante et il est ainsi superfétatoire d’examiner les usages. Cependant, suivant en cela la voie même indiquée par les défendeurs, le Tribunal estima qu’il était préférable de procéder à cet examen à cause des intérêts économiques en jeu et de la très grande portée du jugement. Il apparaissait d’autre part nécessaire que tous les moyens fussent soulevés, afin que le procès pût se présenter dans toute sa netteté devant la Cour d’Appel et la Cour de Cassation, s’il y avait lieu.
Nous croyons que cette interprétation du rôle des usages n’est pas la bonne, tant au point de vue grammatical qu’au fond, et ce serait entrer dans une voie dangereuse que de l’accepter. — Le rôle des usages apparaît aujourd’hui considérable, niais, de même qu’on ne peut les négliger, il serait faux également de ne pas tenir compte de l’origine. Il a fallu compléter la loi de 1824 qui, elle, ne connaissait que la région. Il est nécessaire de s’inspirer des usages » que constituent des actes répétés, d’une constatation facile, connus de tous et d’une loyauté absolue. Il faut qu’ils aient un caractère de continuité, de multiplicité et de publicité incontestable.
C’est d’après ces principes que Me Marchandeau entreprit de discuter des nombreux documents fournis par les vignerons de l’Aube et dont l’examen avait représenté une tâche considérable. Tout en reconnaissant que des quantités de vins de d’Aube ont pu être introduites dans de département de la Marne, il affirma au nom des vignerons marnais :
1°) que cette introduction a toujours été irrégulière ;
2°) que ces vins n’ont jamais été destinés aux véritables négociants en vins de Champagne ;
3°) qu’ils ont été payés à des prix tellement inférieurs aux prix payés pour les vins devant entrer dans la composition des cuvées, de véritable Champagne, qu’il est évident qu’ils étaient pour la plus grande partie destinés à d’autres usages qu’à la fabrication du vin de Champagne ;
4°) que si, d’une façon tout à fait exceptionnelle, ces vins ont pu être employés : à la fabrication du Champagne, cet emploi a toujours eu un caractère clandestin, étant fait contrairement aux usages loyaux du commerce et en fraude des droits du consommateur.
Il n’y a donc eu ni « constance », ni « loyauté » dans les livraisons de vins de l’Aube à la Marne.

Les juges de Bar-sur-Seine s’empressèrent de prendre note que la contestation du caractère des usages en impliquait la reconnaissance et s’attachèrent principalement dans leur jugement à combattre l’objection de clandestinité soulevée relativement aux achats faits dans l’Aube.

Après ces longues discussions, les deux jugements conclurent dans un sens favorable aux revendications auboises. Celui de Bar-Sur-Aube constatait notamment que jusqu’au décret de délimitation du 17 décembre 1908, les vins récoltés et manipulés dans l’arrondissement de Bar-sur-Aube : ont eu droit à l’appellation « Champagne » et en ont usé, qu’i1 n ’est pas fait la preuve que les Vignerons y aient renoncé, bien au contraire ; qu’en outre « l’appellation 2e zone ne peut être justifiée par les usages, puisqu’elle est apparue pour la première fois dans le décret du 7 juin 1911 et qu’elle ne peut être basée que sur des conditions de nature et de qualités substantielles, dont le législateur a écarté la preuve » ; il ajoutait même que, d’après les éléments de diverses enquêtes et contre-enquêtes faites dans l’Aube, celle-ci pouvait se prévaloir d’usages en sa faveur (Rapport David, du 8 avril 1911). En conséquence le Tribunal concluait « que, par leur origine non contredite par les usages, les vins de la commune en cause avaient droit à l’appellation « Champagne ».
Le Tribunal de Bar-sur-Seine, de son côté, reprenant les arguments adoptés dans le jugement précédent, s’appuyait même sur le décret du 7 juin 1911 pour reconnaître le nom de « Champagne » à la région délimitée comme « Champagne 2e zone » :
« Le droit à l’appellation « Champagne » a été reconnu et consacré par le décret du 7 juin 1911 qui a donné à ces vins le nom de « Champagne » avec une adjonction qui a été la cause de l’abrogation de ce décret ».
Des circonstances dans lesquelles est intervenue la création de la Champagne 2e zone et du mauvais accueil que lui ont réservé les vignerons de l’Aube, il nous semble impossible de conclure que ce décret reconnaissait à leurs vins le nom « de Champagne » ; sinon, il n’eût pas apporté cette solution transactionnelle, mais simplement une modification de l’ancienne délimitation de la Champagne viticole. La raison qui a fait instituer la 2e zone devait être une raison de qualité ou de doute sur le droit, car si le droit avait été certain, il est évident que la révision du décret eût dû être complète. Quoiqu’il en soit, le Tribunal concluait que le droit à l’appellation « Champagne » étant établi et par l’origine et par les usages, la contestation du demandeur ne saurait être établie sérieusement.
La cause était donc perdue en première instance par le Syndicat général des Vignerons de la Champagne délimitée. Il lui sembla nécessaire de porter l’affaire devant les juridictions supérieures comme la loi lui en laissait la faculté : aussi appel fut-il immédiatement interjeté. Mais la continuation du procès ne laissait pas que d’occasionner des complications et des frais considérables à cause de la multiplicité des instances : par suite des difficultés d’interprétation que soulevait la combinaison des articles 7 et 17 de la loi, les demandeurs se voyaient obligés de lancer des assignations à tous les déclarants. L’article 7 en effet admet bien que les jugements décideront à l’égard de tous les habitants de la même commune, mais d’autre part l’article 17 prévoit la prescription acquisitive d’un an au profit de celui dont la déclaration n’a pas été contestée ; aussi l’article 7 n’a-t-il pas paru suffisamment explicite pour pouvoir contrecarrer dans le cas spécial l’effet de l’article 17 et il sembla prudent d’assigner en première instance tous les déclarants et de continuer ainsi en appel.
Cette procédure oblige à des frais dont le montant énorme risque d’entraver la libre application de la loi en forçant parfois de renoncer à poursuivre les procès faute de ressources. Ces conséquences sont contraires à l’esprit de la loi et les intéressés se sont efforcés de chercher une solution qui permît de restreindre les frais. L’intervention gouvernementale et parlementaire semble être la seule possible ; c’est celle qui a été recherchée par les deux parties. Déjà, avant le prononcé du jugement de Bar-sur-Seine (1er juillet 1921), les représentants de la Marne avaient proposé de modifier l’article 7 de la loi du 6 mai 1919 de telle sorte que la prescription d’un an puisse être interrompue du fait d’une seule contestation élevée contre un habitant de la même commune. « Les jugements ou arrêts définitifs décideront à l’égard de tous les habitants et propriétaires de la même commune ou, le cas échéant, d’une partie de la même commune et l’action engagée en vertu de l’article 1 contre un seul récoltant d’une commune aura immédiatement pour effet d’interrompre la prescription d’un an fixée à l’article 17 à l’égard de tous les récoltants de la même commune qui auront fait ou pourront faire la déclaration prévue à l’article 11 ». D’accord avec les représentants de l’Aube, le ministre de l’Agriculture déposa un projet de loi conçu dans ce sens et M. Viala, député, rédigea un premier rapport qui ne parut pas de nature à donner satisfaction à tous les intéressés ; aussi la question lui fut-elle soumise une deuxième fois. Ces dispositions seront vraisemblablement incorporées au projet général sur les appellations d’origine dont l’élaboration se poursuit actuellement à la Commission des Grands Crus instituée au Ministère de l’Agriculture.
Malgré le retard apporté à l’aboutissement de ce projet, les appels d’un certain nombre de jugements de Bar-sur-Aube et Bar-sur-Seine vinrent devant la Cour de Paris à diverses audiences du 4 janvier 1923 au 2 février. Les prétentions des deux parties y furent longuement et savamment reprises [7]. Mais quelques suggestions nouvelles furent présentées par M. l’avocat général Dreyfus [8] et suivies en grande partie par la Cour. Les arrêts turent rendus le 16 février [9]. Un premier type vise les communes de l’arrondissement de Bar-sur-Aube et partie de celles de Bar-sur-Seine : contrairement à la thèse du Syndicat marnais, l’arrêt admet que l’origine géographique est à elle seule suffisante et à son défaut les usages présentant les garanties requises de loyauté et de constance, à l’exclusion de toute recherche relative aux qualités substantielles [10] ; en conséquence l’arrondissement entier de Bar-sur-Aube et les communes de celui de Bar-sur-Seine spécialement visées, situés dans le territoire de l’ancienne province de Champagne, « ont droit à l’appellation d’origine « Champagne », sans que doivent être examinés les usages locaux, lesquels ne contredisent nullement cette appellation et n’impliquent aucune renonciation à son emploi ».
La commune des Rîceys qui appartenait pour partie à la province de Champagne et à cette de Bourgogne fut assimilée aux communes champenoises. Le second type d’arrêt visait certaines communes du Barséquanais dont l’origine champenoise avait été nettement contestée par le Syndicat Marnais ; la Cour considéra en fait :
« que ces communes, quelles que soient leurs attaches historiques dans les temps anciens, ne faisaient point partie de la province de Champagne, telle qu’elle était, sous l’ancien régime, constituée en son dernier état, mais appartenaient à la province de Bourgogne ; qu’elles ne peuvent point géographiquement, prétendre à l’appellation d’origine « Champagne »...
« Sur les usages, il n’est point allégué, en faveur des communes intimées, des faits suffisant à établir que les vins provenant de leur territoire aient été couramment, d’une façon ouverte et constante, dénommés « Champagne » ; les usages invoqués sont étrangers à cette preuve et ne leur donnent pas droit à l’appellation contestée ».
Aux termes de ces arrêts. il y aurait donc deux groupes dans les communes de l’Aube : l’un auquel le droit à l’appellation « Champagne » serait acquis, l’autre auquel il serait refusé. Cette solution ne peut être considérée comme définitive, car le litige va être porté par les intéressés devant la Cour de Cassation, conformément à l’article 6 de la loi du 6 mai 1919.
Au Chapitre IX. - L’Application de la loi de 1919. – Ajouter à la fin du chapitre, page 148 : « La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé devant elle, par arrêts des 26 et 27 mai 1925 »
Pour mettre fin au conflit entre l’Aube et la Marne, les parties intéressées donnèrent en 1926 leur adhésion a une sentence d’arbitrage que M. Barthe, Président de la Commission des Boissons de la Chambre des Députés, eut mission et accepta de prononcer. Une Sous-Commission des Boissons de la Chambre entreprit sous sa direction une enquête à la suite de laquelle M. Barthe rendit sa sentence.
Les conclusions furent insérées dans le projet de loi Capus-Bender, alors en cours de discussion au Parlement, et qui fut voté pendant l’été 1927 et devint la loi du 22 juillet 1927.
La Champagne se compose dorénavant, non seulement des communes auxquelles le droit à l’appellation avait été reconnu précédemment, mais encore de toutes celles (notamment du comté de Bar-sur-Seine) qui ont revendiqué l’appellation dans leurs déclarations de récoltes de 1919 à 1924 (1).
 [11]

Notes

[1Trib. civil de Bar-sur-Aube. Compte rendu de l’audience du 27 janv. 1921 (Eclaireur de l’Est du 28-l-21), Voir également Courrier de la. Champagne, Eclaireur de l’Est, Indépendant Rémois des 28, 29, 30 janv., 12 fév. 1921,16, 17,18 juin 1921 ;

[2Voir Vigneron Champenois, Epernay, 15 janv. 1923, p. 5 : La délimitation en Champagne, par G. CHAPPAZ.

[3GUYOT : Etude sur les vignobles de France 1867, T. III, p. 93 et 455. p. 93 et 455.

[4Ann. 11, p. 131.

[525 fév. 1921. Etat des délimitations régionales, Fasc. I, p. 7.

[613 juill. 1921. Délimitations régionales, I, p. 14.

[7Voir journaux rémois des 5, 12, 13, 19, 20 janv. 1923.

[8Ibid. 3 fév. 1923.

[9Télégramme du Nord-Est, 18 et 19 fév. 1923.

[10Considérant que la nouvelle législation exclut, pour la fixation des appellations d’origine, toute recherche relative à la composition du produit et sa fabrication, et, d’une façon générale, à ses qualités substantielles ; qu’elle impose comme unique condition la conformité de la dénomination, soit avec l’origine réelle du produit, soit par extension, avec une appellation locale résultant d’usages indéniables ;
Que le fait géographique doit donc, à l’exclusion de toute autre justification, être pris en considération et qu’à son défaut, sont admis à y suppléer les usages présentant les garanties requises de loyauté et de constance.

[11Liste officielle des communes de l’Aube, dont les vins peuvent avoir droit à l’appellation Champagne :
Ailleville, Arconville, Argançon, Arrentières, Arsonval, Avirey-Lingey, Bagneux-la-Fosse, BaInot-sur-Laignes, Baroville, Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine, Beauvoir, Bergères, Bertignolles, Bligny, Bragelogne, Brienne-le-Château, Buxeuil, Buxières-sur-Arce, Celles, Chacenay, Champignol, Channes, Chervey, Colombé-la-Fosse, Colombé-le-Sec, Courteron, Couvignon, Cunfin, Dolancourt, Eguilly-sous-Bois, Engente, Epagne, Essoyes, Fontaine, Funtette, Fravaux, Gyé-sur-Seice, Jaucourt, Landreville, Lignol-le-Château, Les Riceys, Loches-sur-Ource, Marcilly-le-Hayer, Merrey-sur-Arce, Meurville, Montgueux. Montier-en l’isie, Nussy-sur Seine, Neuville-sur-Seine, Noe-les-Mallets, Plaines Saint-Lange, Polisot, Polisy, Proverville, Précy-Saint-Martin, Rouvres-les-Vignes, Saulcy, Spoy, Saint-Léger-sous-Brienne, Saint-Usage, Trannes, Urville, Verpillièrris Ville-sur-Arce Villelenauxe , Vilneuve-au-Chatelot, Vitry-le Croisé, Viviers-sur-Artaut, Voigny.
Mais seuls les terrains actuellement plantés en vignes ou qui y ont été consacrés avant l’invasion phylloxérique peuvent conférer le droit à l’appellation et les seuls cépages admis sont le pinot, l’arbane et le petit meslier. Cependant, pendant dix-huit ans, le vin provenant du gamay et des autres plants français (non compris les producteurs directs) seront tolérés dans les cuvées de vin de Champagne, mais seulement s’ils proviennent de vignes déjà plantées lors du vote de la loi.