Pour se protéger des contrefaçons, les Maisons de champagne se dotent d’un syndicat (à l’origine de l’UMC) et obtiennent, en 1887, que l’appellation soit réservée aux vins de l’ancienne province de Champagne. Cette victoire est le point de départ de la construction du "modèle champenois" entre Vignerons et Maisons de champagne.
Yves Tesson, Docteur de l’université Paris-Sorbonne
La revue des deux mondes, hors-série Patrimoine champagne 2016
Au XIXe siècle, le champagne devient victime de son succès et commence à susciter des contrefaçons. Quelques maisons de champagne s’organisent pour la première fois au sein d’un Comité central créé en 1843 sous la houlette de M. Walbaum en vue d’attaquer des négociants de Touraine qui usurpent des marques de négociants marnais et des noms de villages champenois. Les fraudeurs cependant n’osent pas encore s’affubler du nom de « champagne ». La loi de 1824 qui punit l’usage de fausses origines donne raison aux Champenois.
Toutefois, cette loi est sujette à débats, certains soutenant qu’elle n’est valable que pour les produits agricoles et non pour les produits industriels. La question de savoir si le champagne appartient à la première ou à la seconde catégorie devient alors centrale. Elle débouche directement sur une autre interrogation : la désignation « champagne » constitue-t-elle un terme générique faisant uniquement référence à une méthode spécifique de fabrication ou bien correspond-elle également à des vins provenant d’une origine précise ?
Le problème est délicat tant il est vrai que le champagne s’est notamment construit sur la rencontre entre la vision industrielle du vin allemande et celle, très française, centrée sur le terroir. Observé de loin, par des non-initiés, le champagne pourrait apparaître comme un vin « fabriqué ». En effet, le travail de cave y joue un rôle déterminant. Le principe de mélanger plusieurs crus, y compris d’années différentes, de même que l’ajout à l’époque, par certains négociants, dans les liqueurs de dosage, de cognac, pouvaient induire en erreur. Le consommateur oubliait alors que l’assemblage repose en réalité sur la combinaison par le chef de caves de crus complémentaires venus d’une région spécifique et que les premières ébauches de classements de ces crus datent du XVIIe siècle.
Ainsi, la publication à la fin du XIXe siècle d’un rapport du docteur Girard, directeur du laboratoire municipal de Paris, truffé d’approximations quant aux usages traditionnels champenois et présentant le champagne sous l’angle d’un vin « trafiqué », traduit une opinion assez répandue alors contre laquelle la profession doit batailler. Il faut pour cela multiplier les campagnes d’information pour rappeler que le champagne appartient bien à la catégorie des vins « naturels », à la différence par exemple des vins « gazéifiés », dans la mesure où son effervescence résulte d’une seconde fermentation en bouteille.
En 1882, les grandes marques de champagne, se considérant mal défendues par la Chambre de commerce de Reims alors dominée par le textile, créent le Syndicat du commerce des vins de Champagne (SCVC). Son action contre la fraude sera très efficace.
Le principe du SCVC est simple. Pour pouvoir combattre à l’extérieur les usurpations, il faut commencer par éliminer les fraudes à l’intérieur même de la Champagne. À cet effet, le syndicat définit les usages champenois et exclut de ses rangs toutes les maisons qui ne les respectent pas. Ainsi, l’appartenance à ce syndicat représente en elle-même une garantie pour la clientèle et participe à la réputation des maisons adhérentes.
En effet, certains négociants installés dans la région utilisent dans leurs assemblages des vins venus de l’extérieur, dont les coûts de production sont en général inférieurs à ceux de la Champagne même étant donné les conditions climatiques très contraignantes de cette région septentrionale. De telles pratiques servent d’argument aux fraudeurs du Saumurois. Ces derniers soulignent que si les Champenois utilisent les vins de Loire pour produire leur propre champagne, il n’y a aucune raison pour qu’eux-mêmes ne puissent en faire autant.
Une autre pratique dénoncée par le SCVC consiste à champagniser des vins de Champagne à l’extérieur de la Champagne. De fait, dans certains pays, les taxes prélevées sur les vins exportés en bouteilles sont plus importantes que les taxes sur les vins en cercles, aussi, certaines maisons champenoises choisissaient-elles d’exporter leurs vins en barriques pour les champagniser sur place dans les pays destinataires. Mais, là encore, cette pratique donnait des arguments aux négociants du Saumurois qui assuraient eux aussi acheter des vins en Champagne et champagniser chez eux, ce qu’il était difficile de vérifier.
En 1887, le SCVC remporte une grande victoire lorsque le tribunal d’Angers décide que le terme « champagne » est réservé aux vins effervescents récoltés et manutentionnés dans l’ancienne province de Champagne.
Restait à définir quelles étaient les limites exactes de cette Champagne viticole. C’est ici qu’un violent conflit éclata entre la Marne et l’Aube. Historiquement, lorsque l’on évoquait aux XVIIe et XVIIIe siècles « le vignoble de Champagne », ce sont les vignobles marnais de la Rivière et de la Montagne que l’on considérait. Mais cette délimitation s’était progressivement élargie pour intégrer des vignobles plus périphériques. Ainsi, l’Aube produisait depuis longtemps des vins de qualité dont certains, déjà au XVIIe siècle, étaient destinés à l’exportation. Ceux de Bar-sur-Aube en particulier étaient fameux. Ce n’est toutefois que depuis le milieu du XIXe siècle que des négociants marnais avaient pris l’habitude de s’approvisionner dans le département.
Cette manne champenoise devint vitale pour les vignerons aubois qui réclamèrent leur intégration à la Champagne viticole à partir de 1905, lorsqu’une nouvelle loi sur la répression des fraudes annonça dans son texte l’élaboration de règlements d’administration publique pour délimiter les régions d’appellation. Les Aubois mettaient en avant que cette pratique des négociants marnais de s’approvisionner dans l’Aube était désormais suffisamment ancienne pour être assimilée à un usage traditionnel. Ce ravitaillement se faisait selon eux au grand jour, on pouvait même trouver dans le commerce des cartes postales présentant des photographies des trains entiers affrétés pour Épernay. Ils soulignaient par ailleurs que la région faisait historiquement partie de l’ancienne province de Champagne et que toute la jurisprudence des tribunaux s’était jusqu’ici appuyée sur cette référence pour exclure les mousseux usurpant le titre de champagne.
Le SCVC, sans contester qu’une partie de l’Aube fut un ancien territoire de la province de Champagne (Troyes fut même la capitale du comté), rappelait que certaines zones du vignoble, notamment autour des Riceys, appartenaient autrefois à la Bourgogne. D’ailleurs, affirmait-il, ces vignobles avaient d’abord revendiqué l’intégration à cette première région viticole et ne se tournaient vers la Champagne que parce qu’ils en avaient été exclus. Le syndicat soulignait les différences géologiques et climatiques tout en rappelant que les très rares maisons de champagne implantées dans l’Aube étaient de création récente. Quant à la jurisprudence invoquée, elle avait été élaborée à un moment où les tribunaux ne disposaient d’aucune autre référence pour établir une délimitation, aucune enquête n’ayant encore été menée. Selon le SCVC, ce n’était d’ailleurs pas parce que l’on interdisait à tout vin extérieur à l’ancienne province de porter ce nom que tous les vins situés à l’intérieur y fussent autorisés. « L’argument n’est pas sérieux : "Vin de Champagne" n’a jamais signifié "vin récolté dans la province de Champagne", pas plus que "Vin de Bordeaux" n’a jamais signifié "vin récolté à Bordeaux même". [1] »
Certes, le SCVC reconnaissait qu’il y avait bien des maisons champenoises qui s’approvisionnaient dans l’Aube, mais elles le faisaient de manière discrète, se gardant d’en faire part à leur clientèle. Elles utilisaient souvent des intermédiaires comme les commissionnaires dont elles pouvaient ensuite prétendre ignorer les agissements. On ne pouvait légitimer par l’usage des pratiques qui avaient toujours été considérées par ceux-là même qui les employaient comme frauduleuses.
La position du SCVC était extrême, mieux valait à la rigueur aucune délimitation qu’une délimitation aléatoire qui légitimerait de faux champagnes, car, dans l’ancien régime de liberté, il existait des repères fiables : « L’acheteur qui voulait du champagne authentique savait qu’il devait s’adresser à certaines Maisons et celui qui ne cherchait que le bas prix savait qu’il n’en obtenait généralement que pour le prix qu’il payait. Mais aujourd’hui, après la délimitation, et avec les règlements très stricts qui doivent la rendre efficace, la situation est tout autre : les bouteilles de champagne qui porteront le mot "champagne" auront une garantie d’authenticité presque absolue en dehors de celle du vendeur, et cela devient grave. [2] »
Mieux, les plus grandes marques, celles dont on pouvait être sûr qu’elles ne s’approvisionnaient que dans la Marne, n’indiquaient même pas le terme « champagne » sur leurs étiquettes. La réputation de leur nom suffisait à en garantir la provenance. Lorsque l’on achetait du Veuve Clicquot, on savait qu’il s’agissait de champagne. Cela montre d’ailleurs que la notoriété de la marque primait sur celle de l’origine, et que ce sont bien les marques qui ont fait la réputation de l’appellation champagne et non l’inverse. À l’époque, les bouteilles qui portaient sur leurs étiquettes l’indication « champagne » le faisaient souvent précisément parce que la provenance des vins était douteuse. Les grandes marques furent de ce fait assez réticentes dans un premier temps à ajouter cette mention.
Enfin, l’intégration de l’Aube à la Champagne était compliquée par les choix culturaux encouragés par les autorités départementales pendant la crise phylloxérique. Celles-ci, envisageant l’avenir de l’Aube comme celui d’un réservoir de vins de table pour la capitale, avaient encouragé la replantation en gamay, cépage à gros rendement et de médiocre qualité, alors même que le vignoble était auparavant en partie planté en fin pinot noir.
En 1908, le Conseil d’État donne raison aux Marnais. Cependant, les « mesures complémentaires » de contrôle nécessaires à l’application n’étant pas encore en place, certains négociants continuent à s’approvisionner dans l’Aube. Les fraudes sont alors d’autant plus importantes qu’une série de mauvaises vendanges liées au mildiou viennent frapper la Champagne. Celles de 1910 sont ainsi particulièrement catastrophiques. La misère gagne le vignoble au point que dans certains villages deux tiers des terres sont hypothéquées. Le 16 octobre, 10 000 vignerons marnais défilent à Épernay de manière pacifique pour protester contre le laisser-faire du gouvernement. Dans les jours qui suivent, ils commencent à intervenir eux-mêmes dans les gares ou sur les routes lorsque la rumeur d’un convoi suspect se fait jour. Le gouvernement réagit en déposant un projet de loi pour mettre en place les mesures complémentaires, mais les vignerons s’impatientent et la tension monte. Les 17 et 18 janvier suivant, deux maisons de champagne suspectées de fraude sont mises à sac à Damery et à Hautvillers. L’effet est immédiat : la loi prévoyant les mesures complémentaires qui avaient été incluses dans la loi des finances en est disjointe pour être discutée d’urgence. Elle est votée le 6 février. Dans la Marne, c’est la liesse.
C’est alors au tour des vignerons aubois de réagir : les conseillers municipaux, les maires, démissionnent en masse, les citoyens font la grève de l’impôt, une immense manifestation a lieu à Troyes le 9 avril, mais on observe peu de débordements violents comme dans la Marne. Le gouvernement, pris entre deux feux, tergiverse. Il décide d’une nouvelle commission d’enquête pour examiner à nouveau les contours de la délimitation. Le président de la Commission d’agriculture propose la création d’une appellation « champagne de l’Aube » tout en maintenant des magasins séparés
pour les deux champagnes. Quant au Sénat, il vote une motion invitant à abolir les délimitations qui dressent les citoyens les uns contre les autres. Lorsque les vignerons de la Marne apprennent la nouvelle, c’est la révolution. On pille et on incendie des maisons de champagne, notamment à Ay où cette fois ce sont aussi de grandes maisons qui sont saccagées, comme la maison Ayala,membre honorable du SCVC.
On peut s’interroger sur les raisons qui poussent les vignerons à s’attaquer à leur meilleur allier en la personne du grand commerce. En effet, les fraudes concernaient en Champagne essentiellement les maisons dites de la « petite bouteille », qui faisaient leurs bénéfices sur les quantités vendues et dont les marques peu prestigieuses n’apportaient que peu de valeur ajoutée. Ces vins étaient plus proches des prix des mousseux et avaient la même clientèle, ils étaient à l’initiative d’une première démocratisation du champagne au début du XXe siècle. C’est ce commerce qui, allié aux petits crus de Champagne, milita par la suite contre les mesures qualitatives, comme la régulation de la taille susceptible de réduire les quantités produites et d’augmenter le prix du raisin. Regroupé à partir de 1911 au sein du « Syndicat de défense des intérêts des négociants en vins de Champagne et autres, en cercles et en bouteilles », il dispose de son propre organe de presse. On le suspecte de financer en partie le mouvement de révolte aubois. Mais il bénéficie aussi d’appuis dans la Marne, même chez les ouvriers cavistes dont les emplois sont menacés par la fermeture des maisons fraudeuses. Il n’hésite pas à faire courir le bruit que ce sont les grandes marques les véritables auteurs des usurpations.
Une autre explication de cette curieuse attaque contre les grandes maisons se trouve dans la question des mesures complémentaires réclamées. En effet, l’État semble vouloir tirer parti de l’affaire des délimitations et de leur contrôle pour prélever de nouvelles taxes sur les maisons de champagne à travers le système des vignettes. Le SCVC s’y oppose tout en proposant d’autres mesures de contrôle. Cette opposition des grandes maisons est mal comprise par les vignerons qui interprètent cette réticence comme le signe d’une connivence avec les fraudeurs. Les grandes maisons de champagne s’irritent aussi de voir Alphonse Perrin, secrétaire général de la Fédération des syndicats viticoles de la Marne, cumuler sa responsabilité avec celle d’agent des fraudes, ce qui donne lieu à certains abus et débordements. Sans compter qu’il est humiliant pour le négoce d’être contrôlé directement par les vignerons. Le SCVC déploie tout ce qui est en son pouvoir pour faire démettre Perrin de ses fonctions. De telles démarches participent encore à rendre le syndicat suspect.
Enfin, un dernier facteur de malentendu réside dans la différence des modes d’intervention des deux groupes auprès du gouvernement. Les vignerons usent de l’importance de leur nombre et de la menace qu’il peut faire peser sur l’ordre public. Les négociants au contraire ne souhaitent pas s’associer à ces manifestations tapageuses, qui mettent le gouvernement dans de mauvaises dispositions et font une publicité négative au champagne en laissant croire que ces fraudes sont massives. Ils préfèrent une action discrète de lobby auprès des représentants politiques en profitant de l’important réseau dont ils disposent : beaucoup d’entre eux exercent des responsabilités de premier ordre qu’ils savent mettre à profit pour servir la cause marnaise. Adrien de Montebello et Bertrand de Mun, tous deux députés, jouent ainsi un rôle de premier ordre. Toutefois, cette discrétion peut passer auprès des vignerons pour de la passivité et donc comme une forme de complicité.
1911 demeurera une blessure profonde dans les relations entre négociants et vignerons. Les négociants se garderont cependant d’accuser directement les vignerons marnais des dommages alors commis, ils préféreront mettre en cause l’imprévoyance du gouvernement qui n’a pas mis en place les mesures de sécurité nécessaires, alors que ces émeutes étaient prévisibles. Bertrand de Mun ira même jusqu’à témoigner en faveur d’Émile Lecacheur, grande figure des vignerons marnais, accusé d’avoir joué un rôle dans les destructions d’Ay.
Mais c’est aussi de cette blessure que va naître une prise de conscience de la nécessité d’une meilleure communication et donc d’une meilleure compréhension pour mieux assurer une gestion collective des intérêts de la profession. Écoutons ainsi Georges Chappaz, directeur de l’Association viticole champenoise à partir de 1919 : « C’est en 1911, alors que je visitais, au lendemain des incendies d’Ay, les ruines fumantes de quelques maisons injustement frappées, qu’est née en moi cette conviction qu’il fallait, pour sauver la Champagne viticole, réaliser l’Union du commerce digne de représenter cette belle région avec les vignerons, sans cesse travaillés par des agitateurs étrangers au pays [3] »
Au lendemain de la Première guerre mondiale, l’Association viticole champenoise, dont la première vocation était d’assurer le soutien technique et financier des négociants aux vignerons contre le phylloxéra, profitant de l’Union sacrée née du conflit, élargira le champ de ses compétences en poussant négociants et vignerons à entreprendre des discussions autour des grandes problématiques de la Champagne comme le prix du raisin ou la propagande. Par le dialogue mais aussi les premiers projets collectifs qu’elle initiera, elle deviendra ainsi l’embryon de la future interprofession.
Pendant les années 1920, les socialistes mettent en avant que la question auboise constitue un moyen pour le négoce champenois de diviser les vignerons entre eux et d’imposer ainsi la politique des prix du raisin qu’il souhaite. Cet argument repris par certains historiens demeure contestable.
En effet, l’intégration de l’Aube telle qu’elle était prévue au départ risquait précisément de niveler le prix du raisin vers le bas. Les conditions de production dans l’Aube étaient très différentes, les gamays permettant d’obtenir des rendements largement supérieurs.
En 1910, les vendanges sont insuffisantes pour alimenter les grandes maisons et pourtant le SCVC tient bon sur sa position ce qui prouve bien qu’il s’agit pour lui d’un enjeu qualitatif et identitaire et non d’une question économique. À l’époque, le SCVC, d’une manière générale, a une vision très restreinte de ce qu’est la Champagne. Lorsqu’il s’agit d’encourager la replantation, il se désintéresse des petits crus et souhaite ne distribuer ses primes d’encouragement que dans les grands crus. De même, il milite pour un desserrement de l’échelle des crus qui permettrait de payer plus cher les raisins des grands crus sans augmenter le prix des petits crus. L’idée que, certaines années, le vin soit insuffisant en quantité pour alimenter le marché ne lui déplaît pas, la pénurie permettant d’augmenter le prix de la bouteille et de conserver au champagne son image de produit de luxe. Les maisons pourront pendant ces périodes compenser en produisant à côté du champagne de simples mousseux et profiter dans ce domaine de la qualité du savoir-faire champenois.
Cette intégration donne sans doute finalement satisfaction à tous. Les ravages de la Première Guerre mondiale dans le vignoble ont rendu la question des approvisionnements très délicate dans les années 1920. Les procès successifs que le SCVC finance sont un gouffre sans fin. Par ailleurs, les conditions imposées aux vignerons aubois apportent une relative satisfaction : ils doivent arracher tous les gamays pour les remplacer par les cépages traditionnels de la Champagne. Enfin, les normes culturales mises en place par la Commission de défense et de propagande du champagne puis par la Commission de Châlons et l’AOC en 1935 achèvent de donner à l’ensemble de la région son homogénéité et de forger son identité. La Commission de Châlons, en fixant chaque année le rendement annuel en fonction des besoins du marché, résoudra par ailleurs la menace de surproduction et d’effondrement des prix du raisin et donc du champagne qu’avait fait planer l’intégration de l’Aube.
L’Aube fait désormais pleinement partie de la Champagne. Mais les préjugés à l’égard du département sont tenaces : jusqu’à la fin du XXe siècle, quelques grandes maisons de champagne ont continué à snober ces crus, avançant par exemple que ces vins seraient trop typés et « terroiteraient » dans les assemblages, empêchant les autres de s’exprimer. En ce début de XXIe siècle cependant, les crus aubois sont désormais présents chez de très nombreuses grandes marques et fournissent des raisins très appréciés.