Mais le piège de la standardisation et celui de la contrefaçon attendent le vin que porte cet extraordinaire succès commercial. Dans son fameux dictionnaire, prêt dès 1859 et qui paraît en 1873, Littré définit la Champagne (avec un C majuscule) comme une "Province de France qui produit un vin blanc et mousseux très renommé".
Il définit ensuite le champagne (avec un c minuscule) comme "le vin de Champagne " Et il précise :
le champagne est un vin factice qui s’est fait d’abord avec le vin de la Champagne, plus propre (en raison de sa légèreté) à être travaillé de la sorte, mais qui a été imité en Bourgogne et ailleurs
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Sous la plume d’un homme sans doute encore plus attaché à la précision étymologique des mots qu’aux plaisirs de la table, le terme "factice" signifie "produit par l’art", et non pas, bien entendu, "trompeur". En peu de mots, l’encyclopédiste du langage du XIXème siècle a tout dit. Les vins de Champagne sont, plus que tous autres, élaborés.
Le bouquet des cuvées et la constance du goût de chaque Marque implique des assemblages ; ils doivent, pour pétiller, recevoir une larme de liqueur et fermenter en bouteille ; et pour être parfaitement limpides, ils doivent réussir des manipulations délicates.
Or, toutes ces opérations ont été empiriquement mises au point par des savants écologistes champenois d’une espèce disparue qui entendaient certes assagir la nature capricieuse et souveraine, mais en fin de compte la servaient avec respect et humilité.