UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Qui t’as fait roi ?

Les Maisons se groupent pour relever le gant

Le premier des combats où les Maisons engagent le tout neuf Syndicat de Grandes Marques est capital. C’est celui de l’appellation d’origine. En droit, la question est simple : dans l’esprit des gens qui achètent et consomment le vin, le nom de Champagne évoque-t-il, et doit-il évoquer, le terroir où les vignes ont racine et où sont creusées les caves ?

Ou bien au contraire, évoque-t-il et doit-il évoquer une technique exportable d’élaboration du vin ? Dans le premier cas, le nom de Champagne est une appellation "d’origine" réservée aux vins qui sont les fruits du terroir champenois. Dans le second, il est ce que les juristes nomment une "appellation générique", non plus réservée aux vins d’un lieu donné, mais au contraire extensible par la technique à ceux de toute la terre. Formulée aujourd’hui, bien longtemps après le succès judiciaire et même législatif du combat mené par les Maisons, la question appelle bien sûr la réponse de l’origine régionale : le Champagne est évidemment pour tous le produit de la Champagne, comme le Bourgogne est celui de la Bourgogne et le Bordeaux celui du Bordelais. Mais cette évidence d’aujourd’hui doit tout à l’action inlassable des Maisons et de leur Syndicat. Elle a été conçue et établie par elles, peut-on dire. Ce sont elles qui ont su, contre le sentiment dominant alors, l’imposer d’abord aux juges, ensuite au législateur. Sans la révélation discrète de Littré, nous serions tentés de poser rétrospectivement sur le combat syndical pour l’appellation d’origine le regard bénisseur et injuste que la victoire donne aux vainqueurs, et plus encore à leurs héritiers, nombreux et divers.

Il y a un siècle, ne nous y trompons pas, la Champagne était par tous, et à bon droit aux yeux de tous, pratiquement coupée du Champagne, comme Dijon l’est de la moutarde, Marseille du savon, Bayonne du jambon, Montélimar du nougat, et même Cologne de l’eau, ce qui en un sens est un comble. Il est en effet permis à chacun de fabriquer n’importe où l’un ou l’autre de ces produits aux noms pourtant localisés, en appliquant des recettes techniques à des ingrédients sans rapport avec les nuances de la géographie régionale. Et, autour de 1880, la "champagnisation" maîtrisée, technique, était en train de déraciner le vin d’or. Il n’était pas même probable que la Champagne pût jamais renouer avec son vin le lien que Carrare ne perdit jamais avec son marbre, ni Cholet avec ses mouchoirs, ni Vallauris avec ses poteries, ni Le Puy avec ses dentelles, et ses lentilles d’ailleurs, au moins les vertes.