UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Sourire de Reims, sourire de France : champagne

CHAMPAGNE (suite)

Vous êtes maîtresse de maison, avisée, mais soucieuse d’une réputation justifiée. Croyez-moi, prenez en mains les clefs de la cave et, comme vos belles aïeules, rétablissez hardiment le "dîner au Champagne ". C’était la mode aux siècles de goût, et depuis ce temps-là, celui du Champagne n’a pas changé.

Et d’abord, ne vous effrayez pas du prix de ce grand vin : il est moindre que celui d’une bouteille d’un cru célèbre. Sa marque vous est une garantie absolue de sa qualité. Ce flacon que vous achetez pour 5 ou 10 francs-or est le même exactement que celui des tables royales ou milliardaires. Il n’y a pas deux Champagnes, il y a le Champagne.

Celui que dès le début du repas vous servirez, très frais, voire même frappé, sera brut. Ayez la jolie fierté de faire annoncer à vos convives la marque et l’année des bouteilles.

C’est une courtoise attention que d’indiquer à vos hôtes quel vin vous leur offrez. Qui dira les dîners où sur des vins passables parfois, un valet verse au dessert un sirop mousseux dans les verres à Champagne ? Que d’étiquettes fracassantes adornées de blasons multicolores ont disparu us la serviette ancillaire ! Que de "mousseux royal", prince Machinchose, ont clos de leur atroce bibine des ners honnêtes, tout comme de populaires banquets ! L’exemple ne vient pas toujours d’en bas.

Donc votre vin de Champagne sera cité à votre table. Ayez pour le servir de larges verres de cristal mousseline et surtout, adjurez vos convives de ne pas "battre"leur vin, ainsi que le font à l’aide de bâtonnets certains amateurs à rebours. Ce sont ces bulles légères, cette mousse fine, serrée, composée de minuscules perles rondes, étroitement pressées, qui rendent le Champagne digestible. Qu’un absurde snobisme ait détruit par affectation de bon goût une précieuse qualité du Champagne, cela est assez inconcevable pour que, de toute votre autorité, vous imposiez quelques sains principes à vos hôtes.

Faites leur observer comme dans le bon Champagne la mousse est de qualité ; les bulles petites, pressées, traversent l’or pâle, le blond léger du vin.

Sans pédanterie, profitez de la petite surprise que vous causerez peut-être aux ignorants, pour insister sur ce fait qu’il ne faut pas "tuer" un vin vivant comme le Champagne. Tellement vivant que lorsque la vigne est en fleur, le vin scellé dans les bouteilles au fond des caves travaille d’une étrange et mystérieuse fermentation.

Parlez aussi des grandes années qui font les vintages célèbres. Vous saurez vite que telle marque possède un 1911 incomparable, telle autre un 1915 sans égal, que 1921 fut une grande année et que, sur les quinze à dix-huit ans que dure la vie du Champagne, il y a quelques dates illustres : 1914-1919, 1921-1923-1926-1928-
1929, que les bouteilles portent au col comme des médailles, et qui méritent d’être connues par cœur.

Dites que les meilleurs crus de la montagne de Reims, de la colline d’Avize, de la vallée de la Marne, unissent le jus de leurs cépages pour établir par de savants mélanges ces cuvées où se retrouve la qualité particulière d’une marque. On peut parler sans ridicule et même avec un certain lyrisme de cette richesse de France, du savoureux pinot ou de ces grappes qui portent de jolis noms comme "vert doré d’Aÿ" ou " Chardonnay d’Avize".

Et vos convives seront peut-être éberlués d’apprendre que si le blond Champagne demande sa délicatesse au raisin blanc, il emprunte du corps au raisin noir.

Les hommes ne sont-ils pas mille fois plus prétentieux qui discutent à tort et à travers, du bouquet, de l’arôme de braves gros vins qui n’ont souvent que bien peu de mérite et moins encore de noblesse ?

Parlez du Champagne, Madame, vous en pouvez impunément boire sans rougeur ni migraine. Vous avez assez d’esprit pour vous entendre à merveille avec le plus spirituel des vins de France.