Depuis l’avènement de l’archevêque Henri de Braisne, il ne fut plus question de remplacer simplement les tours de Samson. La nef devait être prolongée de deux arcades et la façade s’élever finalement au bout de dix travées. L’agrandissement du chœur consécutif au maintien du maître-autel à l’emplacement qu’il occupe depuis 401, justifie ce prolongement de la nef. La façade ne fut commencée qu’après 1252, par conséquent beaucoup plus tard que la nef qui devait être achevée au moins en partie en 1241.
Un examen rapide de la cathédrale permet de relever des "ruptures" nettes de parties indiquant une interruption du chantier et/ou un changement de maître.
La coupure se poursuit sans interruption et avec netteté du sol jusqu’à la voûte, séparant la nef en deux moitiés, bien que d’un point de vue formel, l’architecture demeure la même à l’est et à l’ouest.
- A l’ouest de la coupure, le feuillage des chapiteaux est partout plus touffu, découpé et moins varié que dans les parties orientales. L’astragale qui divise horizontalement la corbeille des chapiteaux des colonnettes engagées disparaît aux piles cantonnées occidentales.
- Aucun profil de base située à l’ouest de la coupure ne présente la scotie (gorge séparant deux tores) que l’on trouve sur la plupart des bases de la partie orientale.
- Les bases et chapiteaux des parties occidentales sont pris dans la même assise que la partie adjacente des fûts : c’est un procédé que l’on ne rencontre jamais dans les parties orientales.
- A l’ouest, le socle des murs collatéraux présente un tore cylindrique et non plus une scotie, comme dans les parties orientales.
- La corniche du bas-côté est décorée de feuilles à l’ouest de la coupure, de crochets à l’est. Les gargouilles placées juste au-dessus sont plus fortement inclinées dans les parties orientales que dans les parties occidentales.
- Sur les piles libres orientales, les joints d’assise tombent au milieu du noyau central, derrière les colonnes engagées, tandis qu’à l’ouest, ils courent le long de ces colonnes.
- Les colonnes de tous les supports engagés (y compris celles des encadrements de fenêtre et des extrémités de chaque travée du triforium) sont, à l’ouest, montées en assise appareillées en liaison avec le mur, alors qu’elles se composent de morceaux de fûts superposés et taillés en délit dans les parties orientales.
- Les restes des tirants provisoires sont en fer dans les arcades occidentales de la nef (crochets) et en bois à l’est de la coupure (entraits sciés).
- A l’ouest de la coupure, les bases des colonnettes de meneau central des fenêtres sont situées en haut du glacis, tandis qu’à l’est, elles se trouvent au milieu de sa limite inférieure.
- Dans le réseau des fenêtres occidentales, l’appareil des polylobes est tourné de 45° par rapport à celui des fenêtres orientales, assurant une stabilité plus grande.
La césure progresse en escalier d’ouest en est. Sur les murs des collatéraux, l’interruption des travaux se lit immédiatement à l’est de la pile engagée, au droit des travées III et IV ; le socle du mur de la travée IV appartient donc encore aux parties orientales, tandis que la fenêtre collatérale correspondante relève déjà de la nouvelle campagne de construction ; toutefois, la colonnette du montant qui est à la limite de la Ve travée présente encore l’ancienne technique : la coupure passe donc à l’ouest de ce montant.
Les piles de la nef centrale PN4 et PS4 se trouvent à l’ouest de la coupure, ainsi que les formerets orientaux qu’elles reçoivent. La coupure se poursuit verticalement le long des colonnes engagées dans le mur gouttereau au-dessus de PN5 et PS5, qui appartiennent elles aussi aux parties orientales. Au-dessus, la césure conserve le même axe dans le triforium. A ce niveau, seule la colonnette orientale de l’arcature de la travée IV est en délit, et revient donc aux parties orientales. La coupure n’est plus perceptible à l’étage des fenêtres hautes.
Peter Kurmann