Le premier architecte de la cathédrale de Reims est venu du chantier de l’église abbatiale d’Orbais. Il n’ignorait rien des grandes cathédrales antérieures de Laon, de Chartres et de Soissons, ses connaissances lui permirent d’en réaliser une admirable synthèse.
Les travaux de la cathédrale auraient débuté du côté de l’archevêché, partant du flanc méridional du transept et du chœur. Jean d’Orbais élève la construction de l’abside, du transept et du chœur et exécute une grande partie de la nef, les six grands piliers du côté nord en partant de la croisée et, deux en revenant du côté sud, ceux qui cantonnent la cinquième travée. Les parties du chœur semblent encore dépasser le niveau du triforium et comprendre les jambages des fenêtres hautes jusqu’au tas de charge au-dessus des chapiteaux des voûtes.
Il a construit une grande partie de la nef, jusqu’à la quatrième travée et élevé les murs extérieurs des bas-côtés avec leurs fenêtres, à l’exception de la corniche. On est tenté d’admettre que ce ne fut pas la mort qui empêcha le talentueux architecte de poursuivre son activité, mais qu’il a été congédié par l’éxigeant archevêque Henri de Braisne.
Placé devant la charge de lancer les voûtes sur les murs du chœur et du transept, Jean le Loup procéda à la construction des contrebuttements imaginés par son prédécesseur en les renforçant toutefois pour résister efficacement à la poussée des voûtes. Les culées des arcs-boutants s’avancèrent ainsi jusqu’au ras des contreforts du rez-de-chaussée et vinrent couper le chemin de ronde prévu par Jean d’Orbais sur la corniche des chapelles. Les statues d’ange que Jean d’Orbais entendait placer au sommet des arcs-boutants furent placées par Jean le Loup dans des pinacles alignés au même niveau que ceux des rois du transept.
Dans la nef, Jean le Loup a poursuivi les travaux du rez-de-chaussée. Il a érigé les quatre piliers VI à IX du côté sud qui manquaient encore. On les distingue aisément à leurs bases dépourvues de griffes. Les corbeilles des grands chapiteaux ne sont plus décorées de crochets ou de feuillage disposés en deux frises, mais de larges ramages prenant racines sur le bord de l’astragale (c’est dans ces chapiteaux que l’on découvre des sujets sculptés). Il a exécuté les arcades de la Xe travée.
N’ignorant pas que le chœur et le transept resteraient longtemps la seule tranche utilisable de la cathédrale, Jean le Loup a dressé un mur de clôture entre la neuvième et la dixième travée. Il incrusta deux des portails qui avaient été préparés pour la première façade en les adaptant aux ouvertures existantes du croisillon nord, ceux-ci servant alors d’accès à l’église. Jean le Loup a jeté les fondements de la façade occidentale, au-delà de la façade de Samson, après qu’il eut été décidé de porter à dix le nombre de travées de la nef. La mise en œuvre de la façade se réalisa, sur décision de l’archevêque Henri de Braisne, avant même l’achèvement du chœur. Il commença à bâtir les portails qui atteignirent la mi-hauteur des ébrasements. Le revers devait être couvert d’une décoration en relief.
Les statues de la façade occidentale, demeurées sur le chantier, furent montées sans respect de l’ordre imposé par les marques de pose. Gaucher de Reims fit réaliser de nouvelles figures et édifié les archivoltes dont les claveaux devaient être à peu près terminés dans les ateliers. On ignore, par contre, si les grands gâbles ont été montés par Gaucher. Il semble plus probable qu’ils ne furent élevés que par Bernard de Soissons après les gros travaux de l’étage de la rose auxquels ils auraient fait obstacle. On lui doit les tympans vitrés.
Gaucher a jeté les bases des trois premières piles méridionales. Il a érigé jusqu’à leur sommet les murs extérieurs des bas-côtés des premières travées, réalisant ainsi la jonction entre les portails commencés hors œuvre et l’extrémité des parties orientales de la cathédrale. C’est donc à ce moment, au plus tard, que la façade de Samson a dû définitivement disparaître. Gaucher a voûté les travées V à IX des collatéraux (les clefs du bas-côté nord ont reçu un décor sculpté). Le triforium des travées V à X est alors élevé, les fenêtres hautes et les voûtes des travées VI à X sont édifiées. Au flanc de la nef, Gaucher a dressé les quatre arcs-boutants épaulant, de part et d’autre, les voûtes des travées VI à IX qu’il venait d’ériger.
Bernard de Soissons ouvra l’O. Il prolongea la façade occidentale jusqu’au niveau de la "galerie du Gloria", avec au-dessus de la rose à douze pétales, un gigantesque haut-relief représentant deux phases du combat de David avec Goliath. Dans la nef, il termina les trois piliers méridionaux des trois premières travées, éleva ceux du côté nord et lança les voûtes des premières travées des bas-côtés ( les clefs se composent de deux boudins concentriques). Partant de la rose, Bernard de Soissons a élevé les voûtes des cinq premières travées, un rang de claveaux accompagne les ogives jusqu’à mi-hauteur. Il édifie les trois volées doubles des arcs-boutants qui viennent épauler de part de d’autre les flancs des travées.
Bibliographie : Hans REINHARDT