Comme on l’a vu, les expéditions sur le marché français ont presque quadruplé en vingt ans. Ce beau résultat est dû aux efforts commerciaux des Champenois mais aussi, et principalement, à la progression du niveau de vie des Français. En voyant s’accroître leurs moyens, beaucoup d’entre eux ont eu le sentiment d’accéder à un statut plus élevé dont fait partie l’habitude de boire de temps en temps du champagne. Le champ des consommateurs s’en est trouvé élargi en âges et en positions sociales. Les tranches des 20 à 24 ans ont progressé de 7 % entre 1967 et 1975. Dans le même temps, les ouvriers ont gagné près de 10 % et les agriculteurs, autrefois en retard, 42 %, ce qui les a rapprochés nettement des ouvriers, dont 76 % semblent être des buveurs de champagne, au moins occasionnels2.
Les consommateurs se répartissent comme suit en fonction de l’importance de leurs achats (chiffres de 1975). Un groupe, celui des gros consommateurs se procurant plus de 20 bouteilles par an, rassemble 18,9 % des buveurs et s’attribue à lui seul 58,4 % du marché ; son niveau social est élevé dans l’ensemble, mais on y trouve des employés et des ouvriers. Ce sont tous des inconditionnels du champagne. A l’opposé, il existe un groupe de consommateurs accidentels, avec 21,2 % des buveurs, dont les achats sont quasi nuls car ils prennent généralement le champagne à titre d’invités. Entre ces deux groupes on trouve 59,9 % de consommateurs moyens ou occasionnels, achetant un maximum annuel de six bouteilles ; ce troisième groupe est composé surtout d’employés, d’ouvriers et -d’inactifs. La moitié des consommateurs achètent leur champagne pour le mettre en réserve afin de l’avoir disponible en cas de besoin, et c’est une tendance qui se développe car dans les armées soixante moins de 40 % agissaient ainsi. A cette évolution correspond une propension à acheter le champagne par cartons plutôt que bouteille par bouteille.