En premier lieu, il faut rappeler que l’on ne trouve en Champagne que trois appellations, Coteaux champenois, Rosé des Riceys et Champagne, toutes trois d’origine contrôlée, l’appellation Champagne couvrant à elle seule la presque totalité de la production de la province. Se trouve donc très limitée la possibilité de fraudes qui, dans d’autres vignobles de France et d’Europe aux multiples appellations, peuvent prendre la forme d’échanges clandestins entre vins de catégories différentes, ayant pour objet de faire passer les moins bons à l’échelon supérieur.
En second lieu, le champagne est toujours mis en bouteille dans sa région de production. Il n’est vendu qu’en récipient d’origine, avec des bouchons portant la mention champagne et un habillage qui l’identifie avec précision, ce qui diminue considérablement les risques de substitution et d’adultération. Le chanoine Godinot expliquait déjà au XVIIIe siècle que l’on revêtait les bouteilles de vin de Champagne d’un cachet avec de la cire d’Espagne, afin qu’on ne puisse pas changer le Vin, ni le flacon, et qu’on soit sûr de l’envoi, et de la Fidélité des Domestiques. On doit noter cependant un développement de la contrefaçon extérieure qui, en même temps, change de nature. Alors qu’autrefois elle était seulement le fait d’artisans habillant épisodiquement sous le nom champagne un nombre limité de bouteilles de mousseux, on trouve maintenant de véritables industriels dont l’activité s’exerce sur de gros volumes, et est souvent internationale, bouteilles de mousseux, étiquettes et habillage pouvant ainsi se répartir entre pays différents. Cette contrefaçon est pourtant rapidement repérée et combattue, si bien qu’elle ne peut porter en définitive que sur des quantités limitées.
En troisième lieu, les contrôles sont en Champagne complets et bien organisés. Ils portent à la fois sur le respect des règles de l’appellation et sur la sauvegarde des caractères spécifiques du produit. Ils s’exercent à tous les stades, qu’il s’agisse de la culture de la vigne, de la vendange, du pressurage, de l’élaboration du vin, de la commercialisation. Selon le vieil adage nul n’est censé ignorer la Loi, l’indulgence n’est pas de mise en Champagne. Mais on y prend toutes dispositions nécessaires pour que la réglementation soit parfaitement claire. Elle est portée à la connaissance de tous et rappelée chaque fois que cela semble nécessaire par les soins de l’ I.N.A.O. et du C.I.V.C.
En quatrième lieu, les professionnels reconnaissent la nécessité du contrôle, s’y associent et, on le verra plus loin, vont jusqu’à y participer effectivement. Comme le rappelait en 1980 le président du Vignoble à une assemblée de son syndicat, ils ont la volonté de fournir au consommateur un produit qui ne supporte pas d’essai de tricherie. Le contrôle est contraignant par nature, et généralement difficilement accepté par les intéressés lorsqu’il leur est imposé par la seule volonté du prince. Avant la Révolution, le vigneron champenois se plaignait, dans les cahiers de doléances de la paroisse d’Oger, d’être obligé de déclarer tous ses gestes au fonctionnaire des impôts, l’endroit où il dépose ses raisins, etc. Ceux d’aujourd’hui sont soumis à des contraintes analogues et considérablement alourdies, mais ils les acceptent mieux, car ils ont eux-mêmes suggéré au législateur l’essentiel de la réglementation de leur appellation avec les contrôles qu’elle suppose.
En cinquième lieu enfin, le contrôle du champagne est très efficace parce qu’il est exercé à la fois par les professionnels et par plusieurs services relevant de quatre ministères, les uns et les autres coopérant dans d’excellentes conditions. Leurs actions se superposent et se recoupent ; elles disposent de moyens importants tels que l’informatique et bénéficient du concours éventuel des forces de l’ordre. Les agents du contrôle sont nombreux et compétents ; leurs interventions sont fréquentes, approfondies et systématiques, si bien que personne ne peut y échapper.