UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Histoire du champagne

La Saint-Jean

La Corporation des Tonneliers et ouvriers des caves de Reims fête chaque année son saint patron, Saint Jean-Baptiste. Elle existait déjà au Moyen-Age et elle était alors constituée par les tonneliers qui avaient été regroupés hors les murs, autour de la place des Coutures (aujourd’hui place Drouet-d’Erlon), pour ne pas troubler de leurs coups de maillet la tranquillité des bourgeois.

D’autres corporations d’artisans tonneliers existaient en Champagne, à Châlons-sur-Marne, depuis 1630, et également dans quelques localités du vignoble. Supprimées à la Révolution, certaines d’entre elles s’étaient reconstituées sous le second Empire, les tonneliers se groupant avec les ouvriers des caves des maisons de champagne dont les dirigeants apportèrent leur appui moral et financier à cette nouvelle organisation. La Corporation des maîtres tonneliers de Châlons-sur-Marne, avant d’être dissoute en 1958, avait sa fête le jeudi, jour de l’octave de la Fête-Dieu, et ne semblait pas avoir invoqué le patronage d’un saint particulier [1].

À Reims, depuis 1855 une messe patronale était célébrée le jour de la Saint Jean-Baptiste ou le lundi suivant, et à partir de 1879, grâce au concours du Négoce, autour de cette cérémonie s’était instaurée une grande Fête de la Saint-Jean-Baptiste des tonneliers et ouvriers des caves. En 1861, Roux-Ferrand écrit que la Saint-Jean est, d’une manière générale en Champagne, chômée par les ouvriers des caves.

Elle n’a pas lieu dans les villages, où ces ouvriers sont trop peu nombreux, mais dans les grandes villes de Champagne, elle donne lieu à des démonstrations qui ne sont pas dénuées de caractère [2]. Il précise toutefois : Il n’y a rien de semblable à Épernay, où, écrit Maurice Hollande, il faudra attendre 1919 pour que les cavistes, tonneliers et employés des maisons de champagne et des industries annexes prennent l’habitude de célébrer dignement la fête de Saint-Jean, rejoints depuis la Libération par les cavistes et employés des maisons de champagne d’Ay et Mareuil-sur-Ay [3].

Malheureusement, dans les années 1950, sauf à Reims, se sont éteintes à la fois les corporations, là où il en existait, et les fêtes de la Saint-Jean des tonneliers et cavistes, dont subsistent seulement quelques rares courses de tonneaux, à Ay notamment. À Reims, jusqu’en 1966, tous les membres de la corporation, ouvriers des caves et employés de bureau des maisons de champagne, personnel des industries annexes, soit environ 4 000 personnes, continuaient à être réunis par le Négoce rémois.

On trouve dans les archives de la Corporation des Tonneliers et ouvriers de caves de Reims les renseignements suivants : Chaque année une maison mettait ses celliers à la disposition de la corporation pour une remise de coupes d’ancienneté, ainsi que de livrets de caisse d’épargne aux jeunes ouvriers particulièrement méritants. Des prix d’honneur étaient également décernés. Ensuite on entendait sauter des centaines de bouchons de bouteilles de champagne, chaque maison ayant fourni un nombre de bouteilles proportionnel à l’importance de son personnel. On voyait les patrons venir trinquer avec leur personnel qui se trouvait groupé par maisons en attendant d’aller retrouver des collègues ou amis d’autres maisons pour faire des dégustations comparatives ! L’après-midi une séance récréative était organisée au cirque municipal tandis que se déroulait la traditionnelle course aux tonneaux par relais entre des équipes de différentes maisons. Enfin un grand bal de nuit terminait cette mémorable journée.

Depuis 1967, la fête rémoise de la Saint-Jean se déroule plus simplement. Le matin une délégation de la corporation dépose une gerbe au monument aux Morts et au monument aux Martyrs de la Résistance. Après la messe solennelle les négociants de Reims reçoivent, dans les celliers d’une grande maison, les membres de la corporation, les récipiendaires de coupes d’ancienneté et de prix d’honneur corporatifs, ainsi que tous les travailleurs ayant reçu la médaille du travail dans l’année.

Notes

[1GRIGNON (Louis). Statuts et historique de l’ancienne Corporation des Tonneliers de Chalon-en-Champagne et Tableau de l’actuelle confrérie d’iceux. Châlon-sur-Marne, 1882.

[2Roux-FERRAND (H.). Moeurs champenoises. Paris, 1861.

[3HOLLANDE (Maurice). Connaissance du Vin de Champagne. Paris, 1952.