UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

La Grande Histoire des Maisons de Champagne

Le phylloxéra et la création de l’Association Viticole Champenoise (AVC)

Planches réalisées par le Docteur Jolicoeur représentant le phylloxéra sous ses diverses formes. À partir des années 1860, le vignoble français est frappé par un terrible fléau : le phylloxéra. Cet insecte venu d’Amérique s’attaque aux racines des vignes et entraîne le dessèchement des plants. Rien n’arrête ce puceron dont la vitesse de reproduction est effrayante : un seul insecte a une descendance de 10 millions d’individus en un an ! Les Champenois s’imaginent que les sols crayeux et le climat local les préserveront de l’invasion mais le 6 août 1892, l’insecte est signalé au Mesnil-sur-Oger.

Le Syndicat du Commerce initie un premier grand syndicat antiphylloxérique regroupant des exploitants viticoles. La méthode de lutte préconisée est celle de l’extinction, c’est-à-dire l’arrachage des pieds touchés et la mise au repos des terres pendant six ans. Très vite, des difficultés apparaissent.

D’abord politiques : alors que 90 % des vignes appartiennent aux Vignerons, la nouvelle organisation est dirigée par des Négociants. De surcroît, certains Vignerons n’ont pas pris la juste mesure de la menace : un Vigneron de Damery, René Lamarre, n’hésite pas à affirmer que si le phylloxéra existe, il est une bénédiction pour les Vignerons : il créera une pénurie de raisin et fera flamber les prix. D’autres accusent les Maisons d’utiliser la situation pour s’accaparer leurs terres… Ces querelles intestines auront raison du syndicat antiphylloxérique qui est dissous en 1896.

En 1897, le Syndicat du Commerce crée une nouvelle organisation : l’Association Viticole Champenoise (AVC) dont le fonctionnement est très différent. D’abord, elle ne se compose que de Maisons, à l’exclusion de Vignerons, pour éviter les querelles internes. Ensuite, elle renonce à toute méthode coercitive et se borne à subventionner les syndicats antiphylloxériques locaux constitués par les Vignerons qui respectent ses prescriptions.

Enfin, elle abandonne la méthode d’extinction au profit du greffage des plants champenois sur des porte-greffes américains dont les racines résistent au redoutable puceron.

Au sein du Syndicat, l’AVC ne fait pas l’unanimité. L’usage de porte-greffes américains suscite les réticences d’Alfred Werlé et de Gaston Chandon de Briailles qui redoutent que le recours à un cépage étranger, même comme porte-greffe, ne donne des arguments à ceux qui combattent l’exclusivité du nom champagne pour désigner les seuls vins originaires de la Champagne. Par ailleurs, ils craignent que cette solution n’affecte la qualité et l’identité du vin. Enfin, les deux Négociants se méfient de cet organe de recherche collective (l’AVC doit déterminer le porte-greffe le mieux adapté aux sols champenois) qui pourrait se transformer en « pépinière de fonctionnaires » ; ils considèrent que la recherche collective est plus adaptée à l’industrie qu’à l’agriculture pour laquelle les solutions ne sont pas toujours transposables d’un terroir à l’autre. Moët & Chandon choisit donc de démissionner du Comité de direction du Syndicat du Commerce et de créer son propre organe de recherche : Fort Chabrol.

Les travaux de l’AVC conduisent au choix du porte-greffe 41 B provenant du Texas où les sols sont riches en calcaire. Il convient bien aux sols crayeux de la Champagne propices à la maladie de la chlorose. Par ailleurs, en n’excluant pas le traitement au sulfure de carbone des vignes déjà phylloxérées, l’AVC va éviter un rajeunissement brutal du vignoble qui aurait considérablement nuit à la qualité. Au contraire, les plants français seront maintenus en vie le plus longtemps possible pour assurer une replantation très progressive. Cette progressivité est d’autant plus nécessaire que l’AVC doit prendre le temps de former les Vignerons au greffage et aux nouvelles techniques de taille car les vignes sont replantées en rangs et non plus en foule. Le paysage de la Champagne en est complètement transformé.

Portfolio

  • Projet de statuts de l'AVC (1897)
  • Alfred Werlé, patron de la Maisons Veuve Clicquot et fervent partisan de la (…)
  • Article de presse relatant l'accueil peu courtois des Vignerons de (…)
  • Journal publié dans les années 1890 par le vigneron René Lamarre pour (…)
  • Planches réalisées par le Docteur Jolicoeur illustrant le phylloxéra sous (…)
  • Vignes en foule à la fin du XIXe siècle.