Codirigé par les deux délégués du Vignoble et du Négoce, Maurice Doyard et Robert-Jean de Vogüé le CIVC se fixe pour mission de répartir avec équité le poids de l’Occupation entre les différents acteurs.
C’est lui qui attribue les bouteilles, le sulfate de cuivre mais aussi le raisin (dont le système d’allocation perdurera jusqu’en 1990). L’objectif est d’empêcher une concurrence sauvage qui provoquerait une pénurie générale et une explosion des prix ne profitant qu’aux plus gros.
Le CIVC se charge aussi de négocier avec l’occupant pour qu’il ne fonde pas, par facilité logistique, sur les plus grosses Maisons. Contraintes à des ventes obligatoires trop importantes, elles ne pourraient plus satisfaire leur clientèle civile. Robert-Jean de Vogüé tente d’obtenir que si les grandes Maisons se voient confier les livraisons à la Wehrmacht, les Maisons de moindre taille soient sollicitées pour l’alimentation des cabarets réquisitionnés.
Il faut également faire entendre à l’armée allemande que le stock des Maisons n’est pas une simple réserve mais un outil de production. Un bon champagne doit vieillir trois ans. Pour préserver l’image et la qualité du champagne, le CIVC propose d’abaisser les prix de vente en échange d’une diminution des contingents prélevés.
De même, pour ne pas réduire ces stocks de bouteilles sur lattes, Robert-Jean de Vogüé obtient qu’une partie des livraisons se fasse en vins tranquilles, les producteurs de « sekt » se chargeant chez eux de la seconde fermentation. On dit que jamais leurs mousseux n’ont été aussi appréciés... Les Maisons demandent enfin à ce que le fardeau des ventes à l’armée allemande ne pèse pas que sur la Champagne et que les autres régions productrices de vins effervescents soient sollicitées. Mais Otto Klaebisch conditionne ces livraisons à des dégustations et continue à privilégier le champagne.
Faute de pouvoir réduire sensiblement les contingents réservés à l’armée, le CIVC obtient que le champagne soit avantagé dans les répartitions de matière première. C’est ainsi que certaines Maisons sont classées « V Betrieb », usines prioritaires, au même titre que l’armement. Il en va de même pour la main-d’œuvre : les Maisons soutiennent que pour parvenir à la production de 25 millions de bouteilles, elles ont besoin d’un minimum de 2 500 ouvriers. 500 cavistes et employés prisonniers de guerre sont ainsi rapatriés… En échange, les Maisons doivent démontrer qu’elles poussent leur main-d’œuvre au maximum en pratiquant des horaires de 54 heures hebdomadaires. Elles y parviennent grâce au soutien des représentants syndicaux ouvriers.
De fait, il existe une grande solidarité au sein de la profession au point que, lorsque Robert-Jean de Vogüé est arrêté en 1943 pour son action dans la Résistance, les cavistes organisent une grève générale. Chose exceptionnelle, les tracts sont imprimés avec la complicité du patronat au siège du Syndicat du Commerce lui-même ! Beaucoup de patrons de Maisons affichent un placard de protestation dans leur établissement, ce qui leur vaut des amendes individuelles de 600.000 francs.
De cette organisation interprofessionnelle, va découler en 1945 la création d’une Fédération des Syndicats de Négociants : l’Union des Syndicats du Commerce des Vins de Champagne. Il apparaît en effet indispensable que toutes les Maisons puissent être représentées au sein d’une instance unique chargée d’élaborer des positions communes. L’organisme siège au même endroit que le Syndicat du Commerce et deviendra plus tard l’Union des Maisons de Champagne.