Qui osait encore rêver début juillet ? Après plusieur mois d’une météo éprouvante, d’une lutte acharnée face aux aléas climatiques et aux maladies, le temps change de camp à la mi-juillet. Il devient chaud et sec, bref, estival ! Et la maturation en profite. Elle s’enclenche à la mi-août avec une dynamique soutenue et régulière jusqu’aux vendanges. Sans chausse-trappes ou autres mauvaises surprises. Certes, une hétérogénéité inhabituelle s’est invitée à la fête. Mais pas de quoi entacher les promesses d’un scénario presqu’idéal, rendu allègre par la quasi absence de pourriture grise. Avec à la clé, en récompense d’une saison harassante, un déroulement de la vendange dans une ambiance de calme et grande sérénité.
Une fois n’est pas coutume, la nature a sorti en 2012 sa panoplie (presque) compète des catastrophes métérologiques pouvant s’abattre sur notre vignoble. En effet, nous avons vu se succéder à un rythme effréné, gel d’hiver, gel de printemps, précoce puis tardif, pluies diluviennes, orages de grêle, coup de froid pendant la floraison, et, pour finir, échaudage et ...stress hydrique de fin de parcours... du jamais vu !
Gelées d’hiver
Faisant suite à un mois de janvier plutôt doux, février débute par une chute brutale du thermomètre qui atteint très vite -10° C le 2, puis -20° C le 4 avec de nombreuses incursions entre -15° C et -20° C jusqu’au 12. On enregistre ainsi plus de 9 journées de gel à -10° C, en moyenne dans le vignoble, chiffre à comparer avec la normale décennale (1,1 jour).
Des dégâts sont à craindre et, très vite, des coupes de bourgeons sont effectuées dans les secteurs concernés par les températures les plus basses. Il s’agit notamment de la Montagne de Reims, façade nord : -20,9° C à Reims le 4, -20,0° C à Chambrecy, -18° C à Verzenay. Le Barrois est moins touché par la vague de frois. En fait, peu de symptômes sont observés sur coupe dans les semaines qui suivent l’évènement.
En saison, on observera des dégâts sporadiques, sur cordon de royat et en particulier sur pinot noir ou meunier un peu partout dans le vignoble. Des dégâts de broussins apparaissent en fin de campagne, dans la vallée de l’Ardre notamment, mais aussi en Côte des Bar, avec des phénomènes de rougissement du feuillage.
Gelées de printemps
Le mois de mars est très doux et favorise un débourrement relativement précoce du chardonnay au tout début d’avril, tandis que les deux autres cépages prennent du retard.
Le mois d’avril contraste fortement avec mars. Il pleut en abondance et les nuits claires favorisent des gelées dès le début de la période. Mais les gelées les plus marquées débutent le 8. Puis, après une période pluvieuse, il gèle de façon assez modérée le 13 et enfin le 17, où la gelée est intense avec des minimales au sol atteignant -7,1° C à Ailleville, -5,6° C à Viviers-sur-Artaut, -7,7° C à Reims et -3,6° C à Verzenay. Les dégâts sont difficiles à estimer d’emblée. En effet, les grandes disparités entre stades de développement de la vigne, la variabilité spatiale de l’influence des pluies et de l’humidité, la période froide faisant suite à ces gelées sont autant de facteurs qui retardent les évaluations dans les différentes communes.
Le gel concerne un très grand nombre de communes (131) sur des surfaces plus ou moins importantes. Le Barséquanais paye le plus lourd tribut avec 17% de pertes, puis vient l’Aisne avec 14 % de pertes, le Bar-sur-Aubois, le Perthois, le secteur de Bouzy-Ambonnay et la Côte des blancs avec 10 %. Sur l’ensemble du vignoble, les pertes sont évaluées à environ 9 %. Ce chiffre est à rapprocher de la moyenne décennale (5 %), de 2011 (4 %) et du record de 2003 (44 %). La série s’achève avec la gelées du 17 mai, sur une vigne qui a atteint un développement important : six à huit feuilles étalées. Les températures se limitent à -1,8° C/-2,5° C mais les dégâts de gel sont là, très circonscrits et comme toujours très dommageables.
Pluies diluviennes
Après un hiver, une fois de plus, très sec, le retour des pluies débute très tôt, dès les premiers jours d’avril, contrairement à 2010 et 2011. D’avril à juillet, quatre mois tous excédentaires, les cumuls de pluie sont considérables (343 mm) et constituent un record depuis 1994. Ceci correspond à un excédent de presque 60 % par rapport à la normale. Sur la période, seules trois décades sont déficitaires : deux en mai et une fin juillet. Ces importants cumuls de pluie concernent tout particulièrement l’Aisne qui reçoit jusqu’à 200 % de sa pluviométrie normale (secteur de Condé en Brie) ainsi que le Barséquanais avec 180 % de sa normale.
Ces pluies particulièrement abondantes favorisent largement le développement des maladies cryptogamiques.
Orages et grêle dans la Côte des Bar
On recense au cours de la campagne une dizaine de chutes de grêle, du 11 avril jusqu’au 15 juillet, l’évènement le plus marquant étant celui du 7 juin dans la Côte des Bar. Dans ce secteur, on assiste à un véritable déchaînement des éléments. Les dégâts y sont d’une intensité rarement atteinte : la référence la plus proche est celle du 10 juin 2003 sur Lagery et Brouillet. Les rameaux sont littéralement déchiquetés et souvent sectionnés à une vingtaine de centimètres au-dessus de l’empattement.
Au final, sur la campagne, la grêle concerne plus de 2 100 hectares, une trentaine de communes et des pertes correspondant à 1 000 hectares, soient 3 % des surfaces plantées, le double de la moyenne décennale. Ceci place 2012 dans le peloton de tête des années "grêligènes", proche de 2007 (3 %) mais encore de très loin de 2000 (10%) .../...
"Coup de froid" à la floraison
En plus d’une pluviométrie largement excédentaire, la floraison de la vigne s’est produite dans des conditions de très grande fraîcheur et d’insolation extrêmement faible. Si l’on compare les conditions climatiques moyennes dans le vignoble sur un mois encadrant la pleine floraison depuis 1994, on constate que les conditions de 2012 constituent un record en soi. Et pour noircir le tableau, l’insolation sur période figure parmi les plus basses...
Echaudage
Le mois d’août, pour une fos estival se termine en beauté avec la succession de journées caniculaires et de fréquents cas d’échaudage des grappes. Si l’on intègre certains critères de température et d’humidité de l’air, définis à titre d’expertise, et qui ont un lien avec le phénomène, il ressort que l’année 2012 se situe en bonne place, comparée à d’autres années où l’échaudage fut très sensible : 2003 et 1998.
Stress hydrique de fin de parcours
Cette campagne éprouvante se termine dans une certaine sérénité météorologique : il ne pleut pratiquement plus depuis la mi-juillet et une certaine sécheresse se fait sentir au démarrage de la cueillette.
Le bilan hydrique, c’est-à-dire, la pluviométrie à laquelle on retranche 0,6 fois l’évapotranspiration potentielle de la vigne (ETP), calculé de la mi-juillet au 20 septembre, est le plus faible observé dans le vignoble depuis 1994.
Pour une fois, la pluie était... attendue !
Conclusion
La campagne 2012, globalement fraîche et relativement pluvieuse, laissera surtout une impression de capharnaüm climatique, par la fréquence et l’intensité de séquences climatiques improbables....
Le suivi des sondes tensiométriques sur le vignoble de Plumecoq, montre un niveau élevé d’humidité des sols rarement maintenu aussi tard dans la saison. Même la craie, dont l’humidité est habituellement très stable, voit la quantité d’eau retenue augmenter au cours du mois de juillet. Les couches plus superficielles situées à 20 cm et 40 cm de profondeur sont quant à elles quasiment à saturation jusqu’au virage de la dernière décade de juillet qui a vu l’arrêt des précipitations.
La période du 17 au 19 août 2012 correspond à une petite canicule à la suite de laquelle des symptômes d’échaudage ont été observés au vignoble. A cette période proche de la mi-véraison, les mesures d’eau dans les sols et de potentiel de base sur vigne montrent l’apparition d’une contrainte hydrique. La mesure des flux de sève confirme ce stress. En effet, les températures augmentent progressivement sur la période jusqu’à plus de 35° C et restent assez élevées la nuit. Logiquement, la vigne aurait dû intensifier sa transpiration afin de refroidir son feuillage, mais la courbe du haut montre que cela n’a pas été le cas. La vigne est déjà à son maximum et subit donc un stress. On voit même, sur les courtes périodes une faible activité de transpiration nocturne. Cette transpiration nocturne est une réponse à des températures caniculaires et impose un stress supplémentaire à la plante. Comme la canicule est arrivée après un mois de sècheresse relative avec un déficit de précipitations important, la transpiration constante en réaction à cet évènement est un signe de déficit hydrique marqué. La conséquence est un échaudage qui se manifeste alors sur la pellicule des baies exposées à l’insolation de l’après-midi. Elles se dessèchent et les baies prennent rapidement un aspect de raisin de Corinthe pour les plus touchées. Le 20 août, l’épisode caniculaire cesse et les températures redescendent. La vigne réduit normalement sa transpiration pour s’adapter au temps nuageux et légèrement pluvieux de ce 20 août. Tout est rentré dans l’ordre et la plante retrouve son équilibre, mais ce coup de chaud aura laissé des traces sur les grappes, momentanément un peu délaissées par la vigne.
Conclusion
Les vendanges sont terminées. Elles se sont achevées comme elles ont commencé : dans le calme et sans précipitation. Entendons ici par "précipitation", une hâte excessive qui donne à ce que l’on fait un caractère irréfléchi et désordonné. Car pour ce qui est des précipitations "formes de l’eau à l’état liquide ou solide provenant de l’atmosphère", les dernières semaines de vendanges en ont été bien pourvues. Ceci fit le bonheur des raisins, qui ont pu gonfler sans dommage et toujours sans pourriture ou presque, mais aussi le malheur des vendangeurs qui ont pataugé dans la gadoue. Finalement, ces pluies ont apporté quelques kilos supplémentaires à la récolte 2012 que l’on aurait souhaitée plus généreuse vu sa qualité. Malgré les craintes initiales liées à l’oïdium, finalement peu visible dans les caisses à la vendange, le qualificatif qui revient sur toutes les lèvres est "exceptionnel". Le rendement agronomique est estimé en fin de vendange proche de 9 000 kg/ha.
Difficile. Le qualificatif fait l’unanimité lorsqu’on évoque la campagne 2012. En effet, quelles avaries ne se sont pas abattues sur le vignoble champenois ? Le Botrytis, et les tordeuses. Et c’est à peu près tout ! Même si pour certains cette campagne mérite d’être oubliée, les plus optimistes garderont en mémoire les enseignements tirés d’une saison où il n’aura pas été possible de se ménager sous peine d’une sanction immédiate. Retour sur les évènements qui ont nuit quantitativement, voire qualitativement, à cette vendange.
Mildiou
"Le mildiou ne meurt jamais" : très juste citation extraite de l’article "maladies et ravageurs" le Vigneron Champenois, novembre 2011. Après deux campagnes on ne peut plus calmes en termes de pression mildiou, difficile d’enchaîner avec une épidémie qui démarre sur les chapeaux de roue. Les oeufs d’hiver profitent d’un printemps pluvieux. Leur maturité est acquise au laboratoire le 26 avril. les pluies du 2 au 9 mai et plus particulièrement celles à caractère orageux des 4,5 et 6 mai sont à l’origine de foyers primaires. Ces derniers sont bien plus fréquents qu’à l’accoutumée et concernent tout le vignoble. Du jamais vu fin mai ! La situation est même déjà préoccupante dans certaines vignes qui voient d’ores et déjà leur potentiel de récolte amputé par la présence de mildiou sur inflorescences. Début juin, la situation s’aggrave encore sur les secteurs les plus arrosés comme la Côte des Bar. Ensuite, les pluies quasi-quotidiennes jusqu’à la mi-juillet, assurent un terrain favorable à une épidémie galopante et généralisée.
Cette forte pression perdure jusqu’au stade "fermeture de la grappe", à la fin du mois de juillet. La plus grosse dégradation de l’état sanitaire des grappes est observée vers le 23-25 juillet (conséquence des orages du 4 au 7 juillet). Toutefois, l’extériorisation des symptômes de rot brun se poursuit jusqu’aux premiers jours d’août. A l’exception des jours sans pluies mais parfois venteux, les fenêtres de traitement sont très serrées mais elles existent, tombant parfois un samedi ou un dimanche. Au final, les parcelles indemnes de mildiou sur grappes sont rates (3% des parcelles du Réseau de Suivi Biologique du Territoire). Celles sans symptôme sur feuilles sont inexistantes. En moyenne, la perte de récolte par le mildiou est estimée ente 5 et 10 % à l’échelle de la Champagne.
Oïdium
Jusqu’à présent, l’expérience des campagnes passées laissait penser qu’une année favorable au mildiou n’était généralement pas favorable à l’oïdium... Nous voici en 2012 avec une campagne qui ébranle nos certitudes compte tenu d’une forte pression simultanée du mildiou et de l’oïdium.
Lors des observations sur feuilles par les techniciens des réseaux d’observation, la fréquence de parcelles de chardonnays concernées par la présence de taches progresse rapidement, dépassant à la floraison toutes les références passées, acquises depuis 2004. La situation de "risque élevé" est annoncée à partir du 20 juin afin que les mesures de protection adaptées soient mises en oeuvre rapidement, notamment dans les parcelles avec antériorité d’attaques sur grappes.
Mais les conditions météo difficiles de juin n’ont pas facilité les interventions : les traitements complémentaires localisés sur grappes ont souvent été reportés voire abandonnés.
Les premières attaques sur pédicelles puis sur baies sont détectées par les observateurs, non seulement sur les parcelles "à historique" mais aussi plus tard, sur d’autres considérées moins sensibles. Les pinots noirs sont davantage concernés que les années précédentes, parfois même quelques meuniers. Passé le stade "grain de pois", les dés sont jetés. Malgré les interventions déjà très resserrées par cause de situation mildiou tendue, dans certaines parcelles, la situation se dégrade encore. En cette année de forte pression, l’arrêt de la protection se pilote à la fin de la fermeture de la grappe en fonction de l’état sanitaire observé : les parcelles sans symptômes ou avec moins de 10 % des grappes touchées peuvent poursuivre la campagne sans prolongation de la protection anti-oïdium, les autres méritent d’être protégées jusqu’au début de la véraison.
Au final, 43 % des 208 parcelles du RSBT sont concernées par la présence de l’oïdium. C’est presque une parcelle sur deux !
Nous rejoignons le constat final de 2004. Mais moins de deux parcelles sur cinq présentent des fréquences de grappes touchées supérieurs à 10 % et les intensités d’attaques restent limitées dans la majorité des situations. La perte de récolte est par conséquent, à relativiser : elle est d’environ 1 % en moyenne sur ce réseau. A la vendange, des consignes de tri sévères sont relayées sur les quais. Certaines parcelles ne sont pas cueillies malgré un contexte quantitatif parfois délicat.
Botrytis
2012 ira, dans les mémoires, rejoindre 2009 et 2003 au rang des années particulièrement épargnées par cette maladie capable des pires pertes de récolte en Champagne. Pourtant, fin juin et début juillet, des symptômes de pourriture pédicellaires et même pédonculaires étaient signalés. Début août, presque une parcelle sur deux présente des symptômes de pourritures sur baies vertes. Mais après un mois d’août et un début septembre secs et chauds, ce potentiel épidémique a été tué dans l’oeuf. Sur le réseau maturation, quasiment plus aucune présence de pourriture n’est signalée, sinon une baie par ci par là tout au plus. Et cet état perdure jusqu’à la fin des vendanges, où même après deux semaines de pluies, seuls quelques foyers épars sont signalés notamment dans les parcelles très touchées par l’oïdium de par la présence de baies éclatées. La qualité de la vendange est irréprochable... en terme de pourriture. Une année (trop) rare.
Le rendement de l’année 2012 est faible. Il est la conséquence des nombreux aléas du climat et d’une très forte pression des maladies. Au moment où nous écrivons cet article, le rendement définitif n’est pas encore connu. Il sera sans doute proche de
9 000 kg/ha et inférieur d’environ 40% à la moyenne agronomique décennale. Il faut remonter à l’année 2003, avec un rendement de 8 254 kg/ha pour trouver une récolte aussi faible, en raison de très fortes gelées de printemps.
Un parcours semé d’embuches depuis le printemps 2011
Le cycle reproductif de la vigne se déroule sur deux campagnes successives. Les grappes récoltées à la vendange 2012 ont débuté leur cycle (on dit qu’elles ont été ’initiées’), dans les bourgeons en cours de formation, au cours de la floraison de l’année 2011.
Petit retour en arrière.L’année dernière a été marquée par un printemps très sec, chaud et ensoleillé. La pousse de la vigne est alors fortement affectée par ce déficit de précipitations. A la floraison, la densité du rideau de végétation et la vigueur des rameaux sont inférieurs à la normale. On s’inquiète pour le volume de récolte de l’année en cours en oubliant que ce type de situation est également considéré comme défavorable à une bonne initiation des inflorescences pour la récolte de l’année suivante. Le retour des pluies régulières en juin, à partir de la nouaison, sera bénéfique pour le rendement agronomique de 2011 (14 500 kg/ha). Le pire a été évité de justesse. L’eau est arrivée à temps pour permettre aux jeunes baies de grossir normalement. En revanche, après le déficit de pluies, ce sont les chaleurs estivales qui font défaut. Le potentiel de l’initiation florale 2011 s’en trouve affecté. Pendant cette phase cachée qui suit la floraison, les modèles Décliq de la Sesma décrivent une "perte" de 3 à 4 ébauches d’inflorescences par bourgeons. La montre 2012 sera modeste. Ce handicap constitue la première anicroche pour la future récolte 2012 qui va connaître une trajectoire semée d’embuches.
A l’automne, au moment de la chute des feuilles, l’aoûtement des bois est considéré comme correct. Mais le "déficit" de végétation de l’année 2011 est encore perceptible au cours de l’hiver. Il y a moins de beaux bois de taille. A titre d’exemple, la récolte des bois à greffer issus du réseau de vignes-mères de greffons est inférieure d’environ 30 % à celles des années précédentes. La vigne aborde le début de l’hiver sous le signe d’une très grande douceur. Alors que l’année 2012 commence, de nombreuses espèces végétales donnent des signes alarmants de reprise végétative très précoce. Ceci les soumet dangereusement aux aléas des basses températures hivernales. La vigne est en apparence peu concernée. C’est en effet l’une des espèces qui débourre le plus tard au printemps. Mais, bien que non visible à l’oeil nu, la reprise du prochain cycle est déjà en préparation. Aussi, la chute brutale et importante des températures enregistrée au cours de la première quinzaine du mois de février intervient sur une vigne "sensible" aux grands froids.
Pendant une dizaine de jours, les températures minimales sont souvent comprises entre -10 °C et -15 °C. Il en découle des dégâts de gel d’hiver diffus sur l’ensemble du vignoble. Des jeunes vignes (1re feuilles) sont très touchées et témoignent de la rigueur du froid. Sur vignes en place, les bourgeons détruits sont principalement situés sur les coursons des vignes taillées en cordon de royat. Bien que les conséquences climatiques soient difficiles à quantifier au-delà d’une montre qui apparait « modérée », la vigne débute son cycle végétatif au printemps 2012 avec un potentiel physiologique, pour le devenir du futur rendement, inférieur à la normale.
Des aléas climatiques et physiologiques à répétition
Premier coup de semonce important, le gel de printemps occasionne des pertes en bourgeons évaluées à 9%. On dénombre cinq nuits de gel du 8 avril au 17 mai. Les deux épisodes les plus destructeurs sont ceux des 17 avril et 17 mai.
Sur 13 500 hectares concernés (plus d’un tiers du vignoble), 2 900 hectares sont considérés détruits. C’est le double de la moyenne décennale. Le cépage chardonnay est le plus touché.
S’ajoute un deuxième fléau climatique avec la grêle. L’épisode le plus violent et particulièrement destructeur survient dans la Côte des Bar le 7 juin. Au bilan, sur
2 000 hectares touchés, environ 1 000 hectares sont totalement détruits, soit une perte du double de la moyenne décennale.
Plus difficiles à chiffrer, la coulure et le millerandage occasionnent également de lourdes pertes de rendement. Ce processus est moins spectaculaire, car il est plus lent et insidieux. Il faut attendre quelques semaines pour constater l’ampleur de la coulure (déficit important du nombre de baies par grappe) et du millerandage (baies qui, en raison de pépins avortés, restent de petite taille). Ces dérèglements sont la conséquence de la floraison qui a été longue et très étalée en juin. Les conditions météorologiques ont en effet été peu ensoleillées, fraîches et humides. Les précipitations ont été le double de la normale au cours de cette période très sensible pour la formation des jeunes baies. Mais il faut également ajouter à ce contexte la ’fragilité" physiologique de la vigne liée au cumul de difficultés climatiques déjà rencontrées dans les mois précédents.
Enfin, pour clore cette série d’aléas, deux épisodes d’échaudage occasionnent des pertes. Le premier survient la dernière semaine de juillet. Les dégâts sont très limités. Le deuxième, plus important, sévit le week-end du 18 et 19 août. Ponctuellement, certains vignerons (Côte des Bar) relèvent à l’échelle parcellaire jusqu’à 30 % de dégâts.
Des maladies agressives
Les maladies constituent la dernière source de perte de potentiel de récolte. La pourriture, fait exceptionnel, étant quasi absente, c’est le mildiou et l’oïdium qui ont suscité le plus d’attention.
Le mildiou a concerné presque toutes les parcelles du vignoble champenois. Ce constat fait d’ailleurs l’objet d’une réalité d’envergure nationale en 2012. Certaines parcelles ont eu leur récolte détruite en totalité. Les pertes sont principalement imputables au rot gris (mildiou sur inflorescences) et au rot brun. Dans un contexte de maladie omniprésente dès le mois de mai, la protection devait être sans faille pendant de longues semaines d’affilée. Prouesse parfois impossible en raison de pluies très fréquentes et supérieures en volume de 50 à 100 % par rapport à la normale sur la période d’avril à la mi-juillet
L’épisode de précipitations du 4 au 7 juillet est certainement le plus impactant sur les pertes occasionnées par le rot brun. Les dégâts globaux engendrés par le mildiou sont estimés dans une fourchette comprise entre 5 et 10 % du potentiel de récolte.
Deuxième maladie ayant affecté le volume (et le moral des vignerons), l’oïdium. Le chardonnay est le cépage le plus touché. Le pinot noir est également concerné, mais les pertes en volume sont plus anecdotiques. Le meunier est considéré comme épargné. Les pertes liées à l’oïdium sont estimées inférieures à 5 % du potentiel initial.
En "chiffres ronds", on peut évaluer les pertes du potentiel rendement occasionnées par les maladies à 10 %.
Millerandage avec petites baies sur chardonnay
Au bilan, il est intéressant pour prendre du recul de situer des ordres de grandeur dans les pertes enregistrées. Environ 40 % du potentiel a été perdu en raison des différents aléas. Environ peut être attribué aux gelées et à la grêle, 1/2 aux problèmes physiologiques (coulure, millerandage et échaudage) et 1/4 aux maladies.
L’exercice de prévision du volume de la récolte a donc été particulièrement complexe en 2012. Au fil des mois et des semaines, l’érosion du potentiel de récolte s’opère inéluctablement. La chronique des différentes estimations rend bien compte de cette orientation inexorable à la baisse enclenchée depuis l’initiation de la floraison 2011.
Modèles de prévision de la montre
La prévision de la montre établie au cours de l’été 2011 pour la récolte 2012 est en partie rassurante compte tenu des conditions végétatives peu favorables rencontrées dès le printemps 2011. Elle surestime néanmoins en moyenne d’environ "3 grappes/m2" les observations réalisées au cours de l’été suivant. Les gelées d’hiver et de printemps, ainsi que la grêle et le mildiou, sont en partie passés par là.
Notons au passage que les prévisions de montre pour l’an prochain sont très bonnes. Les modèles Décliq de la Sesma ont décrit une évolution inverse de celle de 2011 pendant le début de l’été. L’initiation a évolué à la "hausse" de quelques inflorescences supplémentaires. Ces prévisions sont très réconfortantes et concordent avec l’observation de nombreux grapillons observés à la vendange. Ceux-ci, en ces semaines d’automne, ne font pas que le bonheur des sansonnets. Les bouvreux témoignant habituellement d’une bonne initiation florale pour l’année suivante, ils nourrissent donc l’espoir d’un bon rendement pour 2013.
Prévisions de poids moyen des grappes
On retrouve également une évolution à la baisse des poids de grappes observés à la récolte par rapport aux prévisions de début de grossissement des raisins.
On observe un écart d’environ 20 % lié aux pertes occasionnées par les maladies (mildiou et oïdium), à l’échaudage et à une légère sous-estimation par le modèle, des accidents physiologiques (coulure et millerandage). Cet écart est cependant à nuancer. Les vendanges se sont déroulées au cours de la deuxième partie du mois de septembre, après l’arrêt des prélèvements maturation. Nous ne disposons plus de la continuité des données de la plupart des réseaux au cours de cette période très sèche de deux mois de la mi-juillet à la mi-septembre, le retour des pluies a été bénéfique à un regain de croissance des baies.
Ce grossissement final a été relevé par de nombreux viticulteurs, surtout au cours de la deuxième moitié de vendanges. Quelques pourcents de récolte supplémentaire ont sans doute été engrangés grâce à ce retour salutaire des pluies pour le volume.
A la veille des vendanges, avant le retour des pluies, l’estimation de rendement à partir des relevés de terrain (nombre et poids moyen des grappes) donne 8 500 kg/ha. La réalité approchera probablement 9 000 kg/ha, ce qui constitue une petite vendange en volume, en comparaison des références de ces vingt dernières années. Il convient cependant de relativiser ce constat pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, la qualité est au rendez-vous et c’est sans doute ce que la postérité retiendra. A l’adjectif "petit" qualifiant le volume, on peut associer son antonyme "grand" pour la qualité, si dans cette balance on envisage la perspective d’un futur millésime pour 2012.
Le Vigneron Champenois n° 10 - novembre 2012