UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

Vendanges, de 2001 à nos jours

2010 - Une vendange à maturité

La maturation des raisins s’est déroulée dans des conditions d’itinéraire hydrique exceptionnelles : après un printemps et un été très secs et plutôt chauds, d’abondantes pluies sont survenues vers le 15 août, période à laquelle le grossissement des raisins a accompagné le chargement en sucres des baies. L’inquiétude majeure a été la progression rapide du botrytis, avec des secteurs très touchés à la veille de la vendange, et un phénomène de "tourne" rapide qu’on n’avait pas observé depuis 1967.
Providentiellement, en septembre, le retour d’une période de temps beau et sec a favorisé le tri rigoureux des raisins dans les parcelles.

Rendements 2010 : du tri dans les volumes

Une floraison étalée et tardive

En 2010, alors que la floraison a commencé dans tous les secteurs, un temps frais avec des températures nocturnes basses s’installe pendant quelques semaines. Le 21 juin, la chaleur revient enfin et la floraison s’achève, avec un retard de cinq jours environ par rapport à 2009 et à la moyenne décennale. Les dates de pleine floraison retenues finalement sont le 16 juin pour le chardonnay, le 19 juin pour le pinot noir et le 21 juin pour le meunier. Dans la Côte des Bar, les températures basses enregistrées vers le 19 juin ont entrainé sur les pinots noirs des phénomènes de millerandage, et sur les chardonnays du millerandage et de la coulure.
En juin, les correspondants AVC estiment la montre à 13,2 grappes/m2 pour le chardonnay, 12,1 grappes/m2 pour le pinot noir et 10,1 grappes/m2 pour le meunier. En ajoutant les comptages des techniciens Magister, des préleveurs du réseau maturation, des Maisons de champagne, et des Commissions de Suivi des Conditions de Production, on parvient à 13,8 grappes/m2 pour le chardonnay, 10,9 grappes/m2 pour le pinot noir et 9,1 grappes/m2 pour le meunier.

Les poids des grappes

Les modèles Decliq sont très optimistes et prévoient début juillet des poids de grappes élevés. Lors du premier prélèvement maturation, le 19 août, les poids moyens de grappes s’élèvent déjà dans la Marne à 94 g pour le chardonnay, 112 g pour le pinot noir et 102 g pour le meunier. Les plus petites grappes sont celles du pinot noir dans la Côte des Bar (millerandage), à l’opposé des meuniers dans l’Aisne dont les grappes pèsent déjà plus de 120 g en moyenne lors du premier prélèvement.
Les raisins profitent bien de la recharge en eau des sols lors des abondantes précipitations de mi-août. Les poids moyens de grappes augmentent fortement jusque fin août avec des baies qui éclatent parfois, puis on observe un ralentissement.
Lors du prélèvement du 9 septembre, les poids moyens de grappes sont de 142 g pour le chardonnay (Marne), 130 g pour le pinot noir (moyenne Marne et Aube) et 143 g pour le meunier.

Un beau potentiel de récolte initial... diminué par la pression botrytis

Après des années d’effort pour limiter le nombre de traitements, les résultats en 2010 sont manifestes. Le printemps et le début d’été secs ont rendu le mildiou extrêmement discret en 2010, année idéale pour essayer différentes solutions de diminution des traitements...

Malgré une forte pression oïdium en milieu de campagne, la surveillance accrue et la protection infaillible pendant la floraison ont généralement permis de bien protéger les grappes.

Sur le plan phytosanitaire, la principale inquiétude devient la pourriture grise, signalée dès fin juillet. Lors du premier prélèvement maturation, on distingue deux cas de figures des grappes avec une à deux baies pourries, dues aux pluies du 15 août, et des grappes avec des foyers de botrytis plus anciens...

La perte de rendement liée au tri est très variable selon les communes. Quasi nulle dans les secteurs où le chardonnay est majoritaire, elle a représenté jusqu’à 40 % du potentiel de récolte dans certaines communes où le meunier domine.

Quelle était la meilleure stratégie en 2010 ? Commencer par récolter les parcelles les plus saines ou celles qui étaient déjà fortement touchées par la pourriture grise ?

Les consignes liées au tri ont été bien diffusées dans les vignes auprès des cueilleurs, ainsi que sur les quais de pressurage. Au final, il est difficile d’estimer les quantités réellement récoltées dans les communes. La perte de récolte due au botrytis pourrait représenter 20 % du potentiel estimé en juillet.

Suite au tri qualitatif, les récoltants ayant obtenu un rendement inférieur à 10 500 kg/ha bénéficieront en février 2011 d’une sortie de leur réserve qualitative. Rappelons que ce dispositif est à titre expérimental jusque la vendange 2011 incluse.

Maladies et ravageurs - Impacts sur la récolte 2010

Dans les grandes lignes, tout allait pour le mieux jusqu’à la mi-août. Puis survint le déluge, et patatra, des invités surprises, tourne et botrytis, surgissent en fin de saison. Revenons sur les principaux évènements de cette campagne pouvant avoir un impact sur la vendange 2010.

La pourriture se rappelle à nos bons souvenirs.

Les premiers foyers de pourriture sont engendrés par les précipitations des 12/14juillet. La frange ouest du vignoble étant largement plus arrosée, fin juillet, c’est d’abord dans l’Aisne, sur des grappes de meunier particulièrement compactes que la pourriture est signalée. Des foyers apparaissent également dans la Marne et dans l’Aube. Sur le réseau Magister, la fréquence de parcelles hébergeant des foyers est deux fois plus importante sur les noirs que sur le chardonnay. Elle est même supérieure, fin juillet/début août, dans le Barrois : deux tiers des parcelles observées en pinot noir et meunier abritent des foyers, contre 20 % sur le réseau marnais et axonnais. Quoiqu’il en soit, d’une manière générale à cette époque, les symptômes de pourriture ne soulèvent aucune inquiétude particulière. La fréquence d’attaque moyenne, toutes parcelles confondues, oscille entre 1 à 5 % sur les cépages noirs début août, selon les réseaux d’observation.

Les précipitations du 15 août entraînent un nouveau départ de foyers. Les prélèvements maturation montrent une progression très régulière de l’apparition de nouveaux foyers, du second au dernier prélèvement.

Le volume de grappe touché (c’est-à-dire l’intensité d’attaque) progresse évidemment moins vite. Les foyers sur les chardonnays restent limités, alors que sur les noirs, particulièrement sur les meuniers, les foyers sont importants. Le chardonnay est moins touché que le pinot noir, lui-même davantage épargné que le meunier. Le vignoble est diversement affecté par la pourriture, comme l’atteste déjà la carte de la répartition des foyers le 23 août.

Indépendamment des secteurs encépagés en chardonnay, le Barrois est moins concerné par la pourriture, pendant la période de maturation. Les meuniers de l’Aisne, malgré des poids de grappe bien supérieurs, sont moins touchés que les meuniers de la Marne. La conformation des grappes est un des facteurs expliquant ces différences : les grappes de chardonnay sont moins compactes, la coulure et le millerandage dans l’Aube ont entraîné une meilleure aération des grappes. Mais à l’évidence, ce facteur n’explique pas tout.

Au début des vendanges, l’enquête réalisée sur 130 parcelles du réseau maturation, dédiée à l’étude des résistances de botrytis dans le cadre de la lutte chimique, donne une intensité d’attaque moyenne de 10 %, avec une fréquence de foyers sur grappes de 45 %. Ces statistiques placent le millésime 2010 équivalent à 1995 pour l’attaque en début de vendanges. 1994 constitue l’année la plus impactée avec 14 % d’intensité d’attaque à la veille de la récolte. Le classement relatif des cépages, pour la gravité des dégâts, reste le même qu’au cours de la maturation. Néanmoins, sur les chardonnays, le phénomène de tourne est signalé, principalement dans le prolongement du week-end des 11 et 12 septembre. Ce phénomène se manifeste sous forme d’éclatements des baies dont la pellicule a été fragilisée. La blessure s’accompagne au contact de l’oxygène d’une oxydation de la pellicule qui prend une couleur marron, et les sporulations de botrytis apparaissent le long des fissures où le jus est en contact avec l’air. Finalement, les baies "pourrissent à coeur". Le caractère fulgurant des attaques rend difficile l’observation de la séquence physiologique (rupture de la pellicule) sans pourriture grise. Comme pour les manifestations plus classiques de pourriture, l’hétérogénéité d’attaque entre parcelles est très importante. Elle s’explique par des différences de vigueur. L’enherbement permanent limite l’expression des symptômes. A contrario des attaques graves s’expliquent par une nutrition azotée plus généreuse que sur les parcelles voisines.

Le dépouillement des questionnaires AVC atteste d’une perte de rendement liée au tri d’environ 2 500 kg/ha, soit une perte de 20 % du potentiel de récolte pour le vignoble.

Le risque oïdium est, depuis 2010, estimé précocement grâce à la comparaison avec les années précédentes de la fréquence de parcelles de chardonnay touchées sur feuilles. Le référentiel comporte six années. Les observations précoces sur feuilles ont été réalisées pour la première fois en 2004. Les notations débutent au stade 10 feuilles. Elles sont prolongées jusqu’au stade grains de grenailles. Notre réseau de référence est Magister.

Cet indicateur classe rapidement 2010 comme une année à forte pression oïdium, dépassant même, fin floraison, la fameuse année de référence 2004. Dès lors, l’information est donnée au vignoble. Contrairement aux habitudes, la maladie devant piloter les renouvellements de la protection n’est pas le mildiou, mais l’oïdium. Dans les parcelles à antériorité d’attaques graves sur grappes et/ou une présence significative de symptômes sur feuilles, 1 ou 2 traitements intercalaires ciblés sur les grappes sont même conseillés jusqu’au stade "grain de pois".

Finalement, à la fin de la campagne phytosanitaire, l’oïdium est plutôt bien contenu : la fréquence de parcelles touchées sur grappes, tous cépages confondus, est finalement équivalente à 2009.

Conclusion

Nous retiendrons principalement pour 2010, l’installation d’une contrainte hydrique précoce avant la véraison qui a fortement influencé le fonctionnement de la vigne, puis une alimentation en eau abondante jusqu’à la vendange. Le vignoble champenois a bien résisté à cette sécheresse précoce montrant tout de même quelques signes de ralentissement de croissance mais ne subissant qu’une faible baisse de rendement en relation avec la diminution de la taille des baies. Les pluies du 15 août, en rechargeant les réserves en eau du sol, ont permis à la vigne de poursuivre son cycle jusqu’à la vendange.

L’itinéraire hydrique décrit sur la parcelle expérimentale de Plumecoq (Chouilly) est révélateur de ce que la Champagne a connu cette année. Cependant, les différences d’alimentation en eau (précipitations, ruissellement, flux de sub-surface...) et de sol (texture, granulométrie, profondeur) nuancent légèrement les niveaux de disponibilité en eau à l’échelle de la Champagne comme à l’échelle de la parcelle. L’un des défis de la viticulture dans les prochaines années est de pouvoir intégrer cette variabilité offerte par le milieu dans la gestion des parcelles au niveau des vendanges, du mode de conduite ou encore des programmes de traitement phytosanitaire.

Le Vignerons Champenois n° 10 - novembre 2010

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