CE QU’IL Y A DANS UNE BOUTEILLE DE VIN
Le champagne est à un festin ce que le bouquet officiel est à un feu d’artifice. [...] Il doit apparaître à la fin d’un gai repas, comme un point d’exclamation à la suite d’un bon mot.
Conversations de dîner.
- Quant à moi, je professe aussi une grande ferveur pour la musique.
L’éclat d’une bouteille de champagne interrompit le disciple d’Epicure. - Voilà, mes amis, la plus suave des musiques..., le son le plus doux à l’oreille, la symphonie qui correspond le mieux à l’âme.
1867
LES GRANDS VINS
CURIOSITÉS HISTORIQUES
Comme si toutes les illustrations devaient être mises en lumière sous le règne de Louis XIV, le vin mousseux de la Champagne, qui languissait encore dans l’obscurité de sa province, fit tout à coup son apparition dans le monde. Il y entra, non pas précédé par Hippocrate, comme le bourgogne et le bordeaux, mais à la suite de Comus, le dieu favori de la jeunesse et du plaisir.
C’était en 1709, le duc de Vendôme, qui, l’année précédente, avait perdu la bataille d’Oudenarde, avait aussi perdu la confiance du roi. [...] Il s’entoura donc dans sa retraite d’Anet de quelques amis choisis : [...] Chaulieu, Lafare, Chapelle, Sillery, étaient de cette réunion de joyeux viveurs.
Or, Sillery possédait en Champagne un beau vignoble et une cave assez bien garnie de vin mousseux. [...] Un soir, dans un de ces festins où toutes les voluptés se donnaient rendez-vous, Sillery [...] fit irruption dans la salle, suivi de douze jeunes filles couronnées de feuilles de vigne, chacune portant une corbeille de fleurs. [...] A cette vue, les convives se dressent fort surpris et fort intrigués. [...]
- Monsieur le duc, Sillery est ivre, il croit vous offrir des lauriers, dit un convive.
- Non, je ne suis pas ivre, interrompit le jeune Champenois. [...] Je vous apporte dans chacune de ces corbeilles toutes les joies, toutes les voluptés, toutes les ivresses : la chanson, le rire, la folie, l’amour. Je vous apporte tout ce que l’art uni à la nature a pu créer de plus parfait pour les délices de l’esprit et des palais délicats ; dans chacune de ces corbeilles de fleurs réside une divinité à laquelle les Romains du temps d’Horace auraient élevé des autels, une merveille trop longtemps laissée dans l’oubli.
Cette merveille, messieurs, c’est une bouteille de vin sortie de mes caves de la Champagne.
- Bravo, Sillery ! buvons son vin ! s’exclamèrent les convives avec enthousiasme.
A l’instant les douze corbeilles sont placées sur la table, et dans chacune apparaît [...] une bouteille mirifique dont le bouchon débordant, retenu par un fil de fer, semble prêt à éclater’
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Fontenelle trouvait ses bons mots dans une bouteille de champagne.
1887
1. Cette anecdote n’a aucun fondement historique. Réal se réfère à La Fare. Celui-ci, dans ses "Mémoires", ne donne des détails que sur une seule des fêtes d Anet, qu’il situe en 1697 et où ne figurent ni Sillery, ni bacchantes, ni champagne. Rien sous la plume des autres mémorialistes de l’époque ni dans les archives du château d Anet. Chaulieu, auquel Réal fait allusion, louait le champagne effervescent dés 1700 (cf. p. 25). On peut ajouter qu’à l’époque le bouchon de la bouteille de champagne était assujetti avec une ficelle et non avec un fil de fer.