UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Fanny Deschamps

Littérature du vin et de la table (1976)

CROQUE-EN-BOUCHE

A Vienne, au restaurant de La Pyramide.

Comme tout cuisinier digne de sa toque, Point avait un orgueil qui lui coûtait cher, plus la prodigalité qui l’empêchait de s’enrichir. Dès le matin, il faisait remplir de blocs de glace le vaste mortier installé sur sa terrasse. Un commis y mettait à rafraîchir les magnums du champagne avec lequel Point arrosait ses amis, ses vieux clients, les passants sympathiques. Lui même tastait fréquemment, longuement, l’excellence du vin qu’il offrait.

A Mionnay, chez le restaurateur Alain Chapel, le neveu de l’auteur.

Le Chef est en pleine forme. Il capitonne une pâte feuilletée avec de la mousseline de brochet, la truffe sans mégoter, la bourre en jubilant de filets de saumons frais qui marinaient dans l’odeur riante du champagne.


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Les Hollandais soupèrent aux chandelles et aux étoiles filantes - bougeoirs de la table, éclats de leurs diamants, flammèches du champagne.

Les grandes toques en déplacement.

Un peu partout dans le monde [...j je vois Bocuse, Chapel, Vergé, Guérard, Troisgros, Outhier et petits amis reçus avec tout le faste dû aux ambassadeurs extraordinaires de sa majesté la Bouffe Française. [...] Qu’on allume les flambeaux de fête et qu’on débouche le champagne de France1, puisque nulle boisson d’ailleurs n’est assez bonne pour leur porter un toast.

1. Le champagne ne peut être que de France.

En guise d’épilogue de l’ouvrage, le médianoche à Mionnay de Paul Bocuse, Jean Troisgros et Alain Chapel.

Les trois compères vont savourer à table leur lassitude heureuse. [...] La vie va tellement mieux aux prodigues qu’aux avaricieux. Regardez donc Alain déboucher du champagne  : son bras, en emportant le bouchon arraché loin de la bouteille, s’ouvre à plein, comme pour accueillir toute une humanité de buveurs. [...]
Le maître de maison fait tomber sous son grand couteau de larges tranches de la terrine veloutée au foie gras. Paul verse le champagne. Le vin glacé choit en perles au fond des verres, pétille haut... et s’affaisse avec un bruissement de soie qui se défroisse. Et les trois calices de Dom Pérignon s’élèvent en même temps :
« Santé ! » dit Jean.

-  Notre vie a tout de même souvent cinq minutes de bon, dit Paul.

-  D’accord. Surtout quand on arrive à s’asseoir devant, dit Alain.

1976