UMC - Grandes Marques et Maisons de Champagne

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Roger Dion

Littérature du vin et de la table (1959)

HISTOIRE DE LA VIGNE ET DU VIN EN FRANCE

DES ORIGINES AU XIX, SIÈCLE

Le "champagne mousseux"

La Champagne vinicole vit [...] s’offrir à elle sans qu’elle l’eût cherché, ni même prévu, le surcroît de richesse et de prestige que lui valurent ses vins mousseux. On avait remarqué qu’en dépit de la précaution qu’on prenait toujours de loger les vins gris en des futailles neuves et sans défaut, le contact du bois, à la longue, ne leur était pas bon, et que le moyen le plus certain de préserver leur arôme lorsqu’on les gardait plus de deux ans, était de les conserver en des flacons de verre soigneusement bouchés. [...]
On remarqua que, dans le récipient de verre où on l’avait enfermé, ce vin, de lui-même, devenait mousseux, et d’autant plus facilement qu’il était moins coloré et moins fort en alcool. On s’aperçut aussi que la mousse venait plus sûrement et avec plus de force quand le vin avait été tiré vers le temps de l’équinoxe de printemps, d’aucuns disaient plus précisément à la pleine lune de mars.
La mousse, à laquelle les viticulteurs avertis n’attachèrent tout d’abord qu’un assez petit intérêt, enchanta, par contre, les consommateurs britanniques, et ce sont des textes anglais des vingt-cinq dernières années du XVIIe siècle qui nous apportent les premières expressions littéraires de son succès2 . [...]

Légendes récentes autour du "champagne".

Du vivant même de Dom Pérignon, un tel bruit avait été fait autour de son oeuvre qu’il y avait en France, vers 1715, des gens persuadés que le nom, dès lors célèbre, de Pérignon était celui, non d’un homme, mais d’un coteau produisant l’un des meilleurs parmi les vins de la Champagne. Cette méprise s’est effacée depuis lors pour faire place à une autre, qui consiste à reconnaître en Dom Pérignon l’inventeur du vin mousseux. [...]
Sans doute, dans le vignoble champenois, l’élaboration de ce vin a-t-elle été préparée, dans le cours du XVIIe siècle, par un ensemble de perfectionnements que Dom Pérignon a poussés au plus haut degré. Mais l’idée même de l’industrie aujourd’hui dénommée champagnisation n’était pas encore née au temps où il gouvernait les vignes de l’abbaye d’Hautvillers.
Peut-on même le considérer comme le créateur de la méthode qu’il a pratiquée avec un art inégalé, celui qui consiste à associer, dans la composition d’un même vin, des raisins ou des moûts de provenances différentes ? Assurément non si, comme il est vraisemblable, le vin de Champagne doit à la pratique de cette méthode non seulement son exceptionnel succès, mais aussi son nom même.

1959

2. Il faut préciser qu’il s’agissait de vin de Champagne mis en bouteilles en Angleterre.