LA FÉERIE DU CHAMPAGNE
Le champagne sommeille toujours en nous, comme tous nos rêves. Un jour, un soir, un matin, il se réveille et respire, notre bonheur lui donne vie. En effet, chaque être humain possède, inscrite dans son coeur, la mesure de sa joie. Et le champagne défie le temps, en rythme les gammes. [...)
La littérature française ne s’est pas fait faute [...] d’iriser ses personnages et ses extases lyriques de flûtes enchantées. (...] Dans le pétillement dont le palais s’excite, les écrivains ont su déceler comme les premiers propos de l’amour. [...] « Si le champagne a bien servi les artistes et les littérateurs, beaucoup d’entre eux l’ont payé de retour en lui faisant une place dans leurs oeuvres, dans lesquelles il est même arrivé à certains de l’utiliser délibérément pour l’intérêt artistique ou anecdotique qu’il représentait à leurs yeux. » (François Bonal 1) [...]
Sûrement, le cinéma a beaucoup oeuvré en faveur du champagne !
[... ] Pourtant il me semble qu’une seule scène [...] résume le champagne’
[...]
Dans "Ninotchka" 2, Greta Garbo, commissaire du peuple soviétique en visite d’inspection à Paris, tombe amoureuse d’un homme qui contrarie ses projets. [...] Elle n’a jamais bu de champagne. Son amoureux lui en offre. [...] La plus belle bouche du cinéma s’entrouvre doucement. [...] : « It’s
good ! ». C’est bon... Encore ! Elle en reprend ; elle en reprend beaucoup mais, bien sûr, elle ne sera pas ivre, "pompette" seulement, gaie, heureuse, une autre femme. Sans avoir presque rien dit, Mademoiselle Garbo [...] a rendu au champagne l’hommage qu’il mérite : c’est bon et cela rend
heureux. [...]
Chacun imagine, invente et compose pour lui-même les émois du champagne. [...] C’est une source d’or au puits sensible de nos interrogations. [...) Parmi toutes les constellations qui embellissent la vie, le champagne dessine sans lassitude la ligne continue du bonheur.
1986
1. "Le Livre d’or du champagne". 2. Film d’Ernest Lubitsch.