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Émile Zola

Littérature générale (1882)

POT-BOUILLE - LES ROUGON-MACQUART
Texte de l’édition Charpentier, 1882 — 1882
10 - p. 301

luxe de fleurs, d’argenterie, de cristaux, un service qui mettait le restaurant en l’air ; sans parler des vins, pour lesquels il faisait bouleverser la cave, réclamant des crus inconnus, n’estimant rien d’assez vieux, d’assez rare, rêvant des bouteilles uniques à deux louis le verre.
Ce soir-là, comme on se trouvait en été, saison où tout abonde, il avait eu du mal à enfler l’addition. Le menu, arrêté dès la veille, fut pourtant remarquable : un potage crème d’asperges, puis des petites timbales à la Pompadour ; deux relevés, une truite à la genevoise et un filet de boeuf à la Chateaubriand ; deux entrées, des ortolans à la Lucullus et une salade d’écrevisses ; enfin comme rôt un cimier de chevreuil, et comme légumes des fonds d’artichaut à la jardinière, suivis d’un soufflé au chocolat et d’une sicilienne de fruits. C’était simple et grand, élargi d’ailleurs par un choix de vins vraiment royal : madère vieux au potage, château-filhot 58 aux hors-d’oeuvre, johannisberg et pichon-longuevine aux relevés, château-lafite 48 aux entrées, sparling-moselle au rôti, Roederer frappé au dessert. Il regretta beaucoup une bouteille de johannisberg, âgée de cent cinq ans, qu’on avait vendue dix louis à un Turc, trois jours plus tôt.

-  Buvez donc, monsieur, répétait-il sans cesse à Duveyrier ; quand les vins sont bons, ils ne grisent pas... C’est comme la nourriture, elle ne fait jamais de mal, si elle est délicate.

Autre référence : Pot-bouille, 1882, Gallimard 1964, p. 188