UN DE NOS CONQUÉRANTS
On les connaissait bien au restaurant renommé pour sa soupe à la tortue et son "Vieille Veuve", champagne d’un moelleux adouci, d’une grande année, d’un grand âge, rivalisant de maturité avec les meilleurs bourgognes, et aussi capables qu’eux, malgré sa mousse folle, de vous amener à cet état de respect admiratif et d’extase qui est le privilège des vins vénérables, n’estce pas ? Son âpreté sucrée de petite fille sans cervelle s’est fondue en une suavité plus mûre, un équilibre de femme faite qui garde son éclat, la mousse pétille encore, mais la couleur et le bouquet vous disent qu’une âme s’y est éveillée. Ce vin conduit le jeune homme vers les temples ombreux de la pensée : les philosophes qui en goûtent voient des nymphes couronnées de fleurs les attirer de leurs bras enlacés vers (océan des pourquoi. Il nous offre un monde auquel atteindra (objet de nos rêves. C’est une maturité qui pétille. Par son union avec le temps, il a extrait du sucre une saveur originale ; par miracle, penserait-on, si l’on ne savait quelles splendides et nobles choses produit le temps lorsqu’il s’unit à ce qui est bon. (...]
,Confortablement assis dans un coin, près de la fenêtre grise encadrée de la brume fumeuse de la Cité, ils louangeaient le vin, au masculin pour le verre, au féminin pour la bouteille à l’étiquette de la Veuve. [...] Untel vin qui nous pénètre et nous ravit s’impose pour un instant à la conversation. 1 ...]
« Ils ont raison d’élever le prix. Meilleur que jamais ! »
M. Radnor regardait les bulles monter lentes et égales dans leur transparence de topaze rosée. Il but.
1891
Traduit de l’anglais.