SCÈNES DE LA VIE DE BOHÈME
On pend la crémaillère chez Rodolphe et Mimi.
Aux trois bouteilles de cachet rouge succédèrent trois bouteilles de cachet vert, au milieu desquelles on vit bientôt apparaître un flacon qu’à son goulot surmonté d’un casque argenté, on reconnut pour faire partie du régiment de Royal-Champenois, un champagne de fantaisie récolté dans le vignoble de Saint-Ouen’, et vendu à Paris deux francs la bouteille, pour cause de liquidation, à ce que prétendait le marchand.
Mais ce n’est pas le pays qui fait le vin, et nos bohèmes acceptèrent comme de l’aï authentique la liqueur qu’on leur servit dans des verres "ad hoc", et malgré le peu de vivacité que le bouchon mit à s’évader de sa prison, ils s’extasièrent sur l’excellence du cru en voyant la quantité de mousse. [...]
Voilà, dit Rodolphe. [...) Quand Mimi a été partie, je me suis figuré que je ne serais plus jamais amoureux de ma vie. [...] Je donnai un petit dîner de funérailles où j’invitais quelques-uns de mes amis. Les convives devaient prendre un air lamentable, et les bouteilles avaient un crêpe à leur goulot.
Au réveillon de Noël .
- Moi, dit Musette en faisant claquer sa bouche, je ne craindrais pas du champagne. [...] J’aime ça, ça fait du bruit.
1848
1. Ce qui serait aujourd’hui impensable, même... s’il y avait encore des vignes à Saint-Ouen : « Il n’y a champagne que de Champagne.